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Moyen-Orient - TÉMOIGNAGES

Gel des fonds de l'Unrwa : un coup fatal pour les Palestiniens

Les réfugiés concernés par les coupes de financement d'une quinzaine de pays à l'agence onusienne oscillent entre peur et colère. 

Gel des fonds de l'Unrwa : un coup fatal pour les Palestiniens

Des Gazaouis déplacés font la queue pour recevoir de l'aide devant le centre de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (Unrwa), à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 janvier 2024. Photo AFP

Cette énième « trahison » ne le surprend même plus, mais Hassan n’en redoute pas moins les conséquences. « Israël a continuellement travaillé à délégitimer l'Unrwa et a toujours essayé d'œuvrer à sa radiation, avec l'aide de Washington », tonne le sexagénaire de Naplouse, réfugié palestinien enregistré auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Depuis vendredi, la colère, l’angoisse et la peur sont diffuses parmi les réfugiés palestiniens de Gaza, de Cisjordanie, du Liban, de la Jordanie et de la Syrie où opère l'Unrwa. Après que l’État hébreu a partagé une enquête avec l’agence, dont elle a rendu les allégations publiques, selon lesquelles 12 de ses employés ont joué un rôle dans la triple incursion du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, une quinzaine de pays ont annoncé suspendre leur financement à l’Unrwa, parmi lesquels les États-Unis et l’Allemagne, ses deux principaux bailleurs de fonds.

À Gaza, dépeinte par l’ONU comme « l’enfer sur terre », la nouvelle a retenti avec effroi. Dans la ville du sud de l’enclave de Rafah, où pleuvent les bombes israéliennes, des dizaines d’hommes et d’enfants se sont rassemblés mardi pour appeler à la poursuite du soutien international à l’organisation. Brandissant des drapeaux palestiniens et des draps blancs tachés de sang, une poignée d’enfants arboraient des slogans suppliant le monde de prendre « pitié de notre impuissance ». Car si l'Unrwa ne parvient plus à assurer sa mission faute de financements, c’est la survie de deux millions d’habitants qui est en jeu. Coincés entre les bombardements israéliens et l’état de siège total, les Gazaouis comptent presque exclusivement sur l’agence onusienne pour toucher une aide humanitaire. Une assistance vitale face au risque de famine et d’épidémies mortelles, à l’heure où 85 % de la population a été déplacée de chez elle. Selon l’ancien porte-parole de l’Unrwa, Chris Gunness, il ne lui reste plus que quelques semaines avant d’être à court d’argent.

Aide amoindrie

« Ces dernières années, l’agence a déjà considérablement réduit son panier d'aides et de services en raison de fonds insuffisants », pointe Hassan, né dans le camp de réfugiés d’Askar, en banlieue de Naplouse. Régulièrement en proie à des difficultés budgétaires notamment liées aux baisses de contributions de ses donateurs, dont elle dépend quasi exclusivement, l’organisation avait particulièrement été affectée par les coupes de financement américaines dès 2018 sur décision de l'administration Trump, avant que Joe Biden ne revienne sur ce geste. « Je me souviens très bien des quantités raisonnables de nourriture que nous avions l'habitude de recevoir chaque mois, avant que cela ne soit réduit à une fois tous les deux mois, puis que la majeure partie de l'aide alimentaire soit supprimée, relate encore Hassan. Aujourd'hui, les services sont presque limités aux soins médicaux tels que les vaccinations d’enfants, les services cliniques quotidiens et les maladies chroniques ». Sur la soixantaine de camps de réfugiés gérés par l'agence, 19 se trouvent en Cisjordanie, alors que quelque 5,9 millions de Palestiniens sont enregistrés au total auprès de l’Unrwa.

