« Secouer l'émission » : à The Voice France, la franco-libanaise Vernis Rouge fait sensation

Trois semaines déjà que Vernis Rouge est prise dans une cadence folle. Depuis la publication sur les réseaux sociaux de son passage surmédiatisé à The Voice, sur TF1, – 500 000 vues la première semaine et 11 millions sur TikTok –, elle enchaîne les interviews et les plateaux-télé, les publications sur son compte Instagram @vernisrougemusic auprès de ses « amies » Gigi Hadid et Isabelle Marant. « On voit sa tête partout », commente un internaute français sur le web, avec un brin d’ironie. Pourtant, et même si elle se réjouit de la « visibilité de dingue » dont elle bénéficie, Vernis Rouge ne cache pas son désintérêt pour les télécrochets. « Ce n’est pas quelque chose que j’aurais fait de ma propre initiative, assure l’artiste franco-libanaise, car je n’ai pas d’intérêt à faire des reprises de chansons, et mon projet artistique était déjà sur la bonne voie. Quand je fais quelque chose, c’est pour gagner, évidemment, mais je m’en fous un peu du résultat de la compétition par la suite et il n’y a aucun coach que je voulais rejoindre en particulier. Le plus important reste mon univers, et je me suis dit qu’il fallait secouer l’émission un peu, car The Voice, c’est un peu toujours la même chose. »

Et « secouer l’émission », c’est ce qu’elle a fait. En remettant au goût du jour Bande organisée  de Jul, un tube rap de 2019, et son subtil phrasé « Nique ta mère sur la Canebière. Nique tes morts sur le Vieux-Port », Vernis Rouge a réussi son audition à l’aveugle en faisant se retourner les frères Bigflo et Oli, sans toutefois laisser les autres coaches et les téléspectateurs indifférents. « Soit on découvre une artiste qui a un univers de malade et on s'en prend plein la gueule, déclare Bigflo. Soit c'est un pétard mouillé ! » Sur les réseaux sociaux, les commentaires affluent toujours. « Je n’ai aucun problème avec les commentaires négatifs, confie-t-elle à L’Orient-Le Jour. C’est le jeu quand on s’expose à la télé et je suis assez confiante. C’est cela qui fait le buzz, en fait, quand on déchaîne les passions. Quand les gens se disputent parce que quelques-uns disent que c’est de la m**** et d’autres trouvent l’audition géniale. Heureusement, certains apprécient ce que je présente et depuis quelques années déjà. »

La musique qui sert les mots

Née à Beyrouth d’un père libanais, originaire de Jounieh, la très solaire Manon Debs a grandi au Liban jusqu’à l’âge de 8 ans, avant d’être rapatriée en France avec sa famille durant la guerre de juillet 2006. Depuis, elle s’est installée à Bordeaux, à Toulouse, à Rouen et plus récemment à Paris. Malgré le divorce de ses parents, elle rentre au Liban chaque été, même s’il ne lui reste plus grand-chose de ses notions d’arabe acquises au Lycée franco-libanais Nahr Ibrahim. « J’ai tout oublié », se désole-t-elle. Pourtant, c’est au Liban qu’elle a pris ses premiers cours de piano, avant d’intégrer le conservatoire en France. Après des études de commerce « pour rassurer mes parents », elle se lance en 2019 dans la chanson, en tant qu’autrice-compositrice, et s’entoure de sa propre équipe. C’est ainsi que Vernis Rouge est née. « J’adore quand on m’appelle comme ça, dit la chanteuse. Vernis Rouge, c’est un clin d’œil à ma quête de féminité. En grandissant avec deux frères, j’étais un garçon manqué, et j’avais du mal à exprimer ma féminité, mais je l’ai découverte à travers la musique, en parlant d’amour, de sexe. Je me suis sentie plus sensuelle. »

En composant et en écrivant ses morceaux, Vernis Rouge veut transmettre des messages. Pour elle, « la musique vient servir les mots ». Sur ses deux albums et une dizaine de titres, elle parle d’amour et n’hésite pas à dévoiler son homosexualité. Mais elle s’attarde également sur ses racines, comme avec le titre Mon cœur est oriental, ou Yalla viens, elle qui affirme qu’il y a quelque chose de très oriental dans sa manière de chanter. Durant des concerts à guichets fermés sur deux grandes scènes, La Boule Noire et Le Café de la Danse, elle rencontre un public qui connaît ses chansons, et réunit également ses proches libanais venus du Québec, de Dubaï ou encore de Londres. Mais c’est Bruno Berbères, directeur de casting à The Voice, qui la repère lors d’un casting pour les musiciens de métro et l’invite à se présenter à The Voice. « Je n’écoute pas de rap, confie Vernis Rouge. Ce que j’aime et ce que je fais c’est de la pop française. J’aime bien Dalida, Clara Lucciani, etc., mais il y a quelque chose qui m’a plu dans le rap et j’ai transformé un peu cette chanson à ma manière. Pour tout vous dire, je n’ai aucune idée de quoi elle parle ! Et vu la chanson, il y avait un gros risque que les coaches ne comprennent pas ma démarche en deux minutes, mais j’ai fait confiance à la vie. »

Manon Debs heureuse de faire découvrir ses racines libanaises. Photo tirée de son compte Instagram @vernisrougemusic

Avec The Voice, Manon Debs est surtout heureuse d’avoir pu se reconnecter avec le Liban. Elle veut aussi qu’on découvre qui elle est, ses chansons, son univers. « The Voice, ça reste quand même une émission où on recherche des grandes voix, et le coaching en équipe est assez court. Mais je suis satisfaite, car j’ai pu montrer différentes facettes de moi-même et je veux convertir ce buzz en quelque chose de qualitatif. » Actuellement, elle prépare un concert à Paris qui aura lieu le 19 avril, et promet de nouveaux singles dans les mois à venir, avec des sujets qui la touchent davantage et qui expriment sa philosophie et son vécu, sans aliéner son côté sensuel ou provocateur.

En attendant, sa reprise de Bande organisée cartonne sur toutes les plateformes, avec un clip tout aussi déjanté qui a réuni 300 000 vues la première semaine. On y voit Vernis Rouge, cheveux blonds en l’air, arborer les couleurs du Paris Saint-Germain et ligoter un joueur de l’équipe de foot de Marseille. « Cette chanson, au fond, c’est une rigolade, s’esclaffe Manon. Autant faire un clip qui ne se prend pas trop au sérieux. Et comme elle est écrite par des rappeurs marseillais, le clin d’œil était de mise et les Marseillais, bien heureusement, l’ont pris avec humour. » « Oui ma gâtée ! » pourraient-ils lui répondre, comme elle le chante.