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Moyen-Orient - Guerre de Gaza

Des milliers d’embryons congelés issus de la fécondation in vitro détruits par une frappe israélienne

Les embryons contenus dans des cuves de la plus grande clinique de fertilité de Gaza constituaient le dernier espoir de centaines de couples palestiniens confrontés à l’infertilité. 

Des tubes d’échantillons dans un frigo cassé du centre al-Basma, une clinique de fertilité de Gaza, le 2 avril 2024. Daoud Abu Alkas/Reuters

Lorsqu’un obus israélien a frappé la plus grande clinique de fertilité de Gaza en décembre 2023, l’explosion a fait sauter les couvercles de cinq réservoirs d’azote liquide stockés dans un coin de l’unité d’embryologie.

À mesure que le liquide ultrafroid s’évaporait, la température à l’intérieur des réservoirs augmentait, détruisant plus de 4 000 embryons et 1 000 autres spécimens de sperme et d’ovules non fécondés stockés au centre de fécondation in vitro (FIV) al-Basma de la ville de Gaza. L’impact de cette seule explosion a été considérable, un exemple des conséquences invisibles de l’assaut israélien, qui dure depuis six mois et demi, sur les 2,3 millions d’habitants de Gaza.

Les embryons contenus dans ces cuves constituaient le dernier espoir de centaines de couples palestiniens confrontés à l’infertilité. « Nous savons profondément ce que ces 5 000 vies, ou vies potentielles, représentaient pour les parents, que ce soit pour l’avenir ou pour le passé », a déclaré Bahaeldeen Ghalayini, 73 ans, l’obstétricien et gynécologue formé à Cambridge qui a créé la clinique en 1997. Au moins la moitié des couples – ceux qui ne peuvent plus produire de sperme ou d’ovules pour fabriquer des embryons viables – n’auront pas d’autre chance, a-t-il déclaré. « Mon cœur est brisé en millions de morceaux », a-t-il déclaré.

Interrogé mercredi par Reuters sur cet incident, le service de presse de l’armée israélienne a déclaré qu’il examinait les rapports. Israël nie viser intentionnellement les infrastructures civiles et a accusé les combattants du Hamas d’opérer à partir d’installations médicales, ce que le Hamas dément.

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Seba Jaafarawi a traversé trois années de traitement de fertilité comme de véritables montagnes russes psychologiques. Le prélèvement d’ovules dans ses ovaires a été douloureux, les injections d’hormones ont eu de forts effets secondaires et la tristesse causée par l’échec de deux tentatives de grossesse lui a été insupportable. Mme Jaafarawi, 32 ans, et son mari n’ont pas réussi à procréer naturellement et se sont tournés vers la fécondation in vitro, largement disponible à Gaza.

Les familles nombreuses sont courantes dans l’enclave, où près de la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans et où le taux de fécondité est élevé (3,38 naissances par femme), selon le Bureau palestinien des statistiques. En Grande-Bretagne, le taux de fécondité est de 1,63 naissance par femme. Malgré la pauvreté de Gaza, les couples confrontés à l’infertilité ont recours à la FIV, certains n’hésitant pas à vendre des téléviseurs et des bijoux pour payer les frais, a déclaré le Dr Ghalayini.

Pas le temps de se réjouir

Au moins neuf cliniques de Gaza pratiquent la fécondation in vitro, qui consiste à prélever des ovules sur les ovaires d’une femme et à les faire féconder par des spermatozoïdes en laboratoire. Les ovules fécondés, appelés embryons, sont souvent congelés jusqu’au moment optimal de leur transfert dans l’utérus de la femme. La plupart des embryons congelés à Gaza étaient stockés au centre al-Basma.

En septembre 2023, Seba Jaafarawi est tombée enceinte, sa première tentative de FIV ayant été couronnée de succès. « Je n’ai même pas eu le temps de me réjouir de la nouvelle », a-t-elle déclaré. Deux jours avant sa première échographie programmée, le Hamas a lancé l’attaque du 7 octobre contre Israël, tuant 1 200 personnes et enlevant 253 otages, selon les décomptes israéliens. Israël a juré de détruire le Hamas et a lancé un assaut généralisé qui a depuis tué plus de 33 000 Palestiniens, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Mme Jaafarawi s’est alors inquiétée : « Comment pourrais-je terminer ma grossesse ? Que m’arriverait-il et qu’arriverait-il aux embryons dans mon ventre ? » L’échographie n’a jamais eu lieu et M. Ghalayini a fermé sa clinique, où cinq autres embryons de Mme Jaafarawi ont été conservés.

