Le 31 juillet, dans la foulée des assassinats du haut commandant militaire du Hezbollah Fouad Chokor, à Beyrouth – revendiqué par l’État hébreu –, et du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran – non revendiqué –, plusieurs pays occidentaux ont été clairs : « Ne voyagez pas au Liban. » Encourageant également ceux qui se trouvent dans le pays à prendre le premier vol disponible, certains ont même offert des prêts aux citoyens qui ne pouvaient pas se permettre de payer les billets mais souhaitaient partir.
A contrario, même si le Hezbollah et l’Iran promettaient une riposte sévère contre Israël pour avoir tué ces deux dirigeants, les avis de voyage pour Israël sont restés les mêmes, exhortant seulement les ressortissants concernés à reconsidérer leur voyage ou à voyager avec une extrême prudence, même si des compagnies aériennes annulaient des vols à destination et en provenance du Liban et d’Israël.
En examinant les avis de voyage émis par plusieurs pays occidentaux – les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie et le Canada –, L’Orient Today a constaté que tous indiquaient que le Liban est un pays à éviter tandis qu’Israël, à l’exception du Canada qui a émis le même avis de voyage pour Israël que pour le Liban, bénéficie d’un avis de voyage plus « léger ». Selon plusieurs experts en relations internationales contactés, cela s’explique par un mélange de considérations logistiques et politiques.
« Bien que la protection des citoyens soit une priorité, ces avis peuvent également être influencés par des facteurs politiques », a ainsi déclaré Imad Salamey, professeur associé de sciences politiques et de relations internationales à l’Université libano-américaine (LAU). « Par exemple, un gouvernement pourrait utiliser les avertissements de voyage comme un outil pour exercer une pression sur un pays particulier ou pour façonner la perception publique en accord avec ses objectifs de politique étrangère », développe-t-il.
Pas d’échappatoire
Pour assurer la sécurité de leurs citoyens, les pays doivent prendre en compte de nombreux facteurs, allant de la probabilité qu’une guerre éclate à l’infrastructure en place pour garantir la sécurité des personnes et, en dernier recours, à la possibilité pour leurs citoyens de fuir le pays si une guerre éclatait. C’est là que le Liban et Israël diffèrent radicalement.
Les services médicaux israéliens, de la Défense civile aux hôpitaux, sont bien plus modernes et mieux financés que leurs homologues libanais qui, bien qu’ils fournissent des soins vitaux, ne peuvent pas faire autant qu’Israël – comme fournir des hélicoptères d’urgence pour transporter les blessés vers un hôpital éloigné du champ de bataille. En plus de cela, les secouristes au Liban ont été à plusieurs reprises pris pour cible par Israël alors qu’ils tentaient d’accéder à un site de bombardement, réduisant encore les chances de survie des blessés.
Israël dispose également de plus d’aéroports internationaux que le Liban, qui pourraient être utilisés pour évacuer des personnes. Le Liban n’a qu’un seul aéroport public – l’Aéroport international Rafic Hariri –, tandis qu’Israël en a cinq, l’aéroport Ben Gourion étant le principal point d’entrée et de sortie.
Pendant la guerre de juillet 2006, après qu’Israël a bombardé l’aéroport de Beyrouth, il était presque impossible pour les gens de quitter le pays, obligeant de nombreux pays à entreprendre la tâche laborieuse et coûteuse d’utiliser des bateaux pour extraire leurs citoyens. En revanche, en Israël, les gens pouvaient se rendre à l’aéroport normalement – bien qu’avec une extrême prudence.
Même dans le cas où tous les aéroports israéliens seraient touchés et mis hors service, Israël partage également des frontières terrestres avec la Jordanie et l’Égypte, deux pays qui entretiennent des relations amicales avec l’Occident et pourraient offrir un passage sûr si nécessaire.
Le Liban, lui, ne partage ses frontières qu’avec la Syrie et Israël. Les citoyens libanais pourraient passer en Syrie – ce que certains ont déjà commencé à faire pour prendre un vol depuis la capitale jordanienne, Amman –, mais les Américains et d’autres Occidentaux ne pourraient pas traverser la Syrie en raison de l’état des relations diplomatiques actuelles entre la Syrie et l’Occident. Cela laisserait comme seule option de prendre un bateau pour Chypre – un moyen déjà utilisé par les personnes les plus fortunées.