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Enseignant à l’Université nationale an-Najah de Naplouse, le sexagénaire ne dépend plus de l’assistance fournie par l’organisation. Mais sa famille proche, résidant pour la plupart en Jordanie, est, elle, à la merci des subventions et des services médicaux fournis par l’agence. C’est aussi le cas d’Ahyam, réfugié palestinien dans le camp de Deraa (Sud syrien), dont les grands-parents ont été chassés de leur village d’al-Samra (nord d’Israël) pendant la Nakba (« catastrophe » en arabe) en 1948. Depuis sa naissance, Ahyam n’a connu que la Syrie ou, plutôt, que ce camp qui s’étend sur près d’1,3 km². Enfant, il a étudié dans les écoles de l'Unrwa. « L'une des meilleures de la région », assure-t-il. Un soutien précieux qui s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui. « C’est grâce à l’organisation, qui fournit gratuitement des médicaments pour les maladies chroniques, que je peux prendre de l’aspirine et mes pilules contre la pression artérielle chronique », insiste-t-il. Tous les trois ou quatre mois, l’agence lui apporte quelque 500 000 livres syriennes (près de 35 dollars au taux du marché noir, NDLR) qui s’ajoutent au panier de denrées alimentaires délivré chaque année à l’ensemble des réfugiés.

Un maigre soutien – pas moins indispensable – dans la Syrie d’aujourd’hui, où la crise économique s’est creusée d’année en année depuis la répression sanglante du soulèvement populaire en 2011. Selon l’Unrwa, « les réfugiés de Palestine sont restés l’un des groupes les plus vulnérables du pays, 96 % d’entre eux (près de 420 000 personnes) dépendant (en 2022) de l’aide d’urgence de l’Office, notamment sous forme d’espèces et de produits alimentaires ». « On n’arrive déjà pas à s'approvisionner régulièrement en eau et à s'acheter du pain. Ceux qui poursuivaient des études les ont interrompues pour subvenir à leurs besoins. Tout ça s’ajoute aux tensions entre l’opposition et le régime et aux menaces de déportations forcées auxquelles nous sommes confrontés… » déplore Ayham en soulignant la spécificité des conditions de vie dans le camp.

« La véritable raison »

Un sort vécu par Bassem*, déplacé de force du camp palestinien de Yarmouk (banlieue sud de Damas), en 2018. Symbole de la tragédie vécue par les Palestiniens de Syrie, le camp est assiégé et affamé par les forces loyalistes dès l’été 2013 jusqu’à sa reprise par le régime cinq ans plus tard. Aujourd’hui, à Idleb (bastion de l’opposition à Assad dans le Nord-Ouest), Bassem mesure plus que quiconque l’importance de l'Unrwa. « Lorsque le régime a assiégé le camp de Yarmouk, il a empêché l’aide fournie par l’agence onusienne de nous parvenir », se remémore-t-il avec amertume. Privés de nourriture et de tous les biens de première nécessité, 200 d’entre eux étaient notamment morts de faim, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Le vingtenaire est à ce jour privé de l’assistance de l’organisation internationale, qui n’opère que dans les zones sous contrôle gouvernemental. Il dénonce pour autant les récentes mesures prises contre l'Unrwa. « Des réfugiés ont été blessés par la guerre, ont perdu depuis leurs habitations, leurs emplois… Des familles palestiniennes entières ne vivent que de cette aide. »

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Pour les Palestiniens directement affectés, les coupes sont politiques. « Tout le monde connaît la véritable raison. Ça se résume pour Israël à : nous vous bloquons les aides parce que vous nous avez attaqués », estime Ayham. Ces suspensions ont été publiquement annoncées le jour où la Cour internationale de justice (CIJ) rendait sa décision sur des mesures conservatoires dans le cas opposant l’Afrique du Sud à Israël pour génocide, ordonnant notamment à l’État hébreu de « prendre toutes les mesures pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention (sur le génocide) ». « Est-il logique de punir une organisation entière en raison de soupçons pesant sur un certain nombre de ses employés, alors que ces mêmes pays ignorent la décision de la CIJ, qui devrait être la base de l'action de ces pays conformément à leurs obligations ? » tempête Hassan. Israël formule depuis toujours des critiques à l’encontre de l’agence onusienne, déclarant samedi dernier ne plus vouloir qu’elle joue le moindre rôle à Gaza après la guerre. « Soulever ce tourbillon artificiel sape la crédibilité de la décision de la Cour, notamment basée sur des rapports de l’Unrwa, renchérit Hassan. Ces pays affirment en réalité haut et fort que même la plus haute instance judiciaire de l’ONU n'empêchera pas leur soutien et leur complicité dans le crime de génocide commis par Israël à Gaza. »

