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Culture - Pour ou contre la « Vénus » de J. Maroun ?

« Venus » passionnément... ou pas du tout

La « Venus » de Jacques Maroun enflamme les planches du théâtre Monnot et divise le public. Les pour et les contre s'affrontent déjà. À « L'Orient-Le Jour » aussi, c'est la guerre... des mots/maux.

Contre la « Vénus » de J. Maroun

À rebrousse-poil

Par Maya GHANDOUR HERT

 

La « Vénus » de Jacques Maroun peut aisément être taxée de vaudeville maso, macho et miso(gyne). Un vaudeville strip-teaseur kitsch où les miroirs aux alouettes éclatent en mille morceaux. Déroutant. Pas assez fort. Contre, donc.

 

Préliminaires
Petite confidence en guise de... préliminaires. Il faut avouer que l'appât publicitaire a bien fait son effet. Et les spectateurs (potentiels) ont répondu présent, titillés par l'affiche où trône la Vénus à poil, une étole en fourrure couvrant à peine sa nudité supérieure. La tête de l'acteur posée sur l'une de ses cuisses écartées, légèrement penchée. Une main posée sur une joue, comme une caresse, et l'autre sur la tempe, comme pour lui tordre le cou... À l'homme, et aux conventions sociales et amoureuses aussi.
À la radio, les messages (libidinaux) passent également en boucle. Une voix grave assène qu'«il n'y a pas de plaisir sans douleur », qu'«il n'y a pas d'amour sans humiliation». Ou est-ce «pas d'amour sans douleur» ou «pas d'humiliation sans plaisir»? On ne sait pas trop exactement, mais peu importe. Le teasing de l'œuvre, inspirée du Venus in Fur de David Ives, libanisée par Lina Khoury et Gabriel Yammine, est réussi. Mais c'est là où le bât blesse, si l'on peut dire. L'action sur les planches n'est pas à la hauteur des attentes. Et pourquoi donc? Question de décollage.

 

Décollage
Si les préambules sont bien menés, la suite laisse à désirer, après une montée en puissance réussie où l'on aura assisté à l'entrée flamboyante de Rita Hayek en Vanda venue pour un casting, un soir d'orage. Désespoir du metteur en scène néophyte Badih Abou Chacra, désenchanté par la profession avant même d'en faire partie officiellement: il peine à trouver sa Vénus, une actrice capable de prononcer clairement une phrase en arabe, et qui ne soit ni botoxée ni tatouée du sourcil. «Est-ce trop demander?» s'indigne-t-il. Et voilà que Vanda débarque, grimée comme une Mercedes à Brital, cachant sous son imper une tenue affriolante, une plastique à damner un saint, un collier de chien autour du cou et une propension à faire des charbons ardents. Avec un langage de poissonnière, elle décortique la pièce à coups d'analyses socio-sexuelles et de psycho lapidaire. Badih est abasourdi par tant de vulgarité et de bon sens réunis. Mi-pute mi-insoumise, elle lui explique clairement que le roman de Sacher-Masoch ne doit pas servir de paravent à ses propres défaillances morales. Et c'est là que la confusion s'installe.

 

Mêlée
Une mise en abîme (qu'on désigne de tarte à la crème du théâtre dans le théâtre) prend alors ici des profondeurs abyssales. Entre le récit cadre et le récit enchâssé, une minute dans la satire, une autre dans le drame, l'histoire de 1870, la pièce actuelle, les personnages à plusieurs niveaux de lecture, le réel et le fantasmé, les renversements de situation et les rapports de domination homme/femme, metteur en scène/actrice, virent à 180 degré. Et au milieu de tout cela, l'obscur objet du désir, la douleur exquise de dominer et de se sentir humilié. Ouf! Le spectateur, aux méninges torturées, se demande au bout de deux longues heures si la Vénus panthéonisée ici ne règne pas dans le temple du flou et d'une guerre des sexes non aboutie. On en reste... tout coi. Sur sa faim, quoi.

 

 

 

 

Pour la « Vénus » de J. Maroun

L'ombre de ton chien

Par Colette KHALAF

 

Il faut se rendre à l'évidence : Vénus a plus d'un tour dans son sac. Certes, la mise en abîme est un exercice difficile et on risque de s'emberlificoter les pieds. Mais Jacques Maroun aura réussi à faire d'une histoire d'amour vache un conte drôle et satirique où le mystère plane... en maître.

