
Six jours après l'enlèvement et le meurtre de Pascal Sleiman, les funérailles du responsable des FL à Jbeil ont eu lieu vendredi en l'église Saint-Georges de la ville, devant plus d'un millier de personnes, notamment des partisans de la formation chrétienne. Photo Matthieu Karam
« La confrontation se poursuit »… au niveau politique. En faisant leurs adieux à leur coordinateur pour la région de Jbeil, Pascal Sleiman (tué dimanche lors d’une tentative de lui voler sa voiture dans le secteur de Kharbé, selon la version officielle), les Forces libanaises ont défini leurs batailles prioritaires. D’abord face au Hezbollah, que le parti continue d’accuser implicitement de se tenir derrière le meurtre de Sleiman, sans toutefois hausser le ton pour ne pas être accusé de mener le pays vers une discorde confessionnelle. Dans le cadre de cette bataille, les FL peuvent compter sur plusieurs composantes de l’opposition, déterminées à faire face à « ceux dont l’arsenal illégal hypothèque la souveraineté de l’État », pour reprendre les termes de Michel Moawad, député réformiste de Zghorta. Également dans le viseur des FL : les migrants syriens. Leur retour en Syrie a été remis sur le tapis au lendemain du rapt de Pascal Sleiman, dans la mesure où plusieurs ressortissants syriens seraient impliqués. Là aussi, les FL ne sont pas seules. Car le patriarche maronite, Béchara Raï, qui a lui-même célébré l’office funèbre du cadre FL à Jbeil, s’est joint à elles.
C’est d’ailleurs un Béchara Raï ému et attristé (interrompu à plusieurs reprises par ses larmes) qui a prononcé une homélie dans le cadre de laquelle il a réitéré son appel au calme lancé mardi dernier et rendu hommage à la veuve du défunt, Micheline Wehbé. Selon le patriarche, cette dernière « n’a pas appelé à la vengeance ni au meurtre ». Qualifiant Pascal Sleiman de « martyr », le prélat a jugé « déplorable » que « les criminels soient des réfugiés syriens qui ont été accueillis par les Libanais ». Il a souligné que ces migrants « constituent désormais un danger pour les Libanais, chez eux ». « Il faut à présent trouver une solution à cela, loin des affrontements dont les conséquences sont insupportables », a-t-il déclaré. Une critique à l’adresse des auteurs des débordements commis à l’encontre de migrants syriens dans plusieurs localités après le rapt de Pascal Sleiman. « Il est devenu urgent de régler ce dossier hautement dangereux par voie légale avec les protagonistes locaux et internationaux concernés », a encore dit le patriarche.
Dans la forme donc, le discours adopté par le chef de l’Église maronite est similaire à celui des FL… à quelques nuances près. S’il converge avec le parti de Samir Geagea sur le fait de considérer Pascal Sleiman comme « un martyr » et dans l’appel à un règlement rapide de la question des migrants, Béchara Raï n’a pas remis en doute la version de l’armée, comme c’est le cas pour les FL qui insistent pour dire que leur cadre est victime d’un « assassinat politique jusqu’à preuve du contraire ». Dans son homélie, Mgr Raï a en effet salué les efforts des appareils de sécurité, notamment « l’armée, dont les services de renseignement ont pu dévoiler les dessous du rapt et de l’assassinat », insistant sur l’importance de « savoir qui se tiendrait derrière le crime ». Il reste que le prélat a tout de même lancé quelques piques en direction du Hezbollah. « À qui profite cette anarchie dans le pouvoir, l’administration, la justice, les armes et la décision de guerre, et d’un pays hors des mains de l’État ? » s’est-il interrogé.
Geagea ne met pas d’eau dans son vin
À l’issue de l’office funèbre, c’est le chef des FL, Samir Geagea, qui a pris la parole. S’il a effectué un rare déplacement sur le terrain à Jbeil, quelques heures après l’incident de dimanche, le leader chrétien s’est cette fois-ci contenté de s’adresser à ses partisans à distance. Contrairement aux attentes, il n’a pas opté pour l’escalade face au Hezbollah en l’accusant directement du meurtre de son coordinateur pour la région de Jbeil. Loin du motif crapuleux mis en avant par les autorités, les FL continuent toutefois d’insinuer que le camp de la moumanaa (piloté par le Hezbollah) y est pour quelque chose. « La confrontation se poursuit jusqu’à ce que les frontières (entre le Liban et la Syrie) soient contrôlées (…) et afin que nous puissions changer un pouvoir défaillant et corrompu, maintenu par les armes illicites, le blocage (politique) et les atteintes à la Constitution », a lancé le chef des FL, à l’heure où le Hezbollah est accusé d’entraver l’élection présidentielle, contrairement aux textes de la loi fondamentale. La confrontation se poursuivra « afin que nous puissions découvrir la vérité au sujet de la double explosion au port de Beyrouth (août 2020) et des meurtres de Lokman Slim (activiste anti-Hezbollah assassiné en 2021), Élias Hasrouni (cadre FL retrouvé mort à Aïn Ebel en août 2023) et Pascal Sleiman », a encore dit Samir Geagea, imputant donc implicitement celui-ci au « parti de Dieu ».
Poursuivant sur sa lancée, Samir Geagea a dit décréter la confrontation « pour que le pays ne soit plus accusé de “terrorisme” et de (trafic de) captagon, mais surtout pour pouvoir plaider pour la vérité, sans être accusé de causer des discordes et se transformer de victime en criminel portant atteinte à la paix civile ». Une façon de se laver les mains des débordements contre les migrants syriens dans la foulée du meurtre de Sleiman, mais aussi des accusations lancées par le chef du Hezbollah aux FL et aux Kataëb de « chercher la guerre civile ».
Un nouveau Syrien détenu
Quelques minutes auparavant, Ziad Hawat, député FL de Jbeil, a prononcé un discours lors duquel il s’est principalement attardé sur la question des Syriens. Celle-ci « devrait être définitivement réglée », a-t-il lancé, affirmant que « les réfugiés devraient sûrement rentrer chez eux ». « Il est intolérable que certains d’entre eux continuent de voler et commettre des meurtres sur demande », a martelé M. Hawat, estimant qu’il est du devoir de la communauté internationale de s’acquitter de ses responsabilités sur ce plan. Sur un autre registre, Ziad Hawat a estimé que « le véritable problème réside dans (le maintien) des armes illégales ». C’est d’ailleurs sous ce prisme qu’il conviendrait d’interpréter l’appel lancé par l’opposition jeudi soir pour une mobilisation vendredi. « Nous sommes mobilisés pour faire comprendre au Hezbollah qu’il ne peut plus maintenir son arsenal et nous mener vers le projet iranien qui nous est étranger », explique Achraf Rifi, député et farouche opposant du parti chiite. « Après l’affaire Pascal Sleiman, nous n’accepterons pas un candidat du Hezbollah à la présidence », ajoute-t-il, comme pour tracer les contours de la prochaine phase.
Parallèlement, l’enquête dans cette affaire se poursuit. Selon les informations de L’OLJ, les services de renseignement de l’armée ont arrêté mercredi à Bouchriyé (Metn) un ressortissant syrien, faisant passer à cinq le total des personnes impliquées dans le meurtre.
Le sujet des croisades me rappelle la guerre des années 70 avec des slogans et discours haineux, qui accusaient les chrétiens de ne pas être indigène de notre patrie, et rien que des descendants des croisés. Chassez le naturel, il revient au galop mon 3allousha.
05 h 14, le 14 avril 2024