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Société - Témoignages

« J’ai peur... mais je ne quitterai pas ma ville » : Tyr désormais dans l’œil du cyclone israélien

Au moins sept raids ont visé la ville portuaire, après un avis d’évacuation mercredi matin de l’armée israélienne.

« J’ai peur... mais je ne quitterai pas ma ville » : Tyr désormais dans l’œil du cyclone israélien

La ville de Tyr a été visée mercredi 23 octobre 2024 par l'aviation israélienne après un ordre d'évacuation. Kawnat HAJU / AFP

« Pour votre sécurité, vous devez évacuer immédiatement. » Mercredi matin, peu après neuf heures, les membres de la Défense civile ont sillonné les routes de Tyr (Liban-Sud) pour appeler les habitants encore présents dans la ville, malgré les bombardements incessants dans la région depuis l’offensive israélienne du 23 septembre 2024, à quitter leur résidence après l’avertissement du porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee. « L’avertissement s’adresse spécifiquement à ceux qui se trouvent dans les bâtiments situés entre les rues Hiram, Jaafar Charafeddine, Abou Dib et la rue al-Athar. Les activités du Hezbollah obligent l’armée israélienne à agir avec force contre lui, mais elle n’a pas l’intention de vous nuire », a précisé ce dernier à l’intention des résidents, les appelant à se diriger au nord du fleuve Awali. Plusieurs quartiers résidentiels étaient ainsi concernés. « Il y avait beaucoup de monde, des centaines de gens... Des personnes âgées, des enfants… » rapporte Ali Safieddine, chef de la Défense civile de la ville portuaire. La plupart se sont dirigés vers la mer ou au Resthouse pour s’abriter.

Quand elle s’est réveillée, Wafaa*, une déplacée de Dhaïra qui vit désormais dans le quartier chrétien de Tyr, est directement tombée sur l’avis d’évacuation. « La première chose que j’ai faite, c’est me servir un verre de whiskey... raconte-t-elle. Je me suis dit que ça allait m’aider à avoir moins peur. » Pendant deux heures, elle va « vivre l’angoisse », décrit-elle, ajoutant avoir vu des citadins affluer dans le quartier chrétien. « Ils sont restés le temps que ça se calme. D’autres sont partis à Saïda ou à Beyrouth », poursuit la quadragénaire. Cela fait un mois que la guerre entre le Hezbollah et Israël est totale, après près d’un an de conflit à la frontière. Plus d’un million de personnes ont déjà dû fuir le pilonnage israélien sur certaines régions du Liban. Alors, mercredi matin, la peur est encore montée d’un cran. « Les avions israéliens volaient si bas... Les bombardements étaient si forts… Nous n’avons jamais été autant sur les nerfs... » décrit Wafaa.

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Au moins sept raids israéliens ont ainsi visé Tyr : la société al-Chadid, une agence al-Qard al-Hassan (organisme financier du Hezbollah), un centre du Comité sanitaire islamique (la Défense civile affiliée au Hezbollah), un ancien bâtiment de la municipalité de Tyr, ainsi que des zones situées dans les rues Azhar al-Salam et Diniyé, selon notre correspondant dans le Sud, Mountasser Abdallah. L’armée israélienne a affirmé avoir frappé des postes de commandement du Hezbollah à Tyr. « Les lieux visés étaient spécifiques et on s’y attendait. Heureusement, il n’y a aucune victime à déplorer pour l’instant », indique Mortada Mhanna, responsable de l’unité de gestion des catastrophes auprès de la Fédération des municipalités du caza de Tyr.

« Je préfère mourir chez moi »

Après les frappes, des familles se trouvaient toujours au niveau de la mer. « Le nombre de déplacés de ce matin ne dépasse pas les mille personnes. Certains ont perdu leur maison, mais nous n’avons pas encore les chiffres », ajoute-t-il. À Tyr, les écoles ne peuvent plus accueillir de déplacés. « Elles sont remplies et la situation est devenue trop dangereuse », poursuit-il. Une fois les raids israéliens terminés, la Défense civile s’est rendue sur les lieux. « Il y avait tellement de destruction... » a pu constater Ali Safieddine.

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« Heureusement que c’est passé... » soupire Wafaa. Malgré l’angoisse, elle dit ne pas vouloir partir. « Je n’ai plus la force de me déplacer à nouveau », souffle-t-elle, alors que certains dans le quartier où elle réside pensent quitter les lieux. Après l’avis d’évacuation, Mohammad*, 72 ans, est monté en voiture avec sa fille et ses deux chats et a roulé en direction de Saïda. Son quartier est situé à 200 mètres du lieu d’une frappe. « Mais je vais retourner chez moi. La situation s’est calmée », assure-t-il. Au bout du fil, il fait l’éloge de sa ville, l’une des « plus belles du Liban », « où toutes les communautés vivent ensemble » et « où tout le monde se connaît ». « Je vois la mer quand je me lève, c’est tout ce qui compte. » Mais la peur n’est jamais bien loin. « Je suis angoissé... mais je préfère mourir chez moi », lâche-t-il finalement.

Même son de cloche du côté de Mohammad*, 21 ans. Lui aussi ne compte pas quitter Tyr. Il s’était déjà déplacé durant dix jours après le début de l’offensive avec sa famille, au Mont-Liban, mais il a « étouffé ». « Je n’en pouvais plus. Je voulais retrouver la mer... Et puis il y a beaucoup de cambriolages maintenant, et la vie de déplacé est humiliante », dit le pêcheur. « On vit dans l’angoisse... Je ne reconnais plus Tyr. C’est devenu une ville fantôme, admet-il. Mais je ne veux pas la quitter. »

*Les noms de famille ont été préservés.

« Pour votre sécurité, vous devez évacuer immédiatement. » Mercredi matin, peu après neuf heures, les membres de la Défense civile ont sillonné les routes de Tyr (Liban-Sud) pour appeler les habitants encore présents dans la ville, malgré les bombardements incessants dans la région depuis l’offensive israélienne du 23 septembre 2024, à quitter leur résidence après l’avertissement du porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee. « L’avertissement s’adresse spécifiquement à ceux qui se trouvent dans les bâtiments situés entre les rues Hiram, Jaafar Charafeddine, Abou Dib et la rue al-Athar. Les activités du Hezbollah obligent l’armée israélienne à agir avec force contre lui, mais elle n’a pas l’intention de vous nuire », a précisé ce dernier à l’intention des résidents,...
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