
L'une des forêts incendiées dans le sud du Liban à la suite des bombardements israéliens. Photo fournie par Green Southerners
Le Liban-Sud, déchiré par la guerre entre le Hezbollah et Israël depuis octobre 2023, sera confronté cet été à un risque élevé d'incendies de forêt en raison des munitions israéliennes, notamment le phosphore blanc incendiaire et les bombes éclairantes, dans ce que les experts décrivent comme un « massacre environnemental ».
Chaque année, le Liban est en proie à de vastes incendies, souvent d'origine criminelle, qui ravagent le Nord, le Chouf dans le Mont-Liban, ou encore le Sud. Pour ne rien arranger, depuis le début du conflit armé le 8 octobre avec le parti chiite, l'armée israélienne utilise du phosphore blanc pour incendier des forêts et des champs dans les zones libanaises frontalières. Le 28 mai, des feux ont été signalés dans les villages de Chakra, Aïtaroun, Meis el-Jabal, Aïnata, Maroun el-Ras, Yaroun, Debel, Rmeïch, Aïta el-Chaab, Blida et Taybé au Liban-Sud, suite à des tirs d'artillerie israéliens et de l'utilisation de phosphore blanc, affirme à L'Orient Today Hasan Fakih, chef du centre de la Défense civile de Nabatiyé.
Phosphore blanc
Bien qu'elles soient légalement autorisées pour les écrans de fumée, l'éclairage, le marquage des cibles et l'incendie des structures, les munitions au phosphore blanc sont classées comme armes incendiaires en vertu du protocole III de la Convention sur certaines armes classiques, qui interdit leur utilisation contre des cibles militaires à proximité de zones civiles, bien qu'Israël ne soit pas signataire de ce protocole.
Les tirs d'obus au phosphore blanc peuvent « provoquer de grands incendies qui s'étendent sur de vastes zones et continuent de brûler jusqu'à ce que le matériau soit complètement épuisé », rappelle l'Université américaine de Beyrouth (AUB), dans une étude publiée en novembre dernier. « La contamination par le phosphore blanc a un impact sur l'écosystème du sol, en particulier sur la couche arable, qui est la couche la plus fertile et qui met en moyenne 100 ans ou plus à se former », souligne pour sa part Hicham Younes, président de l'organisation environnementale locale Green Southerners, à L'Orient Today. « Le temps nécessaire pour que le sol contaminé se rétablisse est une question complexe. »
« Cette année, la saison des incendies au Liban a commencé plus tôt que d'habitude », souligne à notre publication Georges Mitri, conseiller du ministre de l'Environnement et directeur du programme sur la terre et les ressources naturelles à l'Institut de l'environnement de l'Université de Balamand. Le rapport quotidien de jeudi sur la plateforme en ligne de l'université a répertorié plusieurs villages dans les cazas de Nabatiyé, Bint Jbeil, Hasbaya, Marjeyoun et Tyr, qui sont couverts d'oliviers, de pins et de deux types de chênes centenaires, comme étant en «danger modéré», « élevé » et « extrême » d'incendies de forêt, marquant ainsi une augmentation du risque.
Carte d'indice d'incendie documentant les zones de danger potentiel à travers le Liban. Photo tirée du site de l'Université de Balamand
En octobre, les munitions au phosphore blanc utilisées par l'armée israélienne le long de la frontière ont provoqué 134 incendies de forêt et blessé plus de 100 civils, selon l'AUB. Amnesty International et Human Rights Watch avaient alors accusé l'armée israélienne d'avoir tiré des obus d'artillerie contenant du phosphore blanc, affirmant que l'utilisation de telles armes exposait les civils à des risques de blessures graves et à long terme.
Si rien ne change dans la politique israélienne d'utilisation de munitions incendiaires, « le risque d'incendies de forêt et de zones brûlées pourrait être plus élevé cette année », prévient Georges Mitri. L'expert rappelle que les incendies de forêt ont toujours un élément déclencheur, qu'il soit intentionnel ou accidentel, et qu'ils sont exacerbés par des facteurs environnementaux. Aujourd'hui, le principal déclencheur d'incendie au Liban-Sud est le phosphore blanc, avec une augmentation significative depuis le 25 mai, précise-t-il.
Dégâts « plus importants » que la guerre de 2006
La plateforme du système national d'alerte précoce du Liban indique que, jusqu'au 1er janvier 2024, environ huit millions de mètres carrés (800 hectares) de terres ont subi des incendies « résultant d'attaques israéliennes ». Le 16 novembre 2023, il a été rapporté que 5 140 000 mètres carrés de terre ont été brûlés par des bombes au phosphore blanc et des fusées éclairantes au Liban-Sud, selon des relevés de terrain effectués par le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS). Au moins 50 000 oliviers ont été perdus, indique le ministre sortant de l'Agriculture Abbas Hajj Hassan.
« Incendier intentionnellement des forêts est considéré comme un massacre environnemental », rappelle Georges Mitri. Les dégâts environnementaux au Liban-Sud « sont plus importants que ceux de la (guerre) de 2006 », lorsqu'Israël utilisait principalement des bombes à fragmentation pour causer des dommages dans son conflit de l'époque également avec le Hezbollah, affirme pour sa part Hicham Younes.
Les incendies d'octobre ont détruit des chênes centenaires. « Une intervention rapide est un facteur essentiel pour prévenir les grands incendies de forêt, mais elle n'est pas possible actuellement au Liban-Sud en raison de l'état de la sécurité, ce qui va compliquer les choses », met en garde M. Mitri.