En pleine guerre à Gaza, l’idée de reconnaître officiellement la Palestine en tant qu’État est de plus en plus manifeste en Occident, même dans les pays où on s'y attendrait le moins. Les États-Unis, alliés indéfectibles d’Israël, examinent ainsi les options de reconnaître un État palestinien à la fin de la guerre, a révélé mercredi le site d’information Axios. Deux jours plus tôt, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, faisait une déclaration similaire, soulignant la « responsabilité » de son pays pour progresser vers la fin du conflit israélo-palestinien. Certains considèrent ces développements comme un tournant, mais est-ce vraiment le cas ? Et que veut dire exactement «reconnaître un État palestinien» ?
Quels pays reconnaissent la Palestine ?
• Dès 1988, peu avant la seconde Intifada, Yasser Arafat, alors président du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), proclame l’État de Palestine sur un territoire comprenant la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec Jérusalem-Est comme capitale.
• Au lendemain de la Déclaration d'indépendance du Conseil national palestinien (CNP) le 15 novembre 1988 à Alger, 85 pays reconnaissent alors ce nouvel État palestinien, parmi lesquels une majorité de pays arabes. D’autres leur ont emboîté le pas dans les décennies suivantes, à la suite d’efforts diplomatiques bilatéraux.
• À ce jour, 139 membres de l’ONU reconnaissent la souveraineté de la Palestine. Il s’agit en majorité de pays du Sud et de l’Est.
• En Occident, la Suède est devenue en 2014 le seul pays à avoir reconnu la Palestine, après avoir rejoint l’Union européenne (UE). Huit autres États membres de l’UE l’avaient reconnue avant leur intégration, dont Malte, Chypre et plusieurs pays d’Europe de l’Est. Hors UE, l’Islande et le Vatican reconnaissent officiellement la Palestine.
• La Palestine est un État observateur non-membre de l’ONU depuis 2012. Si cela ne lui octroie pas le droit de vote à l’Assemblée générale, il donne cependant aux Palestiniens la possibilité d’adhérer aux agences de l’ONU comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Grâce à ce statut, la Palestine a été admise à la Cour pénale internationale (CPI) en 2015, la seule cour internationale permanente qui peut poursuivre des personnes pour crimes de guerre.
Que signifie cette reconnaissance ?
• La reconnaissance de la Palestine constitue avant tout une décision politique, car elle n’est pas nécessaire pour établir des relations bilatérales. Les États-Unis et d’autres pays occidentaux (la majorité des pays de l’UE, le Canada, la Corée du Sud, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande) ne reconnaissent pas l'État de Palestine mais entretiennent des relations officielles avec l'Autorité palestinienne (AP) à Ramallah, reconnue par le gouvernement israélien en vertu des accords d’Oslo en 1993 comme représentante légitime du peuple palestinien.
• Aujourd’hui, la reconnaissance d’un État palestinien demeure principalement symbolique. Elle ne peut, à elle seule, porter des solutions justes et équitables sur les frontières, la sécurité, le retour des réfugiés, le statut de Jérusalem, l’accès à l’eau et les relations économiques.
• Ainsi, tant que la Palestine restera un territoire occupé et fragmenté, sans s’accompagner de pressions et de sanctions contre les violations commises par Israël, une reconnaissance même massive d’un État palestinien n’aura que peu d’effets sur le quotidien de la population, estiment les observateurs. Malgré ce constat, la reconnaissance d’un État palestinien demeure une étape indispensable pour atteindre ces objectifs et construire un avenir de paix au Moyen-Orient.
Qu’est-ce qui empêche d’autres États de reconnaître la Palestine ?
• Pour certains pays, il s’agit d’une position de soutien très claire à Israël. C’est le cas de l’Allemagne, qui s’est toujours opposée à la création d’un État palestinien, de façon plus marquée qu’une majorité de ses voisins européens. En 2014, la chancelière Angela Merkel s’était officiellement prononcée contre « une reconnaissance unilatérale de l'État palestinien », estimant qu’elle « ne nous ferait pas avancer sur la voie d'une solution à deux États ».
• Mais il existe aussi un certain découragement, au vu du peu d’effets qui ont suivi la reconnaissance de la Palestine par certains pays. Par exemple, les sociaux-démocrates qui ont porté le projet en Suède lorsqu’ils étaient au pouvoir ont eux-mêmes admis que leur décision n’avait eu aucun impact, en tout cas pas celui de créer un mouvement suivi par d’autres capitales occidentales. Au contraire, cela avait engendré un gel des relations entre Israël et la Suède. Afin de les améliorer, la coalition gouvernementale de droite et d’extrême droite mène aujourd’hui une politique nettement pro-israélienne.
• Au final, seul un pays avec un poids diplomatique comme celui des États-Unis, indéfectible allié d’Israël, serait susceptible d’ouvrir la voie à une dynamique plus massive, suivie par un certain nombre de pays européens. « La reconnaissance américaine de la Palestine aurait désormais un sens diplomatique et politique, d'autant plus que l'équipe de sécurité nationale de M. Biden élabore un plan pour Gaza après le conflit déclenché par l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre », affirment le conseiller politique David Harden et l’humanitaire Larry Garber dans une tribune du New York Times, publiée en décembre.
• Dans le contexte de la guerre à Gaza, les révélations d’Axios sur un éventuel projet américain de reconnaître la Palestine pourraient traduire une volonté de Joe Biden d’exercer une pression sur le gouvernement Netanyahu, dont la conduite de la guerre a fait au moins 26 900 morts à Gaza, selon le Hamas, suscitant une vive frustration au sein de l’administration américaine.
Rien que des affabulations. Rien n’interdit une reconnaissance d’un état palestinien, pas sur le plan de 1967, mais sur le plan de partage de 1947.
05 h 18, le 05 avril 2024