Salwa* devait voyager fin juillet au départ de Beyrouth pour des vacances avec ses deux enfants. Mais, mardi dernier, quelques heures avant la frappe sur un immeuble dans la banlieue sud de Beyrouth, qui a éliminé un haut commandant militaire du Hezbollah, Fouad Chokor, et tué cinq civils, son vol est annulé. La Franco-Libanaise en réserve un autre, mais, une fois encore, elle ne pourra pas embarquer. « Au départ, c’était pour partir en vacances, mais j’y ai renoncé. Tout ce que je veux maintenant, c’est mettre mes enfants à l’abri », raconte cette mère de famille.
Depuis quelques jours, de plus en plus de chancelleries, dont celles de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni, appellent leurs ressortissants à quitter le Liban, alors que le risque d’une escalade régionale est monté d’un cran après la frappe contre la banlieue sud et l’assassinat, le lendemain, du leader politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran.
Dimanche, le ministère français des Affaires étrangères a appelé ses ressortissants à « quitter le Liban dès que possible », tant que des « vols commerciaux et avec escales vers la France sont encore disponibles », alors que le groupe Air France-KLM avait affirmé samedi qu’il prolongeait jusqu’« au 6 août inclus au moins » la suspension de ses liaisons avec le Liban « en raison de la situation sécuritaire ».
« Je suis très énervée par le communiqué du ministère des Affaires étrangères. Il n’y a aucun vol, et c’est faux lorsqu’ils disent qu’il y a des vols directs… C’est absurde de faire une telle annonce ! Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles », s’emporte Salwa, qui tente par tous les moyens de réserver un billet. « J’essaye d’en trouver un avec toutes les connexions possibles, que ce soit via la Turquie ou la Jordanie, mais soit c’est hors de prix, soit il faut attendre de longues heures en escale, voire passer la nuit dans un aéroport, ce qui est impossible avec des enfants en bas âge », dit-elle au bout du fil. Finalement, « le vol le plus tôt que j’ai trouvé est pour le 9 août, en passant par Istanbul ».
Salwa n’est pas la seule à faire face à ces obstacles. « Les ressortissants britanniques qui se trouvent au Liban doivent partir maintenant », a ainsi déclaré le bureau des Affaires étrangères sur son compte X dimanche. « Nous essayons de le faire », répond Sirine G. sur le réseau social. Comme beaucoup, elle explique faire face aux annulations des vols des compagnies aériennes. « La Middle East Airlines affirme qu’il n’y a pas de disponibilité avant le 12 août et que la différence de prix est d’au moins 1 000 dollars par siège en classe économique », déplore-t-elle, appelant les autorités britanniques à entrer en contact avec Mohammad Hout, PDG de la compagnie aérienne libanaise, afin d’« augmenter les vols à destination de Londres, car beaucoup sont en correspondance avec les États-Unis ou le Canada (la plupart des passagers ne sont donc pas des ressortissants britanniques mais des Américains ou des Canadiens qui partent eux aussi, NDLR), ou d’envoyer des avions plus gros ».
Des prix hors de prix
Nathan*, un Allemand qui étudie à l’Université américaine de Beyrouth, a, lui, vu son vol vers Berlin, prévu ce lundi, annulé. Le jeune homme voulait passer ses vacances d’été dans la capitale allemande et revenir fin août. Il a fini par réserver un autre vol prévu pour vendredi prochain, pour 230 dollars de plus. « Il y a de moins en moins de places disponibles et les prix grimpent », explique-t-il, disant s’attendre à ce que son nouveau vol soit également annulé. « Si c’est le cas, je resterai au Liban. Je ne me sens pas si en insécurité que ça. Je pense que les avertissements des ambassades sont exagérés. »
Lara*, elle, a pu trouver un vol prévu dans... deux semaines. Après avoir vu l’appel de l’ambassade américaine à ses ressortissants présents au Liban, cette Libanaise expatriée aux États-Unis dit avoir ressenti « la pression » de réserver un vol retour. Mais impossible de trouver un billet abordable pour les prochains jours. Un simple aller coûte plus de 2 000 dollars. « C’était hors de prix pour moi », dit-elle. Elle a finalement trouvé un autre aller pour environ 1 000 dollars.
Chelsea*, une Britannique qui vit au Liban depuis un an, a pour sa part trouvé un vol pour lundi. Cela fait des mois que sa famille la presse de rentrer en Angleterre, mais sans succès. Tout a changé pour la jeune femme de 25 ans lorsque l’ambassade du Royaume-Uni a demandé à ses ressortissants de quitter le Liban « immédiatement », en concert avec d’autres ambassades étrangères. « Ça m’a fait réaliser que je devais peut-être commencer à écouter les conseils », raconte-t-elle. Mais sur le site de réservation, elle remarque que les prix d’un même vol ne cessent d’augmenter. « Il y en a un qui est passé de 900 dollars à environ 5 000 dollars, raconte-t-elle. Et à chaque fois que j’en sélectionnais un, il disparaissait. C’est arrivé à plusieurs reprises. C’était très stressant. » Finalement, son vol aller lui reviendra au prix d’environ 1 400 dollars. « Au départ, j’avais peur de rester bloquée au Liban, et maintenant je crains de ne plus pouvoir revenir. »
*Les prénoms ont été changés
Le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Et surtout, il remplit leurs poches.
17 h 26, le 05 août 2024