
Le député Michel Doueihy. Photo fournie par le parlementaire issu de la contestation.
Dans un courrier qu’il a partagé sur X, le député issu de la contestation Michel Doueihy a interrogé le gouvernement sortant de Nagib Mikati et le ministre sortant des Finances Youssef Khalil sur les raisons qui les empêchent d’enquêter sur les 2,3 milliards de dollars transférés hors du Liban lors des premiers mois de la crise socio-économique que le pays traverse depuis près de 5 ans.
L’existence de ces transferts effectués vers la Suisse, entre le 17 octobre 2019 et le 14 janvier 2020, alors que les banques restreignaient dans le même temps l’accès du commun des déposants à leurs comptes, avait pourtant été notifié à l’ancien procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, par la Commission de contrôle des banques (CCB), dans un courrier daté du 20 janvier 2020.
توجّت بسؤال إلى الحكومة اللبنانية بمجموع أعضائها، وإلى وزير الماليّة على وجه الخصوص بشأن كتاب رئيس لجنة الرقابة على المصارف إلى النائب العام لدى محكمة التمييز والذي يفيد بأن ما مجموعه مبلغ وقدره 2,3 مليار دولار أميركي "قد حوّل من لبنان إلى سويسرا في أواخر العام 2019، وما لا يقل… pic.twitter.com/lerAmykAoi
— Michel Douaihy ميشال دويهي (@MDOUAIHY) June 13, 2024
Il souligne « qu’au moins 60 % » de ces montants ont été transférés sur des comptes fiduciaires et qu’il est « très probable » que « nombre de ses bénéficiaires soient des clients et des déposants qui sont résidents fiscaux au Liban et souhaitent préserver la confidentialité de leurs transactions tout en tirant profit des intérêts considérables qui leur ont été versés auparavant ».
Deux caractéristiques qui auraient dû, selon M. Doueihy, convaincre le ministre des Finances d’activer les leviers mis en place par les deux traités internationaux auquel le Liban a adhéré et qu’il a partiellement mis en œuvre : la Convention sur l’assistance administrative mutuelle en matière d’impôts, qui établit la demande d’informations fiscales sur demande (MAC), et l’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations fiscales qui met en place l’échange des mêmes informations (MCAA).
Le Liban n’est pas encore paré pour le MCAA au niveau de la réciprocité. Mais les banques et les institutions financières opérant dans le pays sont obligées depuis 2017 de compiler les informations en leur possession sur les non-résidents et les envoyer à l’administration fiscale libanaise. Cette administration doit ensuite être à même de les communiquer automatiquement avant le 30 septembre de chaque année aux autres pays partenaires du MCAA (67 à ce jour) et sur demande de l'un des 133 pays de la MAC. Ces derniers pays, dont fait partie la Suisse, ont l’obligation d’en faire autant en matière de compilation et de fourniture sur demande.
Le député Doueihy interroge aussi le gouvernement et le ministre des Finances sur les atermoiements administratifs et blocages politiques qui ont empêché le ministère de finaliser le plan d’action attendu pour permettre au Liban de mettre en oeuvre l'échange automatique d'informations fiscales. Ce plan d'action est un des chantiers décisifs de la 3e phase du contrôle par les pairs (Peer Review) devant y mener, avec la mise en place d’un mécanisme de garantie et de protection de la confidentialité des informations reçues, ainsi qu’un système de cryptage adapté et homogène d’échange électronique.
Or il s’avère qu’aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis le courrier de la CCB n’ont pris la peine de faire avancer ce chantier ou de simplement demander les informations sur certains des déposants qui ont transféré leur argent à l'étranger entre fin 2019 et début 2020 comme le constate Michel Doueihy. Et ce, alors même que l’adoption de la loi n° 306 du 28 octobre 2022 retire la protection conférée par le secret bancaire en place au Liban depuis les années 1950 aux responsables politiques, cadres de banques et autres responsables de l’administration. « De quoi le Trésor public a-t-il besoin pour couvrir les dépenses publiques ? », s’est interrogé le député dans ce courrier, dont l’objectif semble de remettre davantage les projecteurs sur cette commission.
Suite à la publication du courrier de la CCB par nos soins sur la X, Michel Doueihy a déclaré qu’il allait demander l’ouverture d’une enquête parlementaire à ce sujet.
La réponse est claire. Ils ont aussi transféré leur argent et pas que des centaines de million, non, des dizaines de milliards. On a dit et répété que les gardiens du temple ne sont autres que ses pilleurs. Alors comment attaquer les autres sans être démasqués hein?? Quant aux autres sur lesquels on crache et on jette l’opprobre alors qu’il n’ont pas participé au pillage, ils ont tu leurs agissements car ils étaient menacés ainsi que leurs familles s’ils daignaient dénoncer leurs faits. Alors arrêtons de mettre tout le monde dans le même sac, c’est facile d’accuser depuis son fauteuil.
10 h 43, le 18 juin 2024