
L'affiche de la pièce "Vénus" au théâtre Zabeel à Dubaï, avec comme acteurs principaux Badih Abou Chakra et Rola Beksmati, qui joue le rôle de Vanda (en remplacement de Rita Hayek). Photo tirée de la billetterie de la salle de théâtre Zabeel.
L’annonce officielle vendredi de la tournée de la pièce Vénus de Jacques Maroun à Dubaï (12 et 13 septembre), puis Montréal (20 et 21 septembre) a suscité une vive polémique. En cause : le remplacement de l’actrice vedette Rita Hayek par Roula Beksmati dans le rôle principal de Vanda.
Rita Hayek, qui avait repris ce rôle au printemps dernier, comme dix ans plus tôt, aux côtés de Badih Abou Chakra pour 18 représentations au théâtre Monnot à Beyrouth, a dénoncé, dans une vidéo publiée sur son compte Instagram suivi par plus de 300 000 abonnés, ce qu’elle considère comme une injustice. Elle appelle le public à se détacher d’« une imitation, tout au mieux » de la pièce qui se jouera à Dubaï et Montréal.
Contactée par L'Orient-Le Jour, l'actrice assure ne pouvoir se taire sur ses droits : « Mon travail et le personnage que j’ai créé sont en train d’être utilisés avec une autre actrice (Roula Beksmati) ». Elle explique avoir été « sous le choc » en apprenant par un appel de Roula Beksmati elle-même, le 2 juillet, qu’elle avait été remplacée. « Pour eux, je suis remplaçable », déplore-t-elle, en parlant de Jacques Maroun et du producteur Tarek Sikias.
Rita Hayek rappelle qu’en 2015, elle a elle-même proposé l’adaptation de Venus in Fur, le film de Roman Polanski (2013) tiré de la pièce de David Ives (2010). « J’ai vu le film, et c’est comme cela que j’ai eu l’idée. J’en ai parlé à Jacques Maroun. C’est une vision que l’on a construite ensemble. » Elle assure avoir donné « son âme » à ce rôle, qu’elle a interprété pour la première fois il y a dix ans : « La reprise (en 2025) aussi était mon initiative », ajoute-t-elle.
« Choquée, déçue »
Selon l’actrice, un conflit financier a provoqué la rupture. Elle évoque l’absence de contrat écrit avec ses partenaires : « Je me suis fiée à notre amitié. On a fait trois mois de répétitions sans parler d’argent. Puis on s’est produit un mois. C’est seulement après que j’ai demandé à parler des recettes avec Jacques. Le montant donné à Badih et à moi me fait honte. J’ai été choquée, déçue par un ami. »
Elle dit alors avoir annoncé à Jacques Maroun qu'elle « ne pouvait pas continuer », et qu'elle allait « fermer cette page comme (elle) l'a ouverte », estimant avoir été « manipulée ». A l'époque, assure-t-elle, rien n'était encore concret en ce qui concerne une éventuelle tournée à Dubaï et Montréal. « C’est après que j’ai appris que Jacques Maroun avait signé avec (le producteur) Tarek Sikias. En un mot, c’est l’histoire d’une trahison », lance l'actrice.
Beyrouth, point de bascule
Contactés par L'Orient-Le Jour, Jacques Maroun et Tarek Sikias démentent toute éviction. « Elle s’est retirée officiellement fin mai », assure le metteur en scène. « Elle était au courant de tout », renchérit le producteur, qui évoque un groupe WhatsApp commun, des discussions sur les dates qui lui convenaient et une actrice alors « enthousiaste ».

Ils confirment tous deux que les recettes à Beyrouth ont été le point de bascule. « Les rémunérations étaient basées sur les recettes. Tout le monde était dans le même cas, explique Jacques Maroun. J'aurais bien sûr aimé que les recettes soient plus importantes ».
Entre engagements et droits intellectuels
L’annulation de la tournée étant jugée trop coûteuse, ils ont dû chercher une remplaçante. Jacques Maroun annonce aussi l’annulation de représentations prévues en août à Beyrouth « pour la diaspora ». « Encore maintenant on cherche à rembourser les 300 à 400 personnes ayant pris leurs places », ajoute-t-il. « J'ai respecté son avis de se retirer, mais j'ai un engagement envers mes équipes » dit encore M. Maroun, avant de détailler : « il y a les engagements de voyage, les opportunités de travail offertes, les visas faits, les réservations de théâtre... ».
Tarek Sikias précise avoir déjà payé 30 % du prix des salles. « Depuis février, 'Venus' est programmé en septembre au théâtre Zabeel à Dubaï, avec Rita Hayek dans la programmation, jusqu’à ce qu’elle ne se désiste », précise le producteur. « Elle s'est désistée mi mai et pendant près de deux semaines je l'ai contactée en lui expliquant que l'on ne pouvait pas annuler la tournée », ajoute Tarek Sikias, qui s'est dit résolu à chercher une remplaçante.
Dans un message publié samedi soir sur Instagram, Badih Abou Chakra a salué le rôle essentiel joué par Rita Hayek : « Elle est un pilier essentiel et une partenaire indispensable de la pièce. » Mais il affirme que les représentations à l’étranger relèvent d’« engagements professionnels préalablement conclus ». « Tout problème qui en découle doit être réglé une fois cet engagement honoré » ajoute Badih Abou Chakra.
Dans un communiqué diffusé par son bureau de presse, M. Maroun affirme que « les droits de la production libanaise de la pièce Vénus appartiennent exclusivement à son producteur et metteur en scène ». En soirée, l’avocat de Rita Hayek, Gaby Germanos, a diffusé un communiqué, interpellant M. Maroun : « Qui sont les créateurs de l’œuvre Vénus ? Et qui en détient les droits intellectuels et artistiques ? » Il estime que « le nom et la notoriété de notre cliente ont été exploités », notamment à travers « la diffusion de son image dans les supports promotionnels liés à la pièce », et annonce qu’« elle se voit contrainte d’emprunter la voie légale, au Liban et dans tout pays où la pièce serait présentée, afin de faire valoir ses droits légitimes ».