« Nous appartenons à une culture de la fête, au Liban on sait s’amuser et lâcher prise, avec un brin de folie. Chaque soirée est inoubliable, je crois que nous avons une approche différente des bars et de la nuit. Très vite, les différentes tables se mettent à échanger entre elles et l’ambiance est incroyable », s’écrie Jade el-Richani avec une pointe de nostalgie. « Verre à Cruise », bar à tapas et cocktails, comme il se définit, mise sur une ambiance conviviale et chaleureuse, fondée sur la qualité, la précision et le souci de retrouver un je-ne-sais-quoi « comme chez nous ».
Ouvert à Marseille il y a trois ans par le couple Richani, il se situe dans le prolongement de leur expérience du monde de la nuit qu’ils ont eue dans différents pays.
« Sami a fait des études de publicité et marketing, et j’avais initialement choisi le graphic design. Pourtant, je savais dès le départ que je voulais travailler dans des bars de nuit, ce qui a, au départ, dérangé ma famille qui ne connaissait pas ce milieu, précise l’entrepreneuse. Pendant nos études nous avons travaillé dans des boîtes de nuit et des bars, puis nous avons décidé d’en faire notre métier. » Les arrêts obligés des deux associés au Gärten, Uberhouse et Skybar, ont été bien utiles avant de se lancer dans la vie nocturne de Dubaï : « Il y a 7 ans, nous avons décidé d’ouvrir notre propre établissement en Europe, poursuit Jade. Nous avons bien voyagé avant de choisir Marseille, qui nous a semblé avoir du potentiel dans ce domaine. On s’est posés là et on a su qu’on voulait ouvrir cet endroit. Ce qui nous a contraints de fuir le Liban, c’est essentiellement le fait qu’on se sentait coincés ; il est difficile d’avoir un avenir au Liban sans suivre certains mouvements. Nous avions besoin de changement, dans un environnement où tout n’est pas lié à votre religion, votre nom, votre village d’origine ou votre appartenance politique. Nous étions sous pression. Même les gens qui ont eu la chance de faire des études et qui semblent ouverts ont une liberté de pensée restreinte. Il est important de ne pas se sentir limité pour grandir : nous avions systématiquement besoin d’appuis à la moindre demande, et ensuite on était redevables… On voulait être libres dans notre façon de faire ! »
Verre à Cruise a fait le pari du multiculturalisme. « On y entend la ville mexicaine Veracruz, qui rappelle qu’on peut trouver des Libanais partout dans le monde, même dans les coins les plus aléatoires », précise la jeune femme avec humour. Le bar fait également écho à un objet métonymique du lieu, le verre, et au film Cocktail (1988), où Tom Cruise joue le rôle d’un barman qui sert des cocktails et qui jongle avec des bouteilles. Les Richani, eux, jonglent avec les saveurs, et c’est après avoir bien étudié le marché marseillais et ses besoins qu’ils proposent aujourd’hui une carte de cocktails et un menu de restauration aux petits oignons.
Twister les cocktails avec de l’eau de fleur d’oranger, de la cannelle ou du Picon
Jade et Sami el-Richani ont concocté une trentaine de cocktails, dont une vingtaine de signatures qui font allégrement twister les saveurs. « Tout est fait maison, les jus, les sirops… et c’est fun ! On a allié différentes épices à nos préparations, de la coriandre, du thym, du piment fumé, de l’anis, mais aussi… du Picon. Le Monte Pistachio mixe des pistaches, de l’eau de fleur d’oranger, des arômes de rose et d’autres », explique la spécialiste. Les cocktails au mezcal sont les plus demandés, notamment celui qui associe de la Suze, une eau d’ananas et un mélange d’épices. « Il est servi dans une boîte, et quand on l’ouvre, de la fumée sort, ce qui donne un goût braisé au cocktail », indique Jade.
La restauration n’est pas en reste et propose une carte originale et métissée. « Nous avons essayé de reproduire ce que l’on trouve au Liban, les restaurants y sont de qualité, et nous avons voulu valoriser une présentation moderne. » Au menu : du hommos, du chou-fleur grillé, des falafels, des buns au zaatar, du chawarma, mais aussi du poulpe et des tempuras de crevette. « Ce sont des petits plats à partager, que l’on grignote tout au long de la soirée, comme chez nous », précise la cheffe, qui a opté pour des mets sucrés internationaux : cheese-cake aux fruits rouges ou gâteau au chocolat, noisette, beurre de cacahuète. Pour les oreilles comme pour les papilles, ici, on mise sur la variété des styles. « Pour la musique, nous n’avons pas cherché à nous focaliser sur de la musique orientale, notre musique est très variée, comme au Liban », poursuit la jeune femme, qui constate avec le sourire que la clientèle de Verre à Cruise ne cesse de se diversifier. « Des habitués, des touristes, et surtout des jeunes entre 28 et 40 ans, avec de plus en plus de Libanais. Nous avons le projet d’ouvrir un second établissement, différent », lance-t-elle sans souhaiter en dire plus.
Irrésistiblement séduite, plus encore, happée par le monde de la nuit, par ce qui se trame dans les contours du jour qui disparaît, elle avoue : « Ce qui me plaît, c’est de rendre les gens heureux, de leur faire découvrir de nouvelles saveurs. La nuit, c’est fascinant de les voir s’accorder plus de liberté, de s’exprimer et de se révéler, ce qui n’est pas lié à l’alcool mais à une ambiance particulière. Parfois, on partage juste cinq minutes avec un client, mais elles sont essentielles », conclut Jade el-Richani. Ce lieu qui dégage une belle énergie semble avoir gagné son pari, celui de faire en sorte que le client s’y sente comme chez lui.
Verre à Cruise, 11 cours Julien, 13006 Marseille, France.
Tél. : +33 6 28676571
Instagram : @verre_a_cruise
Bravo????
23 h 25, le 18 août 2024