Les menaces (et les canons) ont beau se faire de plus en plus audibles sur le front sud – qui s’est de nouveau embrasé lundi avec des frappes de missiles israéliens sur Ghaziyé, au sud de Saïda, pour la première fois depuis le 8 octobre –, les négociations se poursuivent. Certes, la semaine passée, tant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah ont affirmé que la situation tend vers l’escalade. Mais ces derniers jours, de nombreux éléments semblent indiquer que les deux parties œuvrent toujours à trouver un règlement garantissant une stabilité à long terme à la frontière, un horizon qui se précise de plus en plus.
Le premier de ces indicateurs est sans doute la réunion entre le Premier ministre sortant Nagib Mikati et l’émissaire américain pour le Liban Amos Hochstein samedi à Munich. Les deux hommes ont évoqué la poursuite des pourparlers pour aboutir à un cessez-le-feu ou, à défaut, maintenir la situation sur le terrain sous contrôle. « M. Hochstein est désormais convaincu qu’il n’y aura pas de solution à la frontière libano-israélienne avant un arrêt des combats dans la bande de Gaza », affirme une source diplomatique occidentale à L'Orient-Le Jour. Il s’agit là de la principale condition du Hezbollah pour évoquer un cessez-le-feu au Sud, comme l’a affirmé à plusieurs reprises Hassan Nasrallah.
Les déclarations de M. Hochstein, à la suite de son entretien avec M. Mikati, sur les efforts déployés pour apaiser la situation et assurer le retour des habitants des villages frontaliers des deux côtés étaient dans ce cadre notables. « Nous essayons de maintenir le conflit dans le sud du Liban au plus bas niveau », a-t-il affirmé. Cela montre sa conviction que les opérations ne pourront cesser tant que la guerre à Gaza fait rage, et l’objectif, en attendant, est d’empêcher leur extension et de les cerner dans une zone géographique définie avec des règles d’engagement bien établies. Et Hochstein d’ajouter : « Nous devrons faire beaucoup pour soutenir l’armée libanaise et reconstruire l’économie du sud du Liban, et cela nécessitera un soutien international des Européens ainsi que des États du Golfe, et j’espère qu’ils fourniront ce soutien dans les prochaines étapes. » Ces propos comportent de nombreuses indications, en particulier en ce qui concerne l’accent mis sur l’économie et le soutien à l’armée, en plus de la référence claire aux Européens et aux pays du Golfe.
Conférence en soutien à l’armée à Paris
D’ailleurs, ces derniers jours, il paraît de plus en plus clair que les pays européens, en particulier la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, s’activent pour élaborer des propositions pour consolider la stabilité au Liban-Sud. La France a présenté aux protagonistes libanais une feuille de route inspirée de l’accord d’avril 1996, tandis que le Royaume-Uni a proposé d’installer des tours de surveillance similaires à celles qui ont été construites à la frontière avec la Syrie. « Toutes ces propositions seront finalement intégrées dans le panier américain en cours de développement par Amos Hochstein », affirme la source diplomatique occidentale à notre journal. La volonté de la France d’organiser une conférence internationale sur le soutien à l’armée libanaise dans les prochains jours (qui pourrait être suivie d’une autre en mars à Rome) s’inscrit dans ce contexte-là. Selon nos informations, cette conférence sera évoquée entre Paris et plusieurs autres capitales, dont Doha. Le Premier ministre qatari, le cheikh Mohammad ben Abderrahmane al-Thani, effectuera en effet un déplacement dans la capitale française dans un proche avenir. Une visite importante pour le Liban pour deux raisons : premièrement, le Qatar et la France sont des acteurs-clés dans le dossier des hydrocarbures au Liban, et deuxièmement, ils sont tous les deux membres du quintette (aux côtés des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte) impliqué dans le dossier présidentiel.
