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Économie - Immobilier

Malgré la baisse de la demande, les loyers des bureaux restent stables à Beyrouth

En collaboration avec Ramco Real Estate Advisers, découvrez les loyers demandés dans différents quartiers d’affaires de la capitale.

Malgré la baisse de la demande, les loyers des bureaux restent stables à Beyrouth

L'immeuble Gefinor à Clemenceau. Photo Guillaume Boudisseau

Dans un contexte de stagnation économique et de guerre à la frontière libano-israélienne depuis sept mois, le marché locatif d’affaires à Beyrouth prend son mal en patience. Après une légère reprise en 2023, le secteur traverse, actuellement, une période d’accalmie.

Assurément, le regain d’optimisme de l’an passé masquait déjà un marché qui tarde à se relever, après avoir été tour à tour mis à terre par la crise du système bancaire local qui a éclaté il y a près de 5 ans, le Covid-19 et le développement du télétravail qui lui a survécu.

Contrairement au marché locatif des appartements et des boutiques, l’immobilier de bureau est le plus touché et reste loin de son niveau d’avant octobre 2019. Actuellement, il n’y a jamais eu autant de bureaux à louer dans la capitale et de nombreux immeubles sont vides depuis le départ de leur ancien locataire.

Le ralentissement du marché s’explique également par un vieillissement et une dégradation du stock qui est mal entretenu, une demande limitée et une concurrence accrue de nouveaux centres d’affaires en périphérie de Beyrouth.

Parallèlement, il n’y a quasiment pas de nouveaux chantiers et seule la construction d’un immeuble de bureaux (l’immeuble Orient 12 au centre-ville) a été lancée depuis plus de quatre ans. Bien que les loyers demandés se soient stabilisés en 2024, ils restent très inférieurs à ceux de 2019. Selon la société de conseil immobilier Ramco, leurs prix ont chuté d’environ 40 % entre octobre 2019 et aujourd’hui.

La guerre de Gaza qui a éclaté le 7 octobre 2023 a porté un nouveau coup dur au secteur qui a vu ce qui restait de demande plonger. Certains acteurs ont annulé leur projet d’aménagement, d’autres l’ont mis en pause.

À ce jour, il n’y a guère plus que les compagnies qui cherchent à se relocaliser à moindre coût ou celles qui cherchent des locaux plus grands sans augmenter le loyer qu’elles paient actuellement qui sont en quête de nouveaux locaux.

Le marché a été surtout pénalisé d’octobre 2023 à janvier 2024. « À partir du 8 octobre 2023, date des premiers échanges de tirs à la frontière libano-israélienne, il y a eu un freinage. Les sociétés désireuses de s’implanter ont mis leur projet en attente pendant deux à trois mois. Mais dès le début 2024, elles sont revenues », observe Georges Nour, directeur général de l’agence de conseil immobilier Grids Real Estate Boutic.

Néanmoins, malgré un climat anxiogène avec la guerre au Sud, les prix se maintiennent. « Depuis (début) 2024, les loyers en général ne bougent pas. La demande reste timide, mais c’était déjà le cas avant octobre 2023 », analyse Abdo Oueidat, directeur général du centre d’affaires Gefinor à Clemenceau. 

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À Mina el-Hosn, les prix ont augmenté en 2023

Dans un climat relativement morose, le quartier de Mina el-Hosn se distingue et affiche sa différence. Autour du centre Starco, l’avenue du Parc et la rue Omar Daouk regroupent plusieurs immeubles de standing (M1 Building, Berytus Park, The Palladium, Tabco, Stratum, French Avenue). L’adresse est recherchée et les prix ont augmenté en 2023. « C’est l’un des exemples de la résilience des Libanais », sourit Antoine Abou Rizk, consultant immobilier.

Les loyers demandés pour des bureaux de qualité varient de 250 à 400 dollars le mètre carré par an. Mais les tarifs de 2024 sont encore inférieurs à ceux de 2019. Il y a 15 à 20 % d’écart. Ainsi, il faut compter 22 000 dollars mensuels pour une surface de 750 m2, soit 3 000 dollars de plus par mois que début 2023. La facture grimpe à 90 000 dollars par an pour un espace de 225 m2.

Mais certains propriétaires sont plus flexibles que d’autres. Ainsi, un espace de 386 m2 en bon état s’est loué en janvier 2024 dans un immeuble très bien tenu et élégant sur la base de 200 dollars le mètre carré par an.

Selon Georges Nour, le centre-ville dispose de plusieurs atouts pour attirer, à nouveau, des sociétés locales et étrangères. « Les loyers des bureaux et les salaires des employés sont nettement moins chers que dans les pays du Golfe, le personnel libanais est qualifié et trilingue, plusieurs bureaux offrent l’électricité, de bonnes connexions internet et une sécurité 24h/24 », énumère le conseiller immobilier, qui observe un intérêt croissant pour de larges surfaces de 500 à 1 000 m2 de la part de firmes européennes à la recherche d’un emplacement pour externaliser (« outsourcing ») certaines fonctions.

