Depuis samedi, les Libanais ne peuvent quasiment plus compter que sur les générateurs privés pour s’alimenter en électricité. Ce jour-là, le fournisseur public Électricité du Liban a en effet annoncé avoir mis toutes les unités de production de ses centrales thermiques à l’arrêt, après avoir épuisé ses stocks de carburant, et faute d’avoir reçu le dernier chargement attendu dans le cadre de l’accord de swap liant depuis 2021 le Liban à l’Irak.
Depuis, les réactions et annonces se succèdent, contrastant avec le silence ambiant qui régnait alors qu’EDL avait prévenu depuis début juillet de ce risque.
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a demandé à l'Inspection centrale d’enquêter sur cette extinction forcée. L’Algérie a promis dimanche de fournir du carburant au Liban et des contacts sont en cours pour que cette promesse soit suivie d’effet, selon le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad, que nous avons contacté.
En outre, le gouvernement irakien a démenti lundi « les rumeurs suivant lesquelles l’Irak aurait arrêté de fournir du fuel au Liban », expliquant le retard de la dernière livraison par des « causes techniques et logistiques ». Walid Fayad et Nagib Mikati ont enfin tenu une réunion lundi au Grand Sérail pour aborder les derniers développements du dossier ainsi que ceux à venir.
Voici ce à quoi les abonnés d’EDL devraient s’attendre dans les prochains jours.
Pas ou peu de courant pendant une semaine
Après l’annonce du black-out, le ministre sortant de l’Énergie a annoncé qu’environ « 5 000 kilolitres » de carburant provenant des cuves des installations pétrolières du Liban-Sud allaient être transférés à la centrale de Zahrani, l’une des quatre centrales thermiques construites sur la côte libanaise. Ce carburant a été prêté à EDL, a rappelé le ministre lors de sa réunion avec le chef du gouvernement. Selon la direction d’EDL et Ziad al-Zein, directeur de ces installations, ce transfert a déjà été effectué. La direction d’EDL précise qu’elle a remis en marche une des unités de production de Zahrani, déployant 50 à 80 mégawatts sur le réseau, qui s’ajoutent aux 80 MW que l'Office national du Litani est censé avoir commencé à déployer depuis 10 jours. Elle indique que le courant va principalement servir à alimenter les infrastructures vitales du pays – soit le port, l’aéroport ou encore les offices des eaux. Les abonnés n’en profiteront en principe pas, sauf les rares chanceux qui sont connectés aux mêmes lignes que les infrastructures.
Dans un plan de rétablissement du courant en cinq phases qu’il nous a communiqué ce week-end, Walid Fayad espérait qu’EDL soit en mesure de faire fonctionner 300 MW en tout avec le carburant fourni par les installations pétrolières. « Le fournisseur a dû réduire la voilure pour pouvoir durer plus longtemps, mais il n’est pas impossible qu’EDL puisse fournir une, voire deux heures de courant aux habitants des régions, à tour de rôle, pendant les quelques jours qui vont suivre », ajoute-t-il. Lors de sa réunion avec Nagib Mikati, le ministre a ajouté que le transfert de carburant des installations pétrolières avait été retardé jusqu’au week-end en raison « d’obstacles bureaucratiques » que son ministère s’est employé à contourner.
Pendant cette période où la production de courant sera extrêmement limitée, il est très possible qu’une partie des propriétaires de générateurs décide de rationner la production de courant, même si pour l’instant, aucune annonce dans ce sens n’a été faite. Un exploitant du Metn, qui fait partie d’une association regroupant plusieurs de ses collègues, indique, sous couvert d’anonymat, « qu’il est impensable que les générateurs tournent non-stop pendant une semaine » sans plus de précision. Un autre, établi dans le caza de Baabda et ne souhaitant pas non plus dévoiler son identité, assure qu’il « fera au mieux pour ne pas couper le courant ces quelques jours », en espérant que la crise soit vite résolue. Dans le Kesrouan, une habitante se dit surprise de voir que le propriétaire du générateur dont elle dépend n’a toujours pas coupé le courant jusqu’à présent. Le ministre appelle à ce que les exploitants limitent le rationnement au minimum lorsqu’il est nécessaire de laisser reposer les générateurs – les importations de mazout dans le pays s’étant poursuivies normalement jusqu’à au moins la semaine dernière, selon l’association regroupant les importateurs de carburant (APIC). Les Libanais ont vécu de longs mois pendant ces cinq années de crise avec seulement une ou deux heures de courant produit par EDL chaque jour, en raison des difficultés que connaissait déjà le fournisseur public pour s’approvisionner en carburant.
Livraison du Chem Helen
Le ministre compte, lui, sur une mise en œuvre rapide de la 3e phase (toutes les mesures citées jusqu’ici correspondent aux deux premières) pour limiter cette période de disette. Selon lui, le Chem Helen, navire-citerne transportant 30 000 tonnes de gasoil égyptien acheté sur le marché spot-cargo (carburant pouvant être consommé par la centrale de Zahrani ou celle de Deir Ammar, au Liban-Nord) devrait arriver au large des côtes libanaises dès le 24 août (samedi prochain) et décharger son carburant dans les deux jours qui suivent. EDL serait alors en mesure de faire fonctionner 600 MW, soit plus d’un tiers de ses capacités, selon les prévisions. Toutefois, même à pleine capacité, EDL ne produit pas assez de courant pour alimenter tout le pays 24h sur 24. Selon le site marinetraffic.com, le tanker se trouvait au large d’Alexandrie vers 19h lundi. L’achat de cette cargaison a été approuvé par le Conseil des ministres lors de sa réunion de mercredi dernier.
La quatrième phase va consister à réceptionner 60 000 tonnes de carburant livré dans le cadre de l’accord de swap irakien en septembre. Selon le ministre, la SOMO (State Oil Marketing Organization) doit charger le 24 août le carburant brut qui devra ensuite être échangé contre du pétrole raffiné fourni par une société tierce selon le mécanisme consacré par l’accord liant le Liban à l’Irak. Ces stocks permettront à EDL de maintenir sa production au niveau atteint une fois que le Chem Helen aura déchargé sa cargaison.
Enfin, la phase 5 entrerait dans sa phase active en novembre prochain « si tout va bien », indique le ministre, tablant sur la reprise des livraisons mensuelles de fuel irakien dans le cadre de l’accord de swap et le redémarrage d’une partie des unités de production dans les deux autres centrales thermiques déployées sur la côte à Jiyé (Chouf) et Zouk (Kesrouan).
Le ministere de l'energie et en particulier sa filiale EDL sont le centre nevralgique de la corruption d'etat.
11 h 10, le 21 août 2024