Il y a d’abord ce chiffre, froid, qui tombe comme un couperet : 500. Jamais autant de morts n’avaient été recensés depuis la fin de la guerre civile libanaise. Ce Lundi noir, tous les objectifs et tous les micros étaient tendus vers ceux qui fuyaient à la hâte les bombardements au Sud, dans la Békaa, avec quelques affaires, à la recherche d’un lieu sûr. Les autres, en revanche, ne sont encore ce jour-là que des nombres. Désincarnés. Sans visage et sans prénom. Comme à Gaza. L’armée israélienne affirme ici avoir visé des infrastructures ou des caches du Hezbollah. Elle aurait aussi « prévenu » les civils d’une attaque imminente à travers des SMS, les invitant à « s’éloigner jusqu’à nouvel ordre des villages dans lesquels se trouvent des bâtiments où sont stockées des armes du Hezbollah.
Au cours de sa conférence de presse hier, le ministre de la Santé Firas Abiad a fait état de 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes. « Les victimes de lundi constituent une majorité de civils, non armés, qui se trouvaient en sécurité dans leur maison », a-t-il affirmé dans la soirée à L'Orient-Le Jour. Interrogé sur le ratio de victimes civiles et de combattants, le ministre n'a pas répondu.
Pour l'heure, le décompte ne semble pas définitif. Les listes, non-officielles. Très peu d’informations circulent sur l'identité des victimes. Endeuillées, les familles refusent de s’exprimer. Les représentants des municipalités lâchent des informations au compte-goutte. Seules quelques photos de famille circulent sur les réseaux sociaux.
Sur Facebook, le site d’information Bint Jbeil a publié les photos d'étudiants ou de jeunes scouts tués dans les bombardements. Mais aussi celles de quatorze habitants de la ville de Khrayeb, située entre Tyr et Adloun. « C’est Maya, mon élève qui est tombée en martyr », écrit sur Facebook Ibrahim Obeid, un professeur de Tripoli. La jeune femme était diplômée en architecture de l’Université libanaise tout comme Rola Dakdouki, tuée dans la frappe israélienne vendredi dernier contre la banlieue Sud, qui a fait au moins cinquante morts. Les vies des deux jeunes femmes ont été fauchées en même temps que plusieurs de leurs proches. La ville de Bint Jbeil pleure aussi la mort d’un boucher, Hussein al-Saghir, surnommé al-Zaghloul, qui avait cru bon se déplacer à une trentaine de kilomètres plus au nord, à Tayr Filsay, pour éviter les bombardements.
Les enfants paient un lourd tribut
Le visage angélique de la petite Yasmina Nassar, 6 ans, tuée au Liban-Sud est devenu viral en raison du dernier mot qu’elle aurait écrit quelques jours plus tôt: « Je souhaite que ma famille et moi restions en sécurité pendant la guerre ».
Depuis le 8 octobre qui marque le début des hostilités entre le Hezbollah et Israël, les enfants paient un lourd tribut. Le 1er novembre, Hussein Kourani, 16 ans, est le premier d’entre eux à succomber à ses blessures causées par un bombardement israélien alors qu’il rentrait chez lui à mobylette. Cinq jours plus tard, les élèves du collège Saint-Joseph des Sœurs des Saints-Cœurs à Aïn Ebel, apprenaient avec stupeur la mort de trois de leurs camarades, les sœurs Chour : Remas, 14 ans, Taline, 12 ans, et Layan, 10 ans, tuées aux côtés de leur grand-mère, Samira Abdel Hussein Ayoub, par une frappe israélienne ayant touché leur véhicule entre Aïtaroun et Aïnata.
À Chaat, dans la région de Baalbeck, onze personnes d’une même famille, les Hajj Hassan, ont péri sous les décombres de leur immeuble touché par un tir. « C’étaient des femmes avec leurs enfants tous âgés entre un mois et dix ans », affirme à L’OLJ le moukhtar de la ville, Ali el-Hajj Hassan.
Prises au piège chez elles, d’autres familles entières ont été rayées du registre de l'État civil. Au sud de Saïda, à Kaouthariyet el-Sayyad, c’est la famille Kojok, qui a été mise en terre hier en début d’après-midi. Ahmad, 61 ans, et son épouse Haïfa ont été tués aux côtés de leurs deux filles, de leur gendre Ali Makki, et de leurs deux petites-filles, Fatima et Joud. Suzie Kojok, née en 1975, était la directrice de l’école élémentaire publique du village. Le ministre libanais sortant de l'Éducation Abbas Halabi lui a rendu hommage, tout comme aux deux sœurs enseignantes de l’école publique de Choukine, et une professeure de mathématiques du village d'Ansar. Farah Kojok, elle, travaillait à la centrale électrique de Zahrani, selon le communiqué du fournisseur public Électricité du Liban. La famille s’était installée dans le même appartement d’un immeuble vidé de ses autres habitants, selon le moukhtar local, Mohammad Moussa. « La frappe a visé le milieu du bâtiment, qui s’est effondré sur eux. Il n’y avait aucune position militaire à cet endroit », assure ce dernier.
Merci qui ??
18 h 14, le 25 septembre 2024