L’initiative de la Modération nationale (déjà) face à ses limites

« Nous n’avons pas compris cette initiative. » C’est à travers ces propos que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, s’est prononcé, dans une interview au site al-Anba’ mercredi, au sujet de la démarche initiée il y a quelques jours par les députés du bloc de la Modération nationale (majoritairement sunnites ex-haririens) en vue de débloquer la présidentielle. Dans ses grandes lignes, l’initiative prévoit la tenue d’une séance de concertations parlementaires suivies d’une séance électorale ouverte. Cette démarche semble cependant être d’ores et déjà face à ses limites : « Toute initiative qui ne prendrait pas en considération le fait que le Hezbollah est en train de bloquer la présidentielle est amputée », a ainsi déclaré M. Gemayel, comme pour épingler le fait que le projet des députés du Nord ne met pas le parti chiite face à une obligation de faciliter la tenue d’un scrutin qu’il est accusé de paralyser, ni de s’engager à se conformer aux résultats de l’hypothétique séance de concertations. Il faudra d’ailleurs attendre la réunion prévue lundi entre des députés de la Modération nationale et leurs collègues du Hezbollah pour en savoir un peu plus sur les intentions de ce dernier.

La position de Samy Gemayel semble avoir douché l’atmosphère « positive » distillée par le bloc de la Modération nationale à l’issue d’une réunion tenue samedi avec Élias Hankache et Nadim Gemayel, deux députés Kataëb. «Nous ne sommes pas contre le principe des concertations parlementaires. Mais nous adoptons une attitude de prudence, parce que les expériences antérieures avec le Hezbollah ne sont pas très encourageantes », explique à L’Orient-Le Jour Salim Sayegh, député Kataëb. « Plusieurs questions restent sans réponse, notamment pour ce qui est de la prochaine étape, au cas où les protagonistes échoueraient à s’entendre sur une liste de deux ou trois présidentiables comme le préconise l’initiative de la Modération nationale », souligne M. Sayegh. De son côté, un responsable haut placé au sein des Kataëb dénonce le fait que « la démarche ne porte aucune garantie quant à un retrait de Sleiman Frangié (candidat du tandem chiite Amal-Hezbollah à la présidence de la République), ni quant à la conformité de tout le monde aux résultats des concertations ». Un point que le groupe parlementaire rassemblant les Marada et leurs alliés – William Tok, Farid el-Khazen et Michel Murr – a soulevé mercredi lors de sa réunion avec une délégation de la Modération nationale. « Nous n’allons pas retirer notre candidat avant d’aller au dialogue », tranche M. Tok, affirmant que « l’initiative porte sur la nécessité de débloquer, sans appeler au retrait d’un des candidats ».

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Une position « personnelle »
Les critiques de Samy Gemayel risquent-elles donc de mettre l’initiative en échec malgré le feu vert qui lui a été accordé samedi par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea ? « Nous avons accepté parce que l’initiative met le camp de la moumanaa au pied du mur », déclare le porte-parole des FL, Charles Jabbour, faisant valoir que la prise de position du chef des Kataëb est « d’ordre personnel » et n’influera pas sur la cohésion de l’opposition.

À leur tour, les députés de la Modération minimisent la portée des critiques de M. Gemayel. « Je ne sais pas pourquoi il réagit de la sorte, sachant que notre initiative ne porte aucunement sur les noms de candidats, mais devrait paver la voie à des discussions en vue d’une sortie de crise », commente Hadi Hobeiche, secrétaire général de la Modération nationale.

Les efforts des députés du Nord bénéficient du feu vert du quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar), dont les ambassadeurs se sont déjà entretenus avec ce groupe. Les diplomates sont attendus vendredi au Sérail pour un entretien avec le Premier ministre sortant, Nagib Mikati. De son côté, l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, pourrait rencontrer des figures de l’opposition dans les prochains jours, dans le prolongement de sa réunion jeudi avec Michel Moawad, ancien candidat de l’opposition à la présidence.