Depuis le 7 octobre 2023 et le début de la guerre à Gaza, Israël a été pointé du doigt pour son usage disproportionné de la force, poussant les Nations unies à user du terme de « domicide » pour qualifier les attaques systématiques ou généralisées contre les habitations et les infrastructures civiles. Cette stratégie, consistant à rendre un territoire totalement inhabitable, constitue un crime de guerre, et lorsque dirigé contre une population civile, un crime contre l'humanité, selon le rapporteur spécial des Nations unies, Balakrishnan Rajagopa.
La réponse israélienne à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 a déjà fait plus de 41 000 morts dans la bande de Gaza. Face à un usage indiscriminé et disproportionné de la force contre la population de l'enclave palestinienne, des analystes ont rapidement invoqué « la doctrine Dahiyé », comme étant appliquée par l'armée israélienne dans le cadre de ce conflit. En parallèle, depuis lundi au Liban, les lourdes frappes israéliennes ont fait au moins 700 morts, résultant du lancement de l'opération militaire israélienne « Flèches du Nord » le 23 septembre, avec l'objectif annoncé de ramener les familles israéliennes du nord du pays chez eux. Depuis lundi, les habitations en milieu urbain - désignées comme des caches d'armes ou refuge de cibles stratégiques du Hezbollah - ont été particulièrement ciblées dans le sud du pays et dans la banlieue sud de la capitale -, poussant certains analystes à évoquer à nouveau la stratégie militaire du nom de cette dernière. Mais de quoi s'agit-il exactement ?
Comment a été élaborée la doctrine Dahiyé ?
Cette doctrine a émergé suite à la guerre de 2006 entre Israël et le parti chiite, lorsque l’État hébreu pilonnait la « Dahiyé » ( « banlieue » en arabe, terme généralement employé pour désigner la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah), par voie aérienne. Il s'agit d'une théorie militaire préconisant le recours massif et disproportionné à la force, ainsi que le ciblage délibéré des civils et des infrastructures civiles en milieu urbain.
Elle a été formulée par le général israélien Gadi Eizenkot, qui invoquait l'usage d'une « puissance disproportionnée contre chaque village d'où des coups de feu sont tirés sur Israël » : chaque endroit qui, selon l'armée israélienne, pouvait de près ou de loin s'apparenter à une base militaire. Dans une interview à Reuters en 2008, le général Eizenkot évoquait la doctrine Dahiyé pour la première fois, expliquant : « De notre point de vue, il ne s'agit pas de villages civils, mais de bases militaires. (...) S'en prendre à la population est le seul moyen de contenir Nasrallah. »
Est-elle légale sur le plan du droit international ?
Nombreuses sont les condamnations internationales quant à l'usage de cette doctrine militaire. En 2009, la Commission des droits de l'homme des Nations unies indiquait, suite à une enquête menée par l'équipe dirigée par le juge sud-africain John Goldstone, que les tactiques israéliennes employées à Gaza correspondaient à la doctrine Dahiyé. Le rapport concluait que ces cas d'usage disproportionné de la force et de punition collective étaient illégaux.
Les Conventions de Genève, traités internationaux dictant les règles de conduite à adopter en période de conflits armés notamment pour la protection des civils et du personnel humanitaire, interdisent l'usage de la force disproportionnée. Cibler des sites civils et infliger une punition collective constitue un crime de guerre, selon l'article 33 de la 4ème convention de Genève.
S'agit-il vraiment de la stratégie appliquée au Liban ces derniers jours ?
Depuis le 23 septembre et le lancement de l'opération militaire israélienne « Flèches du Nord » au Liban, les frappes se sont intensifiées, ciblant un rayon bien plus large d'habitations. Dans la seule nuit du 27 au 28 septembre, l'armée israélienne a mené des dizaines de frappes dans la banlieue sud de Beyrouth. Si elle se targue d'avoir transmis par le biais de son porte-parole arabophone, Avichay Adraee, et de messages diffusés sur les réseaux sociaux, des appels à l'évacuation de certains immeubles avant les bombardements, ces alertes n'ont été transmises que très peu de temps avant et n'ont, au final, pas concerné toutes les zones ciblées. Un bilan humain provisoire samedi 28 septembre au matin faisait état d'au moins 38 morts.
Malgré cela, il n'est pas possible d'affirmer que c'est bien la doctrine Dahiyé qui est appliquée sur la banlieue sud de Beyrouth ainsi qu'au Liban depuis le début de cette offensive. Car selon les éléments disponibles, et notamment les objectifs déclarés et les modalités des frappes, les immeubles ne semblent actuellement pas visés pour effrayer la population, mais bien pour cibler des cadres du parti chiite ou son arsenal. Il reste que la force employée peut avoir un autre impact, psychologique, poussant la base populaire soutenant le Hezbollah à se retourner contre lui et à le fragiliser.
Que les libanais se débarrassent du Hizbollah, de préférence par le renforcement du gouvernement civil , soit . Qu’une puissance étrangère attaque le Liban pour faire disparaître le Hizbollah ( et tous ses sympathisants, et leurs familles, et les voisins du coin ) —- c’est une acte de guerre contre tout le Liban.
18 h 27, le 30 septembre 2024