Amos Hochstein a également évoqué les pays du Golfe, à l’heure où les États-Unis et le Qatar sont les principaux soutiens de l’armée libanaise. La coopération entre ces deux États pourrait évoluer avec la possibilité d’élargir la participation à d’autres pays du Golfe, un projet intrinsèquement lié au volet économique, puisque ces derniers sont historiquement les principaux bailleurs de fonds de Beyrouth. Amos Hochstein insiste en effet sur les efforts américains pour renforcer l’économie libanaise, en commençant par la délimitation de la frontière maritime avec Israël (en octobre 2022) et le démarrage des opérations de forage dans la zone économique exclusive (ZEE) libanaise, dans lesquelles Doha, Paris et Rome sont impliqués. Dans ce contexte, le fait que le consortium composé par TotalEnergies, ENI et QatarEnergy n’ait pas signé dans les délais les contrats pour l’exploration et l’exploitation des blocs 8 et 10 de la ZEE du Liban et n’ait pas réclamé d’extension ne peut être dissocié de la situation politique et sécuritaire dans le pays. Le gouvernement libanais est aujourd’hui confronté à deux possibilités : soit prolonger le délai, soit lancer un nouvel appel d’offres. Il est clair que cela est désormais lié à l’évolution de la situation au Liban-Sud et à l’attente d’un cessez-le-feu. Cela confirme que tous les dossiers politiques, militaires et économiques sont interdépendants et nécessitent une solution globale.
Le Hezbollah et le « panier »
La communauté internationale tente dans ce contexte de renforcer la stabilité par le biais de la reconstitution et de la réorganisation du pouvoir, notamment l’élection d’un président de la République et la formation d’un gouvernement. Or des rumeurs se propagent dans les coulisses sur des divergences au sein du quintette, ce qui pourrait compromettre son action et restreindre l’accord qui pourrait en naître. Le déblocage pourrait alors venir d’un deal entre les États-Unis, le Qatar et l’Iran. D’autant que certaines voix aux États-Unis laissent entendre que l’Arabie saoudite ne souhaite pas s’engager davantage au Liban, ni investir ou fournir des aides, et qu’il faudrait rechercher d’autres partenaires. Cela n’est pas sans rappeler un élément fondamental survenu après la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, quand les relations entre Riyad et Washington n’étaient pas au beau fixe. À l’époque, lors d’une réunion entre M. Hochstein et l’ancien Premier ministre israélien Yaïr Lapid, ce dernier a déclaré : « Après cet accord, on vous pardonnera la destruction des relations avec l’Arabie saoudite. » Cela comporte plusieurs implications qui pourraient se reproduire à tout moment, compte tenu des relations, de moins en moins spéciales, entre les Américains et les Saoudiens.
Un dernier indicateur sur le déroulement des négociations : le dernier discours de Hassan Nasrallah, vendredi, dans lequel il a affirmé que la question de Gaza et du Liban-Sud est dissociée de tout autre enjeu. Selon lui, elle n’est liée ni à la présidentielle, ni à une révision de la Constitution, ni à la recherche de gains politiques pour le parti. Du côté des opposants au Hezbollah, on estime que malgré ces propos, le parti insiste toujours sur des négociations portant sur un panier complet qui lui assurerait des avantages politiques et économiques à travers des investissements et la levée de ce que le parti appelle « le siège économique » imposé au Liban. Cela n’est pas sans rappeler l’accord maritime, quand beaucoup ont alors évoqué un « accord » complet comprenant la livraison de gaz égyptien et d’électricité jordanienne au Liban, ainsi que quelques facilités économiques, en échange des concessions faites par le Hezbollah. Toutefois, tout cela ne s’est jamais concrétisé. Reste que le tracé maritime entre le Liban et Israël a consacré le tandem chiite Amal-Hezbollah comme le principal négociateur et grand décideur. Aujourd’hui, après la guerre du 7 octobre, c’est avec ce camp-là que négocieront les puissances étrangères pour aboutir à un accord, au grand dam du reste des protagonistes libanais présents sur l’échiquier.
commentaires (8)
Jusqu'à nos jours le Liban a ployé successivement sous le joug de la Patrie de Remplacement des Palestiniens puis de la Grande Syrie pour finir sous l'hégémonie du Grand Iran ... Et tout cela soi-disant pour éloigner la menace du Grand Israël.. Alors s'il vous plaît messieurs arrêtez d' insulter notre intelligence... Vraiment
Oscar
14 h 34, le 20 février 2024