Au Sérail, optimisme du quintette et flou artistique

Un optimisme prudent s’est dégagé de la réunion tenue vendredi au Sérail entre le Premier ministre sortant Nagib Mikati et les ambassadeurs accrédités à Beyrouth des pays du quintette impliqué dans le dossier de la présidentielle, à savoir les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar.

« Ils sont optimistes quant à la possibilité d’élire un nouveau président », commente pour L’Orient-Le Jour le chef du gouvernement sortant. Sauf que cela ne signifie pas que le scrutin se tiendra dans un avenir proche. Car, d’une part, le groupe des Cinq semble être indécis quant à la prochaine étape. De l’autre, l’initiative lancée il y a quelques jours par le bloc de la Modération nationale (des députés majoritairement sunnites ex-haririens) est plus que jamais sous le feu des critiques. Après les flèches du chef des Kataëb Samy Gemayel, la démarche vient de subir un sérieux revers de la part du député Ali Hassan Khalil, bras droit du président de la Chambre, Nabih Berry. De quoi faire craindre un retour à la case départ.

La réunion avec M. Mikati s’est tenue moins de deux semaines après un entretien des Cinq avec M. Berry « C’était une occasion pour afficher, à nouveau, l’unité des membres du quintette », rapporte à L’OLJ une source diplomatique occidentale. Une façon pour le groupe de balayer les informations récemment relayées dans des médias proches du tandem chiite Amal-Hezbollah et portant sur un  désaccord au sein du quintette. « Les cinq diplomates se sont également fait une idée de  la vision du Premier ministre quant au dossier de la présidentielle », ajoute la source citée plus haut. Selon des propos rapportés par le Sérail, M. Mikati a plaidé pour l’élection d’un « président qui parrainerait le dialogue et appuierait le processus de réformes économiques et sociales, ainsi que la mise en application de la Constitution et de l’accord de Taëf ».  

S’exprimant à l’issue de la réunion, l’ambassadeur d’Égypte à Beyrouth Ala’ Moussa a insisté sur ce qu’il a appelé « des constantes » concernant la présidentielle. « Il devient urgent d’élire un nouveau président », a-t-il averti, soulignant que « les circonstances que traverse la région devraient inciter les  protagonistes libanais, avec l'aide du quintette, à tenir cette échéance ». Une façon pour le diplomate d’appeler les acteurs locaux à ne pas attendre la fin de la guerre en cours à Gaza pour pourvoir au vide à la tête de l’État. « Ce qui se passe à Gaza devrait inciter les protagonistes libanais à en finir avec cette élection (…) Cela est nécessaire », a insisté M. Moussa.

Faisant état de « l’optimisme » du quintette, l’ambassadeur d’Égypte s’est félicité de l’initiative portée par le bloc de la Modération nationale. Celle-ci prévoit la tenue de consultations parlementaires suivies d’une séance électorale ouverte. « La mobilisation que nous voyons aujourd’hui est un droit de tous les protagonistes », a déclaré M. Moussa, saluant le fait que les députés qui s’activent actuellement « veulent trouver un terrain d’entente en vue de faciliter l’élection d’un président ». 

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Mais contrairement à ce qu’espérerait le diplomate égyptien, la démarche des ex-haririens paraît loin de porter les résultats escomptés, même si elle bénéficie d’un feu vert d’une partie de l’opposition et – surtout – du quintette. C’est ce qui ressort de ce qui s'apparente à un partage de rôles entre Nabih Berry et son conseiller Ali Hassan Khalil. Alors que les milieux du premier se sont efforcés ces derniers jours à exprimer le soutien du président de la Chambre à la démarche des députés nordiques, son conseiller a saisi l'occasion d'une interview accordée jeudi soir à la chaîne locale MTV pour attaquer l’initiative, donnant le sentiment de la dynamiter. « Le dialogue, ce n'est pas des rencontres à la Chambre. C’est à la fin du dialogue entre les chefs des blocs parlementaires que se tiennent les séances électorales », a-t-il lancé, rappelant que « si un président n’est pas élu à l’issue du premier tour (avec un score de 86 voix, soit les deux tiers de la Chambre) ou des tours qui suivent, la séance devrait être levée par M. Berry. Sinon, l’action du Parlement sera paralysée ». De quoi torpiller les fondements de l’initiative quelques jours seulement avant l’entretien prévu lundi entre une délégation de la Modération nationale et le Hezbollah. L’éclaircie n’est donc pas pour demain, le député Ali Hassan Khalil ayant ainsi remis en marche le mécanisme du jeu pratiqué jusqu'ici par le Hezbollah et M. Berry consistant à maîtriser tous les rouages de l'élection présidentielle. Ce mécanisme avait paru un moment perturbé par l'initiative des députés ex-haririens.

Tout cela explique probablement le flou entourant les discussions du quintette autour de la prochaine étape. « Nous examinons les démarches à suivre ainsi que le timing d’un éventuel retour à Beyrouth de l’émissaire spécial pour le Liban Jean-Yves Le Drian », dit un diplomate occidental.