Une punition collective à l’encontre de millions de Palestiniens, dénoncent également plusieurs organisations internationales des droits humains. Et une manière de supprimer l’un des symboles les plus importants de reconnaissance de cette population, s’inquiète Hassan. Établie fin décembre 1949 par l’Assemblée générale de l’ONU après le premier conflit arabo-israélien au lendemain de la création d’Israël, l’Unrwa doit assurer sa mission « dans l'attente d'une solution juste et durable à leur situation ». « Sa disparition ouvrirait la voie à l'élimination définitive de la question des réfugiés palestiniens, avance le sexagénaire. Ce qui forcerait l'annulation de facto de notre droit de retour. »

* Le prénom a été modifié.

Cette énième « trahison » ne le surprend même plus, mais Hassan n’en redoute pas moins les conséquences. « Israël a continuellement travaillé à délégitimer l'Unrwa et a toujours essayé d'œuvrer à sa radiation, avec l'aide de Washington », tonne le sexagénaire de Naplouse, réfugié palestinien enregistré auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations...

commentaires (4)

Il serait grand temps que les palestiniens s’autorise-déterminent et construisent leur avenir! Ils ne peuvent pas éternellement être des assistés!

Scoubidou 1et2

07 h 06, le 02 février 2024

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Commentaires (4)

  • Il serait grand temps que les palestiniens s’autorise-déterminent et construisent leur avenir! Ils ne peuvent pas éternellement être des assistés!

    Scoubidou 1et2

    07 h 06, le 02 février 2024

  • Je commente la dernière phrase: de quel droit au retour parle-t-on? Les palestiniens peuvent avoir leur pays pour peu qu'ils s'en donnent la peine! Il n'y a pas eu de réfugiés indiens ou pakistanais lors de la création du Pakistan! Un peu de décence s'il vous plait!! De plus un réfugié de 60 ans n'est pas un réfugié!!!!

    Scoubidou 1et2

    15 h 25, le 01 février 2024

  • Pourquoi un africain ou un afghan ou un ukrainien qui est un réfugié dépend de L'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et pourquoi les palestiniens ont l'UNWRA juste pour eux ? Pourquoi "le titre de réfugié est pour les Palestinien comme un titre de noblesse transmissible" ? Comment s'appelait l'office des 800 mille réfugiés qui s'est occupé des israélites qui ont été chassé des pays arabes pour arriver dans l'entité sioniste ?

    Dorfler lazare

    14 h 41, le 01 février 2024

  • D'ABORD, IL FAUT CRIER GARE ET NE PAS SOUS-ESTIMER LE FAIT QUE LE DÉFINANCEMENT DE L’UNRWA VISE À AFFAMER LES PALESTINIENS ET À MENER À BIEN LES PLANS ISRAÉLIENS DE NETTOYAGE ETHNIQUE ! L'extermination des palestiniens qui habitent Israel fait partie d'un plan général conçu et préparé depuis des années ! "Des conclusions doivent être tirées La lutte contre le GÉNOCIDE est une LUTTE contre l’IMPÉRIALISME américain et l'OTAN, dont Israël est le principal AGENT . Washington, Londres etc soutiennent ISRAËL à Gaza pour endiguer l'influence russe et chinoise croissante dans le Sud Global .

    Chucri Abboud

    13 h 05, le 01 février 2024

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