Rechercher
Rechercher

Politique - Tensions régionales

Pourquoi les pays occidentaux émettent des avis de voyage différents pour le Liban et Israël

La nécessité pour les nations occidentales de donner un sentiment de « normalité » en Israël joue également un rôle dans la décision d’un pays lors de l’émission d’avis de voyage.

Pourquoi les pays occidentaux émettent des avis de voyage différents pour le Liban et Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Dôme de fer au-dessus de la région de Haute Galilée, dans le nord d’Israël, le 4 août 2024. Jalaa Marey/AFP

Le 31 juillet, dans la foulée des assassinats du haut commandant militaire du Hezbollah Fouad Chokor, à Beyrouth – revendiqué par l’État hébreu –, et du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran – non revendiqué –, plusieurs pays occidentaux ont été clairs : « Ne voyagez pas au Liban. » Encourageant également ceux qui se trouvent dans le pays à prendre le premier vol disponible, certains ont même offert des prêts aux citoyens qui ne pouvaient pas se permettre de payer les billets mais souhaitaient partir.

A contrario, même si le Hezbollah et l’Iran promettaient une riposte sévère contre Israël pour avoir tué ces deux dirigeants, les avis de voyage pour Israël sont restés les mêmes, exhortant seulement les ressortissants concernés à reconsidérer leur voyage ou à voyager avec une extrême prudence, même si des compagnies aériennes annulaient des vols à destination et en provenance du Liban et d’Israël.

Lire aussi

À l’Aéroport international de Beyrouth, deux halls, deux ambiances

En examinant les avis de voyage émis par plusieurs pays occidentaux – les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie et le Canada –, L’Orient Today a constaté que tous indiquaient que le Liban est un pays à éviter tandis qu’Israël, à l’exception du Canada qui a émis le même avis de voyage pour Israël que pour le Liban, bénéficie d’un avis de voyage plus « léger ». Selon plusieurs experts en relations internationales contactés, cela s’explique par un mélange de considérations logistiques et politiques.

« Bien que la protection des citoyens soit une priorité, ces avis peuvent également être influencés par des facteurs politiques », a ainsi déclaré Imad Salamey, professeur associé de sciences politiques et de relations internationales à l’Université libano-américaine (LAU). « Par exemple, un gouvernement pourrait utiliser les avertissements de voyage comme un outil pour exercer une pression sur un pays particulier ou pour façonner la perception publique en accord avec ses objectifs de politique étrangère », développe-t-il.

Pas d’échappatoire

Pour assurer la sécurité de leurs citoyens, les pays doivent prendre en compte de nombreux facteurs, allant de la probabilité qu’une guerre éclate à l’infrastructure en place pour garantir la sécurité des personnes et, en dernier recours, à la possibilité pour leurs citoyens de fuir le pays si une guerre éclatait. C’est là que le Liban et Israël diffèrent radicalement.

Capture d’écran de la carte des conseils aux voyageurs du département d’État américain concernant le Liban, la Palestine et Israël.

Les services médicaux israéliens, de la Défense civile aux hôpitaux, sont bien plus modernes et mieux financés que leurs homologues libanais qui, bien qu’ils fournissent des soins vitaux, ne peuvent pas faire autant qu’Israël – comme fournir des hélicoptères d’urgence pour transporter les blessés vers un hôpital éloigné du champ de bataille. En plus de cela, les secouristes au Liban ont été à plusieurs reprises pris pour cible par Israël alors qu’ils tentaient d’accéder à un site de bombardement, réduisant encore les chances de survie des blessés.

Israël dispose également de plus d’aéroports internationaux que le Liban, qui pourraient être utilisés pour évacuer des personnes. Le Liban n’a qu’un seul aéroport public – l’Aéroport international Rafic Hariri –, tandis qu’Israël en a cinq, l’aéroport Ben Gourion étant le principal point d’entrée et de sortie.

Pendant la guerre de juillet 2006, après qu’Israël a bombardé l’aéroport de Beyrouth, il était presque impossible pour les gens de quitter le pays, obligeant de nombreux pays à entreprendre la tâche laborieuse et coûteuse d’utiliser des bateaux pour extraire leurs citoyens. En revanche, en Israël, les gens pouvaient se rendre à l’aéroport normalement – bien qu’avec une extrême prudence.

Même dans le cas où tous les aéroports israéliens seraient touchés et mis hors service, Israël partage également des frontières terrestres avec la Jordanie et l’Égypte, deux pays qui entretiennent des relations amicales avec l’Occident et pourraient offrir un passage sûr si nécessaire.

