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Lifestyle - Diaspora

Bill Tambey, de la crise au Liban à la vie de château à 60 ans

C’est en 2022 qu'avec femme et enfants, Bill Tambey a quitté le Liban pour la France, troquant sans complexes et sans hésitation son costume deux pièces d’ingénieur commercial pour celui de gestionnaire de chambre d’hôtes dans un château. Un changement de vie à l’âge de la retraite, qu’il ne regrette sûrement pas.

Bill Tambey et son épouse dans ce magnifique château construit au XVIIe siècle à Muides-sur-Loire. Photo DR

Même si son nom et prénom peuvent sonner étranger, Bill (Abdallah) Tambey le Libanais n’avait jamais pensé quitter son pays et sa vie bien rangée. Mais à 60 ans, face à une situation économique devenue intenable, ce père de quatre enfants lâche tout pour se réinventer avec sa famille une nouvelle carrière et une nouvelle vie, à des milliers de kilomètres de là, dans le château d’un petit village français, en bord de Loire.

« Au Liban, j’étais en charge pendant 17 ans du département commercial d'une société immobilière spécialisée dans le lotissement. En partant, j’ai eu droit aux honneurs et à un plateau souvenir gravé à mon nom en argent... mais j'en suis sorti complètement désargenté, à cause de l’effondrement de la livre libanaise ! » se souvient-il, non sans humour. Comme nombre de Libanais, il a vu ses économies partir en fumée.

En 2022, Bill Tambey repère une annonce sur une application : gens de confiance recherchent couple pour gérer des chambres d’hôtes dans un château. « Nous avions cette chance, ma femme et moi, de posséder un passeport italien. Je suis né à Alep en 1962. Elle a un grand-oncle qui était consul d'Italie à Alep, ville qu’il a quittée en 1968 pour Beyrouth. Par ce biais, sa mère et son oncle ont réussi à obtenir une double nationalité. Et ça nous a ouvert une porte. »

Bill Tambey envoie alors un message et décroche un entretien, via WhatsApp. Le couple est engagé, un beau cadeau en ce Noël 2022. « À 60 ans, afin d'intégrer le marché du travail en France, j'ai abandonné mon costume-cravate d'ingénieur technico-commercial au Liban, pour occuper le poste de responsable de site au château de Colliers, près de Chambord, dans le Val-de-Loire en Sologne. Nous gérons avec ma femme les chambres d'hôtes de ce petit château et ça se passe bien, grâce à Dieu. »

Une des pièces du château, avec de magnifiques fresques murales datant du XVIIIe siècle, est classée monument historique. Photo DR

Un site magnifique

Pour la petite histoire de ce lieu magique, le château a été construit au XVIIe siècle à Muides-sur-Loire. À l'époque, c’était une closerie entourée de vignobles, propriété de la famille de Clermont-Tonnerre. En 1730, Ange-Jacques Gabriel, architecte du roi Louis XV, l’agrandit, dans l’esprit du petit Trianon de Versailles. Situé au cœur d’une région classée patrimoine mondial de l’Unesco, le domaine appartient depuis huit générations à une famille française et une des pièces du château, avec de magnifiques fresques murales datant du XVIIIe siècle, est classée monument historique.

Avec sa femme Maria, Bill Tambey s’improvise dans son nouveau métier de gérant. De l’accueil des clients à la gestion des réservations, des achats et des fournisseurs, en passant par la supervision du travail de la petite équipe de travail, jusqu’à la préparation des repas, le couple se charge de tout et apprend tout très vite.

S’ils n’étaient pas là en 1970 pour accueillir Catherine Deneuve qui avait séjourné au château en toute discrétion pendant la tournage de Peau d'âne, pour fuir les médias, Bill et Maria ont cependant vécu de belles rencontres avec leurs hôtes depuis deux ans. « Nous avons accueilli l'été passé le réalisateur français Jean-Louis Leconte avec sa femme Victoria, un couple charmant. L'artiste peintre parisien Fifax avait aussi adoré les lieux. »

Bill Tambey garde aussi en mémoire le séjour du botaniste français François Couplan et sa femme japonaise Keiko, passionnés de plantes sauvages comestibles. « Ils en ont repéré quelques-unes le long du chemin de halage qui longe le château. Ils nous ont encouragés à consommer en salade les jeunes pousses des tilleuls qui bordent l'allée qui mène au château. François nous a expliqué que c'est l'équivalent de la corète (le fameux mouloukhia, spécialité culinaire libanaise et égyptienne). »

L’ancien ingénieur est d’ailleurs passé avec bonheur derrière les fourneaux, pour préparer les repas lors des tables d’hôte. « Je cuisine aussi bien les spécialités du terroir, dont la fameuse tarte tatin qui a été créée dans la région, que des spécialités libanaises. Et les gens sont contents. »

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Clins d’œil

Des souvenirs de leur ancienne vie à Beyrouth surgissent parfois dans leur nouvelle existence. Ils sont d’ailleurs logés dans l’aile droite du château, au pied d’un majestueux cèdre du Liban. Un signe comme d’autres, fait de belles petites surprises et de rencontres inattendues.

« Comme ce couple néerlandais, confie-t-il. La dame nous avait appris que son oncle vivait au Liban, un père jésuite que j'avais connu à Beyrouth, P. Paul Brouwers , toujours lucide à plus de 90 ans, qui célèbre la messe à l'église Saint-Joseph, rue Monnot. »

« Toutes ces petites histoires peuvent sembler un peu romancées, mais c'est notre réalité de vie, explique Bill Tambey. J’essaie de voir, toujours, le côté positif, des choses, parce que dans tout parcours de vie, il y a des difficultés. Tout n’est pas toujours beau, tout rose, parce qu'en hiver, je l’avoue, c'est un peu tristounet », reconnaît-il, se réjouissant cependant des quelques jours de soleil qui ont illuminé le ciel maussade. 

« Nous encaissons un double smic, ce n’est pas terrible, mais nous sommes logés, nous avons une voiture de fonction, énumère-t-il en toute franchise. Bien sûr que comme cadre ingénieur expérimenté, je peux aspirer à plus. Mais plutôt que d'être au Liban à me battre avec le mafieux du générateur qui vous vend au prix qu'il veut les 5 ampères, je me suis dit qu'au moins ici, on est bien. C'est une chance qui s'est présentée. Je parle de providence divine parce que j'ai la foi. En ce qui me concerne, je n'ai aucun regret, ça m'a permis de découvrir de nouveaux horizons et de réussir ailleurs ! » dit-il.

Aujourd’hui, Bill Tambey a de l’espoir pour le Liban avec les nouveaux président et gouvernement, même s’il n’envisage pas d’y retourner sans un véritable projet. « Ils ont composé une équipe qui a l'air de vouloir bien réussir et qui sont honnêtes, surtout. Ça change complètement de paysage », espère-t-il.

Même si son nom et prénom peuvent sonner étranger, Bill (Abdallah) Tambey le Libanais n’avait jamais pensé quitter son pays et sa vie bien rangée. Mais à 60 ans, face à une situation économique devenue intenable, ce père de quatre enfants lâche tout pour se réinventer avec sa famille une nouvelle carrière et une nouvelle vie, à des milliers de kilomètres de là, dans le château d’un petit village français, en bord de Loire. « Au Liban, j’étais en charge pendant 17 ans du département commercial d'une société immobilière spécialisée dans le lotissement. En partant, j’ai eu droit aux honneurs et à un plateau souvenir gravé à mon nom en argent... mais j'en suis sorti complètement désargenté, à cause de l’effondrement de la livre libanaise ! » se souvient-il, non sans humour. Comme nombre de...
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