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Les Sfeir, père et fils, producteurs urbains de vin aux portes de Paris

Fady et son fils Antoine lancent Pif à PaPa, un vin bio vinifié dans leur chai à Courbevoie, au pied des tours de la Défense.

Les Sfeir, père et fils, producteurs urbains de vin aux portes de Paris

Le même sourire et une même passion pour le vin.

« Hum, ce sera un excellent vin! » Penchés au-dessus d’un fût de chêne, les Sfeir père et fils dégustent le jus de raisin à peine fermenté. La veille, ils étaient dans les vignes, en Anjou, à vendanger sous la pluie avant de rapporter avec eux le raisin récolté, dans deux camions frigorifiques. Direction Courbevoie et leur chai, situé à quelques minutes des tours du quartier d’affaires de la Défense, aux portes de Paris. Fady Sfeir et son fils Antoine y ont installé leur unité de production de vin, soit huit cuves et autant de fûts de chêne dans les anciens garages du siège de Peugeot, en août dernier. L’objectif ? Produire huit cuvées de vin bio et les vendre en ligne, par abonnement, dans des restaurants ou chez des cavistes indépendants.À l’origine, Antoine Sfeir, 28 ans, voulait ouvrir un lieu à Paris, dans lequel les amateurs pourraient tout à la fois déguster le vin produit sur place, manger du fromage et écouter des concerts live. La pandémie de Covid-19 est passée par là, et le projet d’ouverture publique d’un tel lieu remis à plus tard.

Qu’à cela ne tienne. Très ensoleillée au début, avant des pluies en août, la saison vinicole s’annonçait exceptionnelle. Antoine et Fady Sfeir décident donc de se lancer en achetant dès juillet les cuves de vinification, avec un investissement initial de plus de 100 000 euros, et en trouvant un local par l’intermédiaire de la mairie de Courbevoie, où est installée la famille depuis l’arrivée de Fady en France, en août 1986. Le bail est précaire. Fady et Antoine devront trouver un autre espace quand de nouveaux propriétaires investiront le lieu dans une dizaine de mois. En attendant, ils remplissent depuis le 1er septembre les cuves avec les raisins vendangés dans la Loire, à trois heures de Paris par la route.

C’est dans la tête d’Antoine, diplômé de l’Essec (grande école de commerce) et grand passionné de vin, que le projet a mûri. Le jeune homme étudie pour obtenir son Master of Wine, le « diplôme le plus ultime dans le vin », selon les mots de son père Fady, dont les yeux brillent de fierté devant le parcours de son fils. « C'est un grand challenge personnel, reprend celui-ci, la partie théorique consistait en 21 épreuves d’une heure trente chacune qui vont de la production à la vente de vin. L’épreuve pratique consiste à une dégustation à l’aveugle de 36 vins. »

Fady Sfeir et son fils Antoine ont installé leur unité de production de vin, soit 8 cuves, et autant de fûts de chêne, dans les anciens garages du siège de Peugeot, près de la Défense. Photos Anne Ilcinkas

Antoine avait auparavant travaillé dans la vinification en Champagne, en Espagne et en Australie. Il a aussi vendu du vin à Bali, lors de son stage de fin d’études. Pour lui, le vin est comme le cinéma, un domaine dans lequel travaille d’ailleurs sa sœur à Los Angeles : « Le vin, c’est extrêmement complexe, un peu comme le cinéma. C’est un travail collectif où chacun joue son rôle et, au final, le consommateur juge l’œuvre d’un mot : j’aime ou pas. »

Le jeune homme transmet sa passion à ses amis et à son père, et l’idée lui vient de la transmettre à d’autres également : « Quand Antoine m’a proposé de tenter l’aventure avec lui, j’ai tout de suite dit oui. » À quelques années de la retraite, Fady Sfeir quitte alors ses fonctions de directeur commercial dans la vente de logiciel et entame une formation de technicien œnologue à l’Université de Bourgogne.

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Quelques mois plus tard, les voici tous les deux dans leur chai de Courbevoie. Fady et Antoine ont le même visage allongé, le même sourire éclatant qui se transforme en rire sonore, et « le même nez imposant » ! D’où le nom choisi pour leur petite entreprise : « Pif à PaPa ». Pif comme nez, pif comme vin en argot. La collaboration entre le père et le fils se passe très bien. « On est complémentaire. Mon père est plus organisé, il s’occupe de la gestion. Je suis dans le vin, la technique, précise Antoine. Nous sommes tous les deux très sociables! Et puis, peut-être à cause de mes racines libanaises, la famille est importante pour moi et nous rions beaucoup ensemble. »

L’objectif d’Antoine et de Fady Sfeir est de produire à l’avenir leurs propres raisins.

« Notre projet, c’est d’avoir à terme notre propre vignoble en région parisienne », explique Antoine Sfeir, auteur par ailleurs d’un mémoire sur l’histoire du vin à Paris. « La capitale française est un grand terroir vinicole, qui possède le même sol que la Champagne. Mais ses vignes ont été détruites par le phylloxera au XIXe siècle. Et le vignoble n’a pas été remplacé, à cause de la pression foncière et du développement du chemin de fer », ajoute-t-il.

Et puis pourquoi ne pas faire un jour du vin dans leur village d’origine au Liban, à Rayfoun, en plantant du Merweh notamment, un cépage autochtone peu connu? Une idée un temps creusée avant d’être abandonnée par le duo, compte tenu de l’environnement instable du pays. « J’ai beaucoup d’espoir pour le Liban et les jeunes du pays, reconnaît pour autant Fady Sfeir. Ils pourront sortir le pays de la corruption et de l’immobilisme. »

« Hum, ce sera un excellent vin! » Penchés au-dessus d’un fût de chêne, les Sfeir père et fils dégustent le jus de raisin à peine fermenté. La veille, ils étaient dans les vignes, en Anjou, à vendanger sous la pluie avant de rapporter avec eux le raisin récolté, dans deux camions frigorifiques. Direction Courbevoie et leur chai, situé à quelques minutes des tours du...