Le Liban, lui, ne partage ses frontières qu’avec la Syrie et Israël. Les citoyens libanais pourraient passer en Syrie – ce que certains ont déjà commencé à faire pour prendre un vol depuis la capitale jordanienne, Amman –, mais les Américains et d’autres Occidentaux ne pourraient pas traverser la Syrie en raison de l’état des relations diplomatiques actuelles entre la Syrie et l’Occident. Cela laisserait comme seule option de prendre un bateau pour Chypre – un moyen déjà utilisé par les personnes les plus fortunées.

Lire aussi

En bus vers Amman ou en yacht vers Agia Napa : des alternatives émergent pour quitter le Liban

Malgré ces différences, les capacités militaires du Hezbollah lui permettent de frapper pratiquement n’importe où en Israël, ce qui soulève la question de savoir pourquoi les pays occidentaux estiment qu’Israël est plus sûr que le Liban. « La nature et l’ampleur de ces avis sont discutables. Bien que certaines précautions soient justifiées, il y a une tendance à ce que ces mesures soient influencées par des motifs politiques, ce qui peut conduire à des avis plus sévères que la situation ne le justifie », explique Imad Salamey.

Faire de la politique ?

Depuis le début de la guerre à Gaza, les pays occidentaux continuent d’insister sur le fait qu’Israël a le « droit de se défendre », malgré un bilan de morts à Gaza approchant les 40 000, dont la plupart sont des civils, selon diverses organisations internationales. Alors qu’une grande partie du monde a condamné les multiples cas où les bombardements israéliens ont tué des dizaines de Palestiniens, le plus grand allié de l’État hébreu, les États-Unis, est resté muet.

Une grande partie de cela est due aux relations géopolitiques entre l’Occident et Israël. Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l’Université américaine de Beyrouth, soutient que « les pays occidentaux considèrent Israël comme un cas particulier ». « Ce qui s’applique à d’autres pays ne s’applique pas à Israël », déclare-t-il. Cela est en partie dû à la présence du Hezbollah au Liban, qui est désigné comme une organisation terroriste, en partie ou en totalité, par divers pays occidentaux.

Les avis de voyage du Royaume-Uni pour le Liban, la Palestine et Israël.

Par conséquent, Hilal Khachan affirme que l’Occident, et en particulier les États-Unis, « traite le Liban comme un État paria » et tente de garder ses distances. Cela influence la manière dont des pays comme les États-Unis émettent des avis de voyage. En raison du « combat du Hezbollah contre Israël, (le Liban) est souvent soumis à des avis plus sévères. Israël, en revanche, faisant face à des menaces importantes, est considéré comme un allié plus stable, ce qui conduit à des avertissements moins sévères », explique Imad Salamey.

La nécessité pour les nations occidentales de donner un sentiment de « normalité » en Israël, un allié régional clé, joue également un rôle dans la décision d’un pays lors de l’émission d’avis de voyage. « L’avis vise à maintenir un sentiment de normalité et de soutien à Israël, même lorsque certaines zones sont sous menace, poursuit-il. Cela contraste avec les avertissements plus sévères pour le Liban, qui peuvent être destinés à exercer une pression sur le pays en raison de son association avec le Hezbollah et d’autres groupes considérés comme adversaires par les États-Unis. »

Lire aussi

Le Liban risque-t-il d’être coupé du monde en cas de guerre ?

Pendant la guerre de juillet 2006, le département d’État américain a émis des avis de voyage avertissant les Américains d’éviter de se rendre au Liban et d’évacuer s’ils le pouvaient. En ce qui concerne Israël, cependant, le département d’État s’était abstenu de dire à ses citoyens d’éviter de voyager et a plutôt publié une déclaration plus large sur l’instabilité dans la région, mentionnant spécifiquement le Liban, Gaza et Israël, et avait conseillé aux citoyens américains de faire preuve de prudence s’ils voyageaient dans la région.

