
L'affiche du spectacle de Silvia Gribaudi au théâtre al-Madina.
Après la cabale menée contre Wajdi Mouawad qui a abouti à l’annulation de sa Journée de noces chez les Cromagnons, qui devait avoir lieu en création mondiale à Beyrouth le 30 avril dernier sur les planches du théâtre Monnot, les réseaux sociaux s’enflamment à nouveau et dénoncent le passage par Israël du spectacle Graces de la chorégraphe italienne Silvia Gribaudi, programmé ce mardi 9 juillet, en représentation unique, au théâtre al-Madina avec le soutien de l’Institut culturel italien.
Tout est parti d’un tweet posté, dimanche 7 juillet, sur le réseau social X par la comédienne Aïda Sabra et adressé à la directrice du théâtre al-Madina, Nidal al-Achkar ainsi qu’à Pierre Abi Saab, ex-corrosive plume culturelle du quotidien al-Akhbar officiant aujourd'hui sur la chaîne al-Mayadeen, les accusant de faire preuve de deux poids deux mesures.
La première en programmant sur les planches de son théâtre à Hamra un spectacle déjà présenté à Tel-Aviv, alors qu’elle avait été le fer de lance de la campagne de dénigrement menée contre Wajdi Mouawad qui a conduit à l’annulation de sa pièce à Beyrouth. Et le second, pour n’avoir pas dénoncé la venue de ce spectacle passé par Israël, lui qui est connu pour s’insurger contre tout ce qui peut être en lien de près ou de loin avec « l’entité sioniste ».
Un passage contesté à Tel-Aviv
« Où sont-ils ceux qui se battent contre la normalisation avec Israël ? Pourquoi ne se manifestent-ils pas, ces avocats de la cause palestinienne et ces journalistes si prompts à mener des campagnes de diffamation ? » interroge Aïda Sabra au-dessus d’une image en capture d’écran d’un article paru en juillet 2023 dans The Jerusalem Post annonçant la performance de Gribaudi à Tel-Aviv, mis en parallèle avec celui de L'OLJ l'annoncant à Beyrouth, dans le cadre de sa tournée mondiale, un an plus tard.
Capture d'écran du tweet de Aïda Sabra mettant en parallèle l'annonce par L'OLJ du spectacle à Beyrouth et celle parue dans le Jerusalem Post un an auparavant.
« Je n’étais pas au courant des passages en Israël de la chorégraphe italienne », a aussitôt répondu Pierre Abi Saab. Lequel s’est « dédouané » en assurant qu’il ferait son « devoir » et ce que lui dictent ses « convictions et (sa) conscience en appelant à boycotter son spectacle au Madina. À moins, poursuit-il, que Gribaudi ne donne une conférence de presse depuis Beyrouth, pour annoncer sa solidarité avec le peuple palestinien et sa cause, et qu’elle lance un appel à un arrêt immédiat du génocide qui a lieu à Gaza ». Tout en taclant Aïda Sabra d’un « esprit revanchard ». En rapport avec le fait que la comédienne fait partie des pro-Mouawad, ayant joué sous sa direction et notamment incarné la mère du dramaturge libano-canadien dans la pièce Mère créée en 2021 au théâtre de la Colline à Paris.
Liberté d'expression en danger vs patriotisme
Quant à la direction du théâtre al-Madina, elle s’est contentée de déclarer que le spectacle est maintenu. « Ce n’est pas à nous de l’annuler. S’il s’avère qu’il a quelque chose de faux avec ce spectacle, c’est à l’État qu’il revient de prendre les mesures conséquentes. Nous nous occupons uniquement d’art et de culture », botte en touche son directeur administratif Louay Ramadan, contacté par L’Orient-le Jour. Interrogée, par ailleurs, sur sa prise de position, au regard de « l’affaire Mouawad » dont elle avait été l’un des principaux déclencheurs, Nidal el-Achkar, qui se retrouve dans la position de l'arroseur arrosé, n'a quant à elle, pas répondu à nos sollicitations.
L’Orient-Le Jour a essayé aussi de sonder le point de vue de l’Institut Culturel italien sans succès.
Pour sa part, la directrice du Monnot, Josyane Boulos, a confié à L’OLJ « comprendre parfaitement la réaction de Aïda Sabra ayant personnellement souffert de ce qui s’est passé avec Wajdi Mouawad. Néanmoins, il est temps de mettre fin à cette surenchère », a-t-elle affirmé. « Personne n’a le droit de donner des leçons de nationalisme et de patriotisme aux autres, ajoute-t-elle. L’humanité est un mélange d’idéologies. Vouloir imposer à tout prix la sienne aux autres, tout en ne l’appliquant pas à soi-même, est pour le moins paradoxal. »
Au-delà de ce qui peut ressembler à une querelle de clochers entre chapelles théâtrales au Liban, la répétition de ce genre de polémiques est éminemment nuisible à la scène culturelle libanaise. À cette liberté d’expression qui l’a toujours nourrie jusque-là. Comme à l’image d’un pays ouvert au monde qui, si cette dictature larvée de la pensée unique devait se poursuivre, empêcherait beaucoup d’artistes de venir s’y produire…
Au dela de la loi , c'est quoi ce spectacle de degénéré , une insulte a notre culture et nos traditions .
19 h 29, le 11 juillet 2024