Une rixe survenue mercredi soir et impliquant des membres des Forces libanaises (FL) et des éléments du groupe qui se fait appeler « Jnoud el-Rab » (Soldats du Seigneur) a coûté la vie au chef du bureau des FL à Karm el-Zeitoun (Achrafieh), Roland Murr. Cet incident a causé une vive émotion dans les rangs des FL, poussant le chef de ce parti, Samir Geagea, à réclamer implicitement la dissolution de cette formation au ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui.
Selon des sources concordantes, qui ont préféré rester anonymes, l’incident a été provoqué par une première dispute concernant un droit de passage, au cours de laquelle un membre des FL, passant près du siège de Jnoud el-Rab, à la rue Saydé, s’est disputé avec les membres présents du groupe. Ceux-ci lui ôtent vraisemblablement une arme individuelle qui était en sa possession, en lui assenant des coups, selon ces deux versions.
Revenu à la permanence des FL à Karm el-Zeitoun, cet homme se plaint du traitement qu’il a subi. Une délégation des FL se rend alors à l’endroit où s'est produit le premier incident pour tenter de récupérer l’arme confisquée. La discussion dégénère de toute évidence en rixe et des coups de feu sont tirés, provoquant la mort de Roland Murr, par ailleurs propriétaire d'une auto-école.
Le cadre FL est la seule victime dans cet incident, aucun autre blessé n'ayant été signalé. Jeudi matin, toujours selon un témoin sur place, l’armée libanaise s'est largement déployée devant le bâtiment où s'est produit la rixe et devant le siège des FL, vraisemblablement pour empêcher de nouvelles frictions.
Selon les informations disponibles, personne n’a encore été arrêté à ce stade et l’enquête se poursuit. Une source de l’armée libanaise précise que le principal suspect n’a pas été retrouvé à son domicile lors d’une perquisition qui y a été menée. L'homme, dont cette source n'a pas voulu révéler l'identité, devra se rendre à l’armée, sinon il sera arrêté de force.
Des « voyous et des tueurs »
Jeudi, en milieu de journée, le chef des FL, Samir Geagea, a dénoncé dans un communiqué la mort de son cadre « martyr ». M. Geagea a « appelé le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui pour lui demander d’intensifier les efforts et les patrouilles en vue d’arrêter les meurtriers de Roland Murr, sachant que leur identité est connue ». Le communiqué précise que le chef des FL a également demandé au ministre « de traiter le cas de ce groupe hors-la-loi (Les Soldats du Seigneur) et de mettre un terme à ce phénomène qui a déjà causé des remous dans les quartiers pacifiques de la ville ». Ce groupe « est coupable de non moins de quatre meurtres en moins de cinq ans, sans compter les agressions et le vandalisme contre certains bars notamment », ajoute le texte, en référence à l'agression menée le 12 août 2023 par des membres du groupe contre un bar LGBT à Mar Mikhaël.
« Tu as été enlevé à tes proches et aux habitants d’Achrafieh par la main de l’ignorance, de la trahison et du crime, alors que tout le monde sait que tu étais un homme de paix et de dialogue », a également écrit Samir Geagea à l’intention de Roland Murr.
Durant la journée, les réactions des cadres de ce parti à cet incident étaient virulentes dans les médias locaux et sur les réseaux sociaux. L’ancien ministre Richard Kouyoumjian, actuellement responsable des relations extérieures des FL, a déclaré au site el-Nashra que son parti « refuse la présence de toutes les armes illégales aux mains de quelque parti que ce soit, et nous refusons que le mot Rab (Seigneur en arabe) soit utilisé par une bande de voyous et de tueurs ». Il faisait ainsi référence en même temps aux demandes répétées des FL d’un désarmement du Hezbollah, le seul parti ouvertement armé dans le pays. L’ancien ministre a demandé « aux autorités judiciaires et sécuritaires de l’État d’engager des poursuites contre le groupe hors-la-loi de Jnoud el-Rab ». « Achrafieh rejette ces criminels », a-t-il martelé.
À noter que le siège des Jnoud el-Rab se situe dans le bâtiment où réside l'homme d'affaires Nabil Sehnaoui, père du patron de la banque SGBL Antoun Sehnaoui, mais on trouve aussi des membres de ce groupe devant des branches de la banque.
L'incident a enflammé les réseaux sociaux. Du côté des partisans ou sympathisants FL, la colère contre la mort de Roland Murr est perceptible. « Le passage vers l’État de droit nous coûte nos meilleurs hommes, tout cela à cause de groupes qui se considèrent au-dessus des lois et tentent d’imposer leur mainmise illégale sur certaines régions », écrit Jossy Hanna sur X.
Dans le camp politique proche du Hezbollah, certains n’hésitent pas à mettre dans le même sac les FL et les Jnoud el-Rab. « Les deux parties ont utilisé des armes dans cet incident, et les échanges de tirs étaient nourris ! Pourquoi des armes qui ne sont pas aux mains de l’État ont-elles été utilisées par deux factions en plein cœur de Beyrouth ? Servaient-elles à protéger le Liban et pourquoi ne pas les avoir utilisées pour protéger les églises du Sud de la profanation israélienne ? » écrit le journaliste Jamal Cheaib, également sur X.
Qui finance ces demeurés et pourquoi l’article ne précise pas qui est responsable de leur présence?
02 h 12, le 07 décembre 2024