 

La Vénus à la fourrure du fameux Leopold von Sacher-Masoch avait traversé l'Atlantique pour atterrir sur les planches «broadwayiennes» de David Ives puis derrière la caméra de Roman Polanski. Aujourd'hui, elle déploie ses charmes au théâtre Monnot jusqu'à la mi-avril. Le pitch: une jeune fille gouailleuse et vulgaire déboule en trombe dans le studio d'un metteur en scène alors qu'il vient de terminer un casting catastrophique. Il est en train d'avouer à sa femme au bout du fil qu'il n'a trouvé aucune candidate pour le rôle de Wanda, l'héroïne de la pièce Vénus à la fourrure de Sacher Masoch. Au fur et à mesure qu'elle le convainc d'interpréter un petit extrait et le force à lui donner la réplique, la métamorphose se fait et la vulgaire ingénue prend un ton grave à la Sarah Bernhardt. S'ensuit un jeu de chat et de souris, et de confrontation linguistique et physique. Les situations s'enchaînent, le tempo monte. D'une part, Rita Hayeck, tour à tour Vénus, Wanda ou même d'autres personnages, et, de l'autre, Badih Abou Chakra (émouvant...): tous deux troquent pelisse ou veste, c'est selon. Le bourreau devient victime; l'humiliant, humilié, et le marionnettiste, marionnette.

 

Sado-maso
On ne badine vraiment pas avec l'amour dans cette pièce réalisée par Jacques Maroun. Et surtout pas avec sa déesse Vénus/Aphrodite. L'amour vache a été chanté par les plus grands. «Laisse-moi devenir l'ombre de ton chien», suppliait Jacques Brel. Une pilule difficile à avaler par les abonnés à l'amour sirupeux et tendre. Mais il faut se rendre à l'évidence: Vénus a plus d'un tour dans son sac.
Certes, la mise en abîme du théâtre est un exercice difficile et on risque de s'emberlificoter les pieds. Un exercice rendu encore plus ardu par le sujet provocateur et subversif du roman écrit par celui qui a légué son nom au masochisme. Mais le metteur en scène a su tirer son épingle du jeu, d'abord par la scénographie, un loft délabré qui suinte la torture, ensuite par une direction d'acteurs à la hauteur des rôles. Avec l'aide de deux chevronnés du «mot», à savoir Gabriel Yammine et Lina Khoury qui ont adapté la pièce de David Ives à quatre mains. Ils ont réussi sans trébucher à la placer dans un contexte local. À la libaniser. Il faut dire que Gabriel Yammine a trente cinq ans d'expérience de scène et que Lina Khoury, professeure de théâtre à la LAU et créatrice de Haki neswan (l'adaptation des Monologues du vagin d'Ève Ensler) et Majnoun yehki, maîtrise grandement le vocable populaire. Ce huis clos quoique lourd d'apparence est allégé par le côté satirique de la pièce et par l'humour qui teinte les différentes situations rocambolesques.
Cette traversée du miroir à la Dorian Gray peut être dangereuse et le public risque de s'y perdre. Qui est dans la peau de qui? Où se situe Wanda et où se situe Vénus? Et si c'était cela, exactement, le but de David Ives, de montrer que cette Vénus – ou cette V(W)anda, whatever – n'est qu'une simple vision? Dans ce cas, Jacques Maroun aurait passé le test : il a réussi à installer la confusion entre réalité et fiction. Et c'est déjà bien.

 

Contre la « Vénus » de J. Maroun
À rebrousse-poil
Par Maya GHANDOUR HERT
 
La « Vénus » de Jacques Maroun peut aisément être taxée de vaudeville maso, macho et miso(gyne). Un vaudeville strip-teaseur kitsch où les miroirs aux alouettes éclatent en mille morceaux. Déroutant. Pas assez fort. Contre, donc.
 
PréliminairesPetite confidence en guise de......

commentaires (3)

Rita Hayeck est epatante dans cette piece et surfe entre Wanda et Venus avec une aisance admirable.

Carine Husni

10 h 34, le 01 avril 2015

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Rita Hayeck est epatante dans cette piece et surfe entre Wanda et Venus avec une aisance admirable.

    Carine Husni

    10 h 34, le 01 avril 2015

  • Merci Madame Khalaf et, bien sûr, Monsieur Maroun !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 59, le 13 mars 2015

  • VÉNUS... OU... CATIN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 13 mars 2015

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