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Politique - Justice au Liban

Enquête sur les explosions au port de Beyrouth : un nouvel interrogatoire de Ghazi Zeaïter fixé au 18 juillet

Le juge Tarek Bitar a informé le Parlement qu’il entend poursuivre les démarches judiciaires contre le député d'Amal et ancien ministre.

Enquête sur les explosions au port de Beyrouth : un nouvel interrogatoire de Ghazi Zeaïter fixé au 18 juillet

De la fumée s'élève au-dessus du port de Beyrouth après l'effondrement d'une partie des silos à blé, le 4 août 2022. Photo Mohammad Yassine / L'Orient-Le Jour

Le député du mouvement chiite Amal et ancien ministre Ghazi Zeaïter ne s’est pas présenté ce vendredi à l'audience devant le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, qui l'avait convoqué en tant que mis en cause dans le cadre de son enquête sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. M. Zeaïter s'est fait représenter à l'audience par son avocat, Me Samer el-Hajj, et une nouvelle séance a été fixée au 18 juillet.

Le 4 août 2020, l’une des plus grandes explosions non nucléaires de l’histoire a dévasté une grande partie de la capitale libanaise, faisant plus de 220 morts et 6 500 blessés. Cette déflagration a été causée par un incendie dans un entrepôt du port où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d’ammonium, malgré des avertissements répétés aux plus hautes autorités, accusées de négligence.

M. Zeaïter était ministre des Travaux publics et Transports en 2014 au moment du déchargement du nitrate d'ammonium dans le port. Une enquête a été ouverte, mais le juge Bitar avait dû suspendre ses investigations en janvier 2023, face à l’hostilité d’une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu’à une série de poursuites judiciaires dirigées contre lui. Il a repris son enquête début 2025 et a déjà interrogé plusieurs anciens responsables, dont l’ancien Premier ministre Hassane Diab et l’ancien ministre de l’Intérieur Nohad Machnouk.

Selon nos informations, lors de l'audience de vendredi, le juge Bitar a informé le Parlement, par le biais d’un mémoire adressé au ministre de la Justice, qu’il entend poursuivre les démarches judiciaires contre M. Zeaïter. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Me Youssef Lahoud, avocat membre du bureau d’accusation du barreau de Beyrouth dédié à la défense des familles de victimes de la double explosion du port, explique que le juge Bitar s’est appuyé sur l’article 97 du Règlement intérieur du Parlement. « Le texte dispose que si un député a été accusé d’un crime en dehors d’une session parlementaire et que le magistrat en charge de l’affaire souhaite poursuivre les poursuites alors qu’une nouvelle session est ouverte, il doit en informer le Parlement », indique-t-il.

Me Lahoud précise qu’en l’espèce, Ghazi Zeaïter avait été mis en cause en septembre 2021, alors que la Chambre ne siégeait pas. Aujourd’hui, alors que le Parlement est en session extraordinaire, le juge doit informer à la fois le ministre de la Justice et le Parlement de la tenue prochaine d’une audience d’interrogatoire. Selon l’article 32 de la Constitution libanaise, le Parlement se réunit chaque année en deux sessions ordinaires, la première se terminant à la fin du mois de mai et la seconde s'ouvrant mi-octobre. Une session extraordinaire a toutefois été convoquée à la demande du président de la République, Joseph Aoun, et du Premier ministre, Nawaf Salam, pour avancer sur les projets de réformes.

« Il ne s’agit pas d’une demande d’autorisation, mais d’une simple information », insiste Me Lahoud, ajoutant que le Parlement, s’il le souhaite, peut décider de suspendre les poursuites sur la base d’un rapport rédigé par une commission conjointe.

De son côté, Me Samer el-Hajj s’interroge sur le timing de cette démarche. Il fait remarquer que le juge ne l’avait pas entreprise lors des convocations adressées à son client les 13 et 27 juin. Mais un avocat des familles de victimes a rétorqué que ces deux séances n’étaient pas prévues pour l’interrogatoire, mais pour statuer sur les exceptions de procédure que M. Zeaïter avait soulevées dès 2021.

Lors de l’audience de vendredi, Tarek Bitar a rejeté ces exceptions de procédure. Son retard à trancher s’explique par le fait que le parquet de cassation, auquel il avait transmis ces recours pour avis, ne s’était pas encore prononcé. Me el-Hajj affirme que le parquet a fini par rendre un avis estimant que Tarek Bitar n’était pas compétent, et que seule la Haute Cour chargée de juger les présidents et ministres pouvait se saisir du dossier. Mais cet avis n'est pas contraignant, et le juge d'instruction a choisi de s’en écarter, se déclarant lui-même compétent pour poursuivre la procédure.