Avec l’intensification des attaques israéliennes, Mohammad Ajjour, embryologiste en chef d’al-Basma, a commencé à s’inquiéter des niveaux d’azote liquide dans les cinq réservoirs. Des appoints étaient nécessaires tous les mois environ pour maintenir la température en dessous de -180 °C dans chaque cuve, fonctionnant indépendamment de l’électricité. Après le début de la guerre, M. Ajjour a réussi à se procurer une livraison d’azote liquide, mais Israël a coupé l’électricité et le carburant à Gaza, et la plupart des fournisseurs ont fermé. À la fin du mois d’octobre, les chars israéliens sont entrés dans Gaza et les soldats ont bloqué les rues autour du centre de fécondation in vitro. Il était devenu trop dangereux pour M. Ajjour de vérifier les réservoirs.

Mme Jaafarawi savait qu’elle devait se reposer pour protéger sa grossesse, mais autour d’elle, les dangers étaient omniprésents : elle a grimpé six étages pour se rendre à son appartement parce que l’ascenseur ne fonctionnait plus ; une bombe a rasé l’immeuble voisin et fait sauter les fenêtres de son appartement ; la nourriture et l’eau se sont raréfiées. Au lieu de se reposer, elle s’est inquiétée. « J’ai eu très peur et certains signes indiquaient que j’allais faire une fausse couche », a-t-elle déclaré.

Elle a saigné un peu après qu’elle et son mari ont quitté leur maison et déménagé vers le sud à Khan Younès. Les saignements se sont calmés, mais sa peur n’a pas disparu.

5 000 vies dans un seul obus

Ils sont entrés en Égypte le 12 novembre et, au Caire, sa première échographie a révélé qu’elle était enceinte de jumeaux et qu’ils étaient vivants. Mais après quelques jours, elle a ressenti des crampes douloureuses, des saignements et un changement soudain de son ventre. Elle s’est rendue à l’hôpital, mais la fausse couche avait déjà commencé. « Les cris et les pleurs que j’ai poussés à l’hôpital résonnent encore dans mes oreilles », a-t-elle déclaré.

La douleur de la perte n’a pas cessé. « Quoi que vous imaginiez ou que je vous dise sur la difficulté du parcours de la FIV, seules les personnes qui sont passées par là savent ce que c’est vraiment », a-t-elle déclaré.

Mme Jaafarawi voulait retourner dans la zone de guerre, récupérer ses embryons congelés et tenter une nouvelle FIV. Mais il était déjà trop tard.

Selon M. Ghalayini, un seul obus israélien a frappé le coin du centre, faisant exploser le laboratoire d’embryologie situé au rez-de-chaussée. Il ne sait pas si l’attaque visait spécifiquement le laboratoire ou non. « Toutes ces vies ont été tuées ou emportées : 5 000 vies en un seul obus », a-t-il déclaré.

En avril, le laboratoire d’embryologie était encore jonché de débris, de fournitures de laboratoire endommagées et, au milieu des décombres, on trouvait les réservoirs d’azote liquide, selon un journaliste mandaté par Reuters qui s’est rendu sur place. Les couvercles étaient ouverts et, visible au fond de l’une des cuves, un panier rempli de minuscules pailles à code couleur contenant les embryons microscopiques désagrégés.

Cet article est une traduction, réalisée par « L’Orient-Le Jour », d’une dépêche en anglais de l’agence Reuters. 

Lorsqu’un obus israélien a frappé la plus grande clinique de fertilité de Gaza en décembre 2023, l’explosion a fait sauter les couvercles de cinq réservoirs d’azote liquide stockés dans un coin de l’unité d’embryologie.À mesure que le liquide ultrafroid s’évaporait, la température à l’intérieur des réservoirs augmentait, détruisant plus de 4 000 embryons...

commentaires (1)

Ils doivent se frotter les mains d'avoir étouffé des Palestiniens dans l'oeuf, au sens propre! Cela sert bien leur projet de génocide.

Politiquement incorrect(e)

21 h 13, le 18 avril 2024

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Commentaires (1)

  • Ils doivent se frotter les mains d'avoir étouffé des Palestiniens dans l'oeuf, au sens propre! Cela sert bien leur projet de génocide.

    Politiquement incorrect(e)

    21 h 13, le 18 avril 2024

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