Malgré ces différences, les capacités militaires du Hezbollah lui permettent de frapper pratiquement n’importe où en Israël, ce qui soulève la question de savoir pourquoi les pays occidentaux estiment qu’Israël est plus sûr que le Liban. « La nature et l’ampleur de ces avis sont discutables. Bien que certaines précautions soient justifiées, il y a une tendance à ce que ces mesures soient influencées par des motifs politiques, ce qui peut conduire à des avis plus sévères que la situation ne le justifie », explique Imad Salamey.
Faire de la politique ?
Depuis le début de la guerre à Gaza, les pays occidentaux continuent d’insister sur le fait qu’Israël a le « droit de se défendre », malgré un bilan de morts à Gaza approchant les 40 000, dont la plupart sont des civils, selon diverses organisations internationales. Alors qu’une grande partie du monde a condamné les multiples cas où les bombardements israéliens ont tué des dizaines de Palestiniens, le plus grand allié de l’État hébreu, les États-Unis, est resté muet.
Une grande partie de cela est due aux relations géopolitiques entre l’Occident et Israël. Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth, soutient que « les pays occidentaux considèrent Israël comme un cas particulier ». « Ce qui s’applique à d’autres pays ne s’applique pas à Israël », déclare-t-il. Cela est en partie dû à la présence du Hezbollah au Liban, qui est désigné comme une organisation terroriste, en partie ou en totalité, par divers pays occidentaux.
Par conséquent, Hilal Khachan affirme que l’Occident, et en particulier les États-Unis, « traite le Liban comme un État paria » et tente de garder ses distances. Cela influence la manière dont des pays comme les États-Unis émettent des avis de voyage. En raison du « combat du Hezbollah contre Israël, (le Liban) est souvent soumis à des avis plus sévères. Israël, en revanche, faisant face à des menaces importantes, est considéré comme un allié plus stable, ce qui conduit à des avertissements moins sévères », explique Imad Salamey.
La nécessité pour les nations occidentales de donner un sentiment de « normalité » en Israël, un allié régional clé, joue également un rôle dans la décision d’un pays lors de l’émission d’avis de voyage. « L’avis vise à maintenir un sentiment de normalité et de soutien à Israël, même lorsque certaines zones sont sous menace, poursuit-il. Cela contraste avec les avertissements plus sévères pour le Liban, qui peuvent être destinés à exercer une pression sur le pays en raison de son association avec le Hezbollah et d’autres groupes considérés comme adversaires par les États-Unis. »
Pendant la guerre de juillet 2006, le département d’État américain a émis des avis de voyage avertissant les Américains d’éviter de se rendre au Liban et d’évacuer s’ils le pouvaient. En ce qui concerne Israël, cependant, le département d’État s’était abstenu de dire à ses citoyens d’éviter de voyager et a plutôt publié une déclaration plus large sur l’instabilité dans la région, mentionnant spécifiquement le Liban, Gaza et Israël, et avait conseillé aux citoyens américains de faire preuve de prudence s’ils voyageaient dans la région.
Bien qu’un conflit à grande échelle reste peu probable aujourd’hui, Hilal Khachan a déclaré que, si cela devait avoir lieu, la manière dont l’Occident gérerait les avis de voyage pour le Liban et Israël suivrait probablement un schéma similaire à celui de 2006. Lorsqu’on lui a demandé les raisons des écarts entre les avis de voyage pour le Liban et Israël, un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères nous a affirmé : « Nous suivons de près l’évolution de la situation au Moyen-Orient. Nos conseils aux voyageurs sont constamment mis à jour pour chaque pays. »
Un porte-parole de l’ambassade britannique à Beyrouth a lui déclaré à L’Orient Today : « Le FCDO (Foreign, Commonwealth and Development Office) révise régulièrement ses conseils aux voyageurs pour s’assurer que nos recommandations publiées pour les citoyens britanniques sont à jour et reflètent le contexte local. » L’ambassade des États-Unis au Liban et le ministère australien des Affaires étrangères n’ont pas fourni de déclaration lorsqu’ils ont été sollicités pour un commentaire.
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13 h 33, le 15 août 2024