Un avocat proche des familles des victimes s'est en outre interrogé sur les raisons pour lesquelles le Parquet a émis un avis selon lequel seule la Haute cour peut juger les ministres et anciens ministres, alors même que le procureur général près la Cour de cassation Jamal Hajjar mène actuellement une procédure judiciaire à l'encontre de deux anciens membres du gouvernement précédent de Nagib Mikati, Amine Salam et Georges Bouchikian, dans des affaires de corruption.

« Colère inextinguible » des familles des victimes

Rassemblée vendredi non loin du port pour son sit-in mensuel qui se tient tous les 4 du mois, l'Association des familles des victimes du port de Beyrouth a rappelé que le mois prochain marquera le 5e anniversaire de l'explosion. « Cinquante-neuf mois se sont écoulés depuis la terrible explosion qui a coûté la vie aux martyrs et aux victimes (...) Cinquante-neuf mois de colère inextinguible », souligne un communiqué des familles.

Les proches des victimes ont par ailleurs critiqué la candidature de l’ancien procureur général Ghassan Oueidate au Conseil constitutionnel. M. Oueidate avait interdit, en janvier 2023 au parquet et à la police judiciaire de coopérer avec Tarek Bitar au sujet de l'enquête du port. Cette interdiction a été supprimée le 10 mars 2025, après 26 mois d'entraves.

Les familles reprochent à Ghassan Oueidate d'avoir « violé la loi de manière flagrante et abusé de l'autorité qui lui était conférée ». « Est-il raisonnable qu'une personne qui n'a pas respecté les lois qu'il était chargé de faire respecter examine la constitutionnalité des lois ? Nous appelons ici les représentants du peuple et les ministres qui nommeront les dix membres du Conseil constitutionnel à comprendre la responsabilité de ce conseil et à quel point ses membres doivent être au dessus de tout soupçon », peut-on lire dans le communiqué.

L'Association des familles des victimes du port a par ailleurs appelé à préserver les silos du port, « principaux témoins de ce qui s’est passé et du crime qui a frappé Beyrouth et sa population ». « Certains cherchent à faire disparaître ce monument, témoin de la plus grande explosion non nucléaire de l’histoire. Quiconque cherche à le faire disparaître vise en réalité à effacer les traces du crime et la responsabilité de ses auteurs. Nous ne resterons pas silencieux sur ce point, avec le soutien de la société civile », ont fait savoir les familles.

Le communiqué souligne enfin que la bataille des proches des victimes « s'effectue contre une partie de la classe politique corrompue qui a entravé l’enquête et la justice ».

Le Rassemblement des proches des victimes et des blessés du port de Beyrouth, qui lui s'oppose au travail du juge Tarek Bitar, a également organisé un sit-in vendredi à Beyrouth, appelant le juge d'instruction à émettre « un acte d'accusation complet ». Il a par ailleurs révélé que le ministre de la Santé, Rakan Nassereddine, a accepté de faire soigner les blessés de la double explosion aux frais du ministère, même s'ils sont couverts par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

Le député du mouvement chiite Amal et ancien ministre Ghazi Zeaïter ne s’est pas présenté ce vendredi à l'audience devant le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, qui l'avait convoqué en tant que mis en cause dans le cadre de son enquête sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. M. Zeaïter s'est fait représenter à l'audience par son avocat, Me Samer el-Hajj, et une nouvelle séance a été fixée au 18 juillet.Le 4 août 2020, l’une des plus grandes explosions non nucléaires de l’histoire a dévasté une grande partie de la capitale libanaise, faisant plus de 220 morts et 6 500 blessés. Cette déflagration a été causée par un incendie dans un entrepôt du port où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d’ammonium, malgré des...
commentaires (2)

Quand on a la conscience tranquille on n'a pas peur de passer à l'interrogatoire... CQFD

Gros Gnon

17 h 25, le 05 juillet 2025

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Commentaires (2)

  • Quand on a la conscience tranquille on n'a pas peur de passer à l'interrogatoire... CQFD

    Gros Gnon

    17 h 25, le 05 juillet 2025

  • Voyons voir ce qu’ils vont encore inventer pour empêcher le juge de faire son travail, maintenant qu’ils ne plus en position de le menacer ouvertement de mort et de payer les juges corrompus pour entraver ses démarches et le dessaisir de l’affaire afin de continuer le saccage des institutions et du pays, forts de leur arsenal de guerre qui est là uniquement pour terroriser les libanais, leurs compatriotes qu’ils disent défendre de tout danger en les tuant sans sommation s’ils daignent se mettre en travers de leur chemin. Aucun arc ni flèche ne devrait être toléré dans les mains des fossoyeurs

    Sissi zayyat

    10 h 18, le 05 juillet 2025

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