À Foch-Allenby, de belles opportunités

Indéniablement, l’ambiance festive de Mina el-Hosn, avec la multiplication depuis 2022 de restaurants haut de gamme, contribue à la notoriété de cette partie du centre-ville. « À l’opposé, le quartier Foch-Allenby n’offre pas la même atmosphère. Dès la fin de l’après-midi, les rues sont quasi vides », constate Antoine Abou Rizk.

En effet, depuis les événements de 2019 et 2020, le quartier situé derrière l’immeuble de la municipalité de Beyrouth tarde à se relever. L’offre est largement supérieure à la demande. Pourtant, Georges Nour remarque que le secteur est en phase de reprise, avec un retour de la demande principalement pour de petites surfaces.


L’ambassade de Malaisie vient de louer un immeuble auparavant occupé, il y a une dizaine d’années, par Air France. L’arrivée de quelques boutiques et la rénovation de l’hôtel Le Gray sont également perçues comme des signes positifs.

La baisse des loyers de 2019 à 2022 offre de belles opportunités. Ainsi, le long de la rue Allenby, un espace de 390 m2 en parfaite condition est annoncé à 66 000 dollars par an. Rue Foch, un immeuble de quatre étages de 460 m2 avec une terrasse de 23 m2 est à louer pour 75 000 dollars par an. Les locaux ont besoin de travaux. Cette propriété était affichée à 10 000 dollars par mois en 2018 ! Dans le même secteur, un bureau de 103 m2 affiché à 3 000 dollars par mois en 2019 est désormais annoncé à 24 000 dollars par an.

En revanche, les secteurs situés autour des places de l’Étoile et Riad Solh restent marginalisés et désertés. Bien que les mesures de sécurité autour du Parlement se soient allégées, l’adresse n’attire plus. Des milliers de mètres carrés restent disponibles. Les loyers y sont au plus bas. Dans certains cas, ils ont baissé depuis 2023 et parfois ne dépassent pas les 100 dollars le m2 par an.

Les prix des loyers des bureaux dans le centre-ville de Beyrouth. Infographie Guilhem Dorandeu/L’Orient-Le Jour


Comme Mina el-Hosn, le quartier d’affaires Beirut Digital District à Bachoura tire son épingle du jeu et a presque retrouvé ses tarifs de 2019. Une centaine de compagnies locales et internationales (dont les centres culturels Goethe, Cervantes et British Council) sont réparties dans plusieurs immeubles parfaitement entretenus. Les loyers pour des locaux non meublés tournent autour de 200 dollars le m2 annuel.

À Achrafieh, les taux de vacance s’allongent

À l’opposé, l’avenue Charles Malek et la place Tabaris ont perdu de leur éclat. Plusieurs disponibilités sont affichées entre 100 et 125 dollars le m2 par an. Certains loyers ont baissé de 250 dollars le mètre carré annuel en 2019 à 120 dollars en 2024.

Cet effritement des prix reflète une décote progressive de cette adresse de moins en moins recherchée. « Le stock est ancien. Pourtant, l’emplacement est idéal, central et facile d’accès, mais les immeubles n’offrent pas de services complémentaires, contrairement à Sin el-Fil où les prestations sont impeccables », compare Antoine Abou Rizk.

Les prix des loyers des bureaux à Beyrouth-Est. Infographie Guilhem Dorandeu/L’Orient-Le Jour

En effet, face au vieillissement des bureaux à Achrafieh, certaines sociétés se tournent vers la banlieue de Beyrouth où de nouveaux centres d’affaires haut de gamme ont été construits dernièrement à Sin el-Fil, Jisr el-Bacha et Horch Tabet, voire Dbayé. Ces adresses sont devenues les destinations d’affaires de luxe de l’Est beyrouthin, capables d’attirer des ambassades et des sociétés internationales.

Ainsi, les grandes surfaces à Achrafieh ne séduisent plus, surtout si elles ne disposent que d’un nombre limité de places de parking. À quelques mètres du centre Sofil, un espace de 500 m2 est disponible depuis trois ans. Le loyer, de 60 000 dollars par an, est inchangé depuis 2022.

Devant le port de Beyrouth, l’immeuble Fayad vient de rénover ses parties communes. « Nous avons essayé de respecter et de conserver le style vintage de l’entrée de l’immeuble. Actuellement, nous avons, en étage, trois bureaux de 129, 161 et 258 m2 à louer. Nous demandons environ 90 dollars annuels par m2, soit de 975 à 1 900 dollars mensuels. Ce sont les mêmes prix que l’an passé. Mais la demande est faible depuis plusieurs mois malgré le fait que le quartier commence à être investi par des artistes et des galeristes », confesse Joumana Fayad, copropriétaire de l’immeuble avec ses sœurs.

Les prix des loyers des bureaux à Beyrouth-Est. Infographie Guilhem Dorandeu/L’Orient-Le Jour


Les taux de vacance à Achrafieh s’allongent si les bureaux sont proposés dans leur structure béton. Étant donné le nombre de disponibilités, les bureaux où le locataire doit faire d’importants travaux peinent à séduire, surtout s’ils sont incorrectement estimés.

