Un voyage pour se former à la pratique de la philosophie avec les enfants et les adolescents

Pia Mouawad, Nour el-Bacha, Maria Ibrahim et Firas Zoabi ne tarissent pas d’éloges au sujet du programme de formations qu’ils ont suivi grâce au projet PHILEACT (Philosophie Enfance Action Citoyenneté), lancé en 2021 et porté par l’Université de Nantes avec la chaire Unesco « Pratiques de la Philosophie avec les enfants », visant notamment à développer la pratique de la philosophie dans les établissements scolaires. Quelques semaines après leur voyage en France, qui s’est déroulé du 13 au 28 novembre 2023, les étudiants inscrits à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) témoignent, à l’unanimité, de l’utilité de cette initiative qui permet, en particulier, d’encadrer les enseignants pour qu’ils puissent valoriser la philosophie auprès du grand public et la rendre accessible à tous. Accompagnés par leur enseignante Joumana el-Hayek, ces derniers ont pu, entre autres, participer aux 22es Rencontres internationales sur les nouvelles pratiques philosophiques, organisées à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation du Mans, les 15 et 16 novembre 2023, lors desquelles ont été proposés des ateliers et des séminaires se rapportant à l’exercice de la philosophie.

Promouvoir la philosophie auprès des plus jeunes

Après une brève visite de la capitale française, le programme des étudiants était assez riche, leur permettant de participer à un grand nombre d’activités formatrices. « Durant notre séjour au Mans, nous avons pu observer deux ateliers philosophiques : le premier, mené par Laetitia Bisson en classe de CM2 à l’école Pergaud Lapierre, avait pour thème la vérité et l’illusion et le second, mené par Stanislas Brière au Collège Joséphine Baker, a permis aux élèves de débattre autour de la question philosophique suivante : Peut-on rire de tout ? », raconte Maria Ibrahim. La jeune femme inscrite en 2e année de doctorat en philosophie a apprécié pouvoir assister, à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) du Mans, à la soutenance de la thèse de doctorat d’Agathe Delanoë qui pose la question d’une spécificité de la pratique du dialogue philosophique (PDP) avec les adolescents. Pour Firas Zoabi, en dernière année de licence, ce voyage lui a permis de se familiariser avec le système éducatif français. « J’ai pu découvrir comment les écoles en France ont commencé à inculquer l’esprit philosophique aux enfants dès le plus jeune âge et durant l’ensemble de leur parcours scolaire. J’ai vu que ces derniers, encadrés par leurs enseignants, sont capables d’apprendre à philosopher », explique le jeune homme pour qui la philosophie a de beaux jours devant elle. Pia Mouawad, en 2e année de licence, estime qu’il est important pour les étudiants de rencontrer des experts en philosophie, comme la coordinatrice du projet PHILEACT Edwige Chirouter qui est titulaire de la chaire Unesco « Pratiques de la philosophie avec les enfants », afin de profiter de leur expérience. « Écouter les professionnels s’exprimer est intéressant et formateur. La rencontre avec Mina Zaza m’a particulièrement marquée puisque cette dernière organise des ateliers philosophiques dans un centre avec des enfants atteints de maladies somatiques et de névroses. Cela m’a permis de comprendre qu’il est important de mettre en place ces ateliers, qui contribuent au bien-être des individus, dans les centres hospitaliers », ajoute Pia. « Ces nouvelles pratiques philosophiques, dont nous avons pris connaissance et qui permettent de créer des ponts entre les cultures, illustrent le propos d’Edwige Chirouter qui considère qu’il n’y a pas d’âge pour philosopher », souligne quant à elle Nour el-Bacha. L’étudiante en 2e année de licence est persuadée que, dans ce monde livré à la violence et à la brutalité, nous avons plus que jamais besoin de philosophie. « La pratique vivante de cette discipline dans les ateliers à l’école, de la maternelle à la terminale, est peut-être aujourd’hui la seule issue qui puisse encore pousser l’élève à développer son esprit critique, sa pensée libre, et à accepter l’opinion d’autrui », insiste-t-elle.

Une initiative importante

Se distinguant par sa rigueur et son interdisciplinarité, le département de philosophie de l’USJ a souhaité prendre part à l’initiative PHILEACT. Celle-ci promeut, à l’échelle internationale, le développement pérenne de la pratique de la philosophie avec les enfants dans les écoles, la formation des enseignants et la valorisation de cette discipline auprès du grand public, des familles et du monde associatif et culturel. « À l’époque de l’intelligence artificielle (IA) et de la disponibilité de l’information, la seule compétence qui résiste à la mainmise de la machine est la capacité à penser à partir de notre humanité. Initier les enfants à la philosophie à l’ère de l’IA et de la multiplication des conflits régionaux forme des futurs citoyens à l’exercice de la pensée critique et libre, au dialogue dans le respect de l’altérité, à résister à l’extrémisme et à la propagande diffusés sur les réseaux », affirme Pamela Krause, directrice de programme au département de philosophie de l’USJ. Cette spécialiste de philosophie contemporaine reconnaît l’importance de familiariser les étudiants, qui seront de futurs enseignants, à la pratique de la philosophie auprès des jeunes, en particulier dans notre région rongée par les conflits. « Au fondement des savoirs et des universités, la philosophie apparaît, plus que jamais, comme un outil incontournable pour faire face aux défis de demain, tant sur le plan politique, technologique que social », souligne-t-elle. « Cette semaine de formation d’une richesse inestimable nous a permis de consolider nos acquis en ce qui concerne les nouvelles pratiques de la philosophie avec les enfants et de resserrer les liens entre les membres des deux équipes française et libanaise engagées dans le projet PHILEACT qui sont porteurs d’une même mission, celle de démocratiser l’accès à la philosophie », assure quant à elle Maria Ibrahim.