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Naître - LOrientLeSiecle

À l'aube du 15 mai

Séisme au Moyen-Orient. David Ben Gourion, le président du Conseil national juif, proclame la naissance de l’État d’Israël. Nous sommes le 14 mai 1948. Le soir même, les armées arabes pénètrent en Palestine. La première guerre israélo-arabe dure dix mois. Elle fera des dizaines de milliers de victimes arabes. « Le passé est mort à minuit », écrit le rédacteur en chef de L’Orient, Kesrouan Labaki, en poste depuis quatre ans. Les Arabes sont commotionnés par la nouvelle. Pourtant, on le pressent dans ces lignes, le malaise est déjà ailleurs. Au Liban, les tensions couvent entre « les plus chauds partisans de la cause arabe » et les autres. Que les Libanais « s’appliquent à maintenir un climat d’unanimité nationale », implore Labaki.

À l'aube du 15 mai

« L'Orient », le 15 mai 1948. Illustration Jaimee Haddad

À l’occasion de son centenaire, L’Orient-Le Jour fait revivre les grands textes de L'Orient, du Jour et de L'Orient-Le Jour qui ont marqué le siècle. Ici, l'éditorial de Kesrouan Labaki publié dans L'Orient le 15 mai 1948.


« Le passé est mort à minuit.

Il ne faut pas qu’il ressuscite.

Dans l’ordre et la discipline

Des erreurs – de graves erreurs – ont été commises.

Parmi les dirigeants arabes, quelques-uns ont failli à leur mission. Mais nul n’a le droit, aujourd’hui, de lancer la pierre à son voisin. Nous sommes tous, absolument tous, solidairement responsables des premiers échecs palestiniens. Et nous devons tous, dans l'ordre et la discipline, contribuer à réparer ces échecs. Il nous faut nous interdire, pour l’instant, de faire allusion aux défaillances, aux abandons et peut-être même aux trahisons qui ont jalonné les développements diplomatiques et militaires de l’affaire palestinienne.

Nous ne passons pas l’éponge.

Mais, avec tous les Libanais et tous les Arabes de bonne foi, nous considérons qu’il serait singulièrement périlleux de tirer prétexte de la Palestine pour susciter, aujourd’hui, des dissensions intérieures au Liban et dans les pays arabes.

A la pointe du combat

Nous ne prenons la défense de personne.

M. Riad Solh et les Ministres libanais n’ont pas à être défendus pour leur politique palestinienne.

A L’AUBE DE CETTE JOURNÉE HISTORIQUE DU 15 MAI, NOUS NOUS RÉJOUISSONS DE POUVOIR CONSTATER QUE LE LIBAN TOUT ENTIER – le Président de la République, le Président du Conseil, le gouvernement, la population dans son ensemble – A FAIT POUR LA PALESTINE AUTANT ET PLUS QUE N’IMPORTE QUEL ETAT DE LA LIGUE ARABE.

L’action accomplie par M. Riad Solh, au cours de cette dernière quinzaine, l’honore et nous honore.

Le chef du gouvernement libanais – AVEC TOUTE L'AUTORITÉ ET TOUT LE PRESTIGE QUE LUI CONFÈRE SA QUALITÉ OFFICIELLE DE REPRÉSENTANT DU LIBAN – a joué entre Ammane et Riad, Bagdad, Le Caire et Damas, un grand rôle de médiateur. Si les Arabes n’ont pas été vaincus avant même d’avoir dégaine ; si la Ligue ne s’est pas disloquée ; si les ponts n’ont pas été rompus entre le Bloc hachémite et le Bloc syro-séoudite, c’est en grande partie grâce aux efforts déployés par le gouvernement libanais et son président.

L’Histoire jugera…

Nous ne prenons pas, non plus, la défense de M. Abdel-Rahman Azzam, des dirigeants de la Ligue et des pontifes du Comité Suprême Arabe de Jérusalem.

L’Histoire, tôt ou tard, portera sur eux un jugement définitif.

L’essentiel, pour l’instant, est de laisser l’Histoire suivre son cours normal.

Un gouvernement nous suffit

L’affaire palestinienne est entrée, depuis Minuit, dans sa phase probablement décisive. Et c’est, surtout, sur le terrain palestinien, que se développe cette phase décisive.

Toute l’attention du gouvernement libanais et des gouvernements arabes doit pouvoir porter sur la Palestine. ET TOUTE ACTION POPULAIRE, DE NATURE À CRÉER UNE DIVERSION, NE SERA PAS MOINS QU’UNE ACTION CRIMINELLE.

Nous le disons à l’adresse de l’ensemble des Libanais et, particulièrement, à l’intention des plus chauds partisans de la cause arabe : LE GOUVERNEMENT NE PEUT PAS ETRE PARTOUT A LA FOIS. SON PREMIER DEVOIR ÉTANT DE MAINTENIR L’ORDRE A L’INTERIEUR DU PAYS, IL NE POURRA S’OCCUPER DE LA PALESTINE, QUE LORSQUE SERA ASSURÉE LA SÉCURITÉ ABSOLUE DE TOUTE LA POPULATION.

Il n’appartient à aucun citoyen de condamner un autre citoyen. Tant qu’un Libanais se comporte en libanais ; tant qu’il accepte de partager nos obligations et nos droits, tant qu’il s’insère parfaitement dans la communauté nationale, tant qu’il ne prononce pas un mot discordant, tant qu’il n'accomplit pas un geste d’insubordination, nous n’avons pas à discuter ses croyances intimes.

Ce n’est pas sur leurs arrière-pensées que doivent être jugés les Libanais.

Et ce n’est pas, en tout cas, aux particuliers qu’il revient de juger d’autres particuliers.

Des pouvoirs très étendus ont été accordés, hier, au gouvernement, pour lui permettre d’agir avec rapidité et efficacité, en toutes circonstances.

Le Sérail – il faut l’espérer – n’abusera pas de ces pouvoirs. Et personne n’a à se substituer au Sérail. Un gouvernement suffit amplement au Liban. Nous n’avons pas besoin d’un million 200.000 gouvernements.

La voie est tracée

Les Libanais qui ne sont ni au pouvoir, ni au front et qui veulent contribuer à hâter la libération de la Palestine, leur voie est tracée : qu’ils s’appliquent à maintenir au Liban un climat d’unanimité nationale. »

À l’occasion de son centenaire, L’Orient-Le Jour fait revivre les grands textes de L'Orient, du Jour et de L'Orient-Le Jour qui ont marqué le siècle. Ici, l'éditorial de Kesrouan Labaki publié dans L'Orient le 15 mai 1948.« Le passé est mort à minuit.Il ne faut pas qu’il ressuscite.Dans l’ordre et la disciplineDes erreurs – de graves erreurs – ont été commises.Parmi les dirigeants arabes, quelques-uns ont failli à leur mission. Mais nul n’a le droit, aujourd’hui, de lancer la pierre à son voisin. Nous sommes tous, absolument tous, solidairement responsables des premiers échecs palestiniens. Et nous devons tous, dans l'ordre et la discipline, contribuer à réparer ces échecs. Il nous faut nous interdire, pour l’instant, de faire allusion aux défaillances, aux abandons et peut-être même aux...
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