Bien qu’un conflit à grande échelle reste peu probable aujourd’hui, Hilal Khachan a déclaré que, si cela devait avoir lieu, la manière dont l’Occident gérerait les avis de voyage pour le Liban et Israël suivrait probablement un schéma similaire à celui de 2006. Lorsqu’on lui a demandé les raisons des écarts entre les avis de voyage pour le Liban et Israël, un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères nous a affirmé : « Nous suivons de près l’évolution de la situation au Moyen-Orient. Nos conseils aux voyageurs sont constamment mis à jour pour chaque pays. »

Un porte-parole de l’ambassade britannique à Beyrouth a lui déclaré à L’Orient Today : « Le FCDO (Foreign, Commonwealth and Development Office) révise régulièrement ses conseils aux voyageurs pour s’assurer que nos recommandations publiées pour les citoyens britanniques sont à jour et reflètent le contexte local. » L’ambassade des États-Unis au Liban et le ministère australien des Affaires étrangères n’ont pas fourni de déclaration lorsqu’ils ont été sollicités pour un commentaire.

Le 31 juillet, dans la foulée des assassinats du haut commandant militaire du Hezbollah Fouad Chokor, à Beyrouth – revendiqué par l’État hébreu –, et du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran – non revendiqué –, plusieurs pays occidentaux ont été clairs : « Ne voyagez pas au Liban. » Encourageant également ceux qui se trouvent dans le pays à prendre le...
commentaires (10)

A quand,l’ouverture du port maritime de Jounieh qui reste pour le moment un moyen sûr et efficace?

Wow

13 h 33, le 15 août 2024

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • A quand,l’ouverture du port maritime de Jounieh qui reste pour le moment un moyen sûr et efficace?

    Wow

    13 h 33, le 15 août 2024

  • il y a d’abord et surtout une énorme différence entre le Liban et Israël : même si le parti des barbus dispose de missiles sophistiqués pouvant frapper n’importe où en Israël et causer des dégâts conséquents,il n’en reste pas moins que ce pays dispose de suffisamment d’argent pour tout reconstruire en un temps record. Quant au Liban,il n’aura échappé à personne que nous ne sommes plus en 2006, époque où le pays disposait encore de moyens suffisants. Nous sommes en 2024 et ruinés. Nous ne nous relèverons pas de frappes israéliennes visant l’aéroport ou autres. Elle est là, l’énorme différence!

    DC

    21 h 18, le 14 août 2024

  • "… En plus de cela, les secouristes au Liban ont été à plusieurs reprises pris pour cible par Israël alors qu’ils tentaient d’accéder à un site de bombardement …" - Une raison de plus aux compagnies aériennes pour annuler tous leurs vols vers ce pays barbare…

    Gros Gnon

    21 h 06, le 14 août 2024

  • Il nous faut d’autres aéroports et la remise en marche des ports de jounieh pour le transport aussi bien vers Chypre que pour le transport interne de port en port.Ca désengorgera le trafic routier devenu insupportable et hyper polluant. Le trafic MARITIME interne favorisera aussi les commerces à proximité des ports,les taxis pour transporter les passagers.Alors que d’autres pays ont « des portes » pour rentrer dans des villes,le liban a la chance de posséder de nombreux ports tout le long du littoral.Ports inexploités pour le transport public par ferry de beyrouth à byblos ou à Tripoli par ex.

    LE FRANCOPHONE

    18 h 53, le 14 août 2024

  • Il n'y a pas plus INJUSTE autour de notre misérable planète , que ces pays occidentaux sans vergogne !

    Chucri Abboud

    17 h 44, le 14 août 2024

  • Ceux qui se sont employés à déstabiliser notre pays depuis des décennies et ont bombardé le port de Beyrouth sont ceux-là mêmes qui découragent les voyageurs à visiter le Liban. On se demande quel hercule osera choisir Israël comme destination de voyage ??

    Hitti arlette

    17 h 22, le 14 août 2024

  • Le Liban est devenu un pays nain. Sans importance aucune, un paillasson politique. En même, temps nous n'avons aucune fierté. Donc les pays occidentaux, et leurs compagnies aériennes, s'en donnent à coeur joie. Tout ça est d'une tristesse abyssale.

    Sfeir walid

    16 h 57, le 14 août 2024

  • Vous avez raison Moi

    Eleni Caridopoulou

    16 h 24, le 14 août 2024

  • Une évidence flagrante de l'hypocrisie occidentale.

    Politiquement incorrect(e)

    15 h 45, le 14 août 2024

  • Ils ménagent l'économie d'Israel sous la pression des lobbys pro Israeliens et infligent des coups supplémentaires à l'économie libanaise en haute saison. L'intéret de toute guerre a toujours été économique et ce surtout pour Israel. Il n'y a que le Hezballah qui ne l'a pas compris et qui tombe systématiquement dans le piège tendu par Israel.

    Moi

    11 h 32, le 14 août 2024

Retour en haut