Dans le secteur de Adliyé, un propriétaire demande 150 dollars le mètre carré annuels pour la location d’un bureau de 800 m2, livré en béton. Dans un immeuble adjacent, il est possible de louer un 450 m2 tout neuf et prêt à l’emploi pour également 150 dollars le mètre carré par an.

Ces disparités s’observent également dans le secteur de la corniche du Fleuve. Certains propriétaires ont encore du mal à assimiler la décote des loyers depuis 2019. Ainsi, un bureau de 150 m2 en bon état est annoncé à 30 000 dollars par an. Pour le même budget, il est possible de louer un espace plus vaste de 250 m2 dans un immeuble de même standing.

À Sodeco, un bureau impeccable avec des places de parking est affiché à 200 dollars le mètre carré par an dans la tour Sama Beirut. Dans un immeuble d’affaires voisin, un espace de 275 m2 est annoncé à 35 000 dollars par an, soit 127 dollars le mètre carré.

Le quartier de Badaro compte quelques bureaux vacants. La moyenne des loyers n’a pas changé depuis 2023 et se situe autour de 110 dollars le mètre carré par an. Les bonnes affaires se trouvent dans les immeubles résidentiels où des biens sont proposés de 75 à 90 dollars le mètre carré annuels, comme ce bureau de 400 m2 dans le secteur de l’Hôpital militaire à 30 000 dollars par an ou cet espace de 250 m2, dans le secteur Horch Kfoury, annoncé à 2 000 dollars par mois.

À Hamra, des loyers de plus en plus bas

Le marché locatif à Hamra est toujours à la peine. Son déclin se confirme d’année en année.

« Le quartier de Hamra n’est plus comme avant. L’atmosphère, le type de restaurants et l’ambiance ont beaucoup changé. Cela a affecté le marché locatif », déplore Omar (le prénom a été modifié), dont la famille possède un immeuble de bureaux à côté de l’Hôpital américain.

« Nous avons des espaces à louer depuis plusieurs années. Il y a quelques visites de temps en temps, mais cela aboutit rarement. Nous demandions 180 dollars le mètre carré par an en 2018, puis 160 dollars/m2 en septembre 2019. Aujourd’hui, ils sont proposés à 100 dollars/m2 et nous sommes prêts à négocier », avoue-t-il.

Le centre Gefinor à Clemenceau est le moins affecté et affiche un taux d’occupation supérieur à 90 %. « Nos prix sont les mêmes qu’en 2023. N’ayant plus de grandes surfaces disponibles, les demandes concernent principalement des espaces de 50 à 100 m2. Les compagnies comparent les prix et font de nombreuses visites. Il faut une bonne stratégie pour les attirer », avoue Abdo Oueidat.

Cette politique a porté ses fruits pour l’immeuble Saint-Charles à Clemenceau, en bordure du centre-ville. Après le départ ces dernières années de plusieurs sociétés internationales, une nouvelle grille de loyers a permis de convaincre de nouveaux locataires. Alors qu’en 2018, le mètre carré était affiché à 250 dollars par an, il est actuellement à 130 dollars annuels.

Les prix des loyers des bureaux à Beyrouth-Ouest. Infographie Guilhem Dorandeu/L’Orient-Le Jour


Le secteur de Aïn el-Mreissé demeure une option pour les sociétés qui ne veulent pas subir les encombrements de Hamra. « L’année 2023 avait été positive. Nous avions loué deux bureaux de 54 m2 et 137 m2 sur la base d’un loyer affiché à 125 dollars le mètre carré annuels. Nous sentions une reprise avec l’espoir de rattraper les tarifs de 2018 et 2019 qui étaient de 180 dollars le m2 par an. Depuis octobre 2023, c’est le calme plat », constate le propriétaire d’un immeuble de bureaux à Aïn el-Mreissé qui a demandé à témoigner anonymement.

Les répercussions de la guerre au Liban-Sud n’ont pas épargné non plus la rue Verdun. Les loyers s’étirent du simple au double. Les produits bas de gamme sont affichés autour de 100 dollars le mètre carré. Mais les locataires hésitent à se projeter dans des locaux peu entretenus situés dans des immeubles où les parties communes sont négligées, comme ce bureau de 450 m2 au premier étage, sans parking, proposé depuis plusieurs mois à 60 000 dollars annuels.

Les loyers des bureaux situés dans des immeubles résidentiels varient de 70 à 80 dollars/m2 par an. Les espaces qui bénéficient de parking commencent à 150 dollars le mètre carré annuels.

Dans un contexte de stagnation économique et de guerre à la frontière libano-israélienne depuis sept mois, le marché locatif d’affaires à Beyrouth prend son mal en patience. Après une légère reprise en 2023, le secteur traverse, actuellement, une période d’accalmie.Assurément, le regain d’optimisme de l’an passé masquait déjà un marché qui tarde à se relever, après avoir...
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