Entamée jeudi, suite à l’adoption de la loi du budget édictant le paiement des taxes sur les salaires des fonctionnaires et employés à un taux proche de celui du marché (environ 89.000 livres libanaises pour un dollar), la grève des auxiliaires de justice se prolongera au moins jusqu’à lundi. La reprise du travail dépend en effet d’une réunion qui se tiendra vendredi entre leurs représentants, le ministre de la Justice, Henri Khoury, et le président de la Caisse mutuelle des auxiliaires de justice, le juge Joseph Tamer.
Il s’agira de la deuxième réunion en quelques jours entre ces mêmes interlocuteurs, dans une tentative de freiner ce mouvement qui a été déclenché pour inciter le gouvernement à remédier à la difficile situation économique des greffiers, ce qui augmente la lenteur, voire la léthargie de la justice.
Dans un communiqué publié mercredi, les représentants des commissions de coordination des auxiliaires avaient affirmé qu’ils venaient de se réunir avec MM. Khoury et Tamer pour « rechercher des solutions adéquates à l’ombre des conditions de vie déplorables ».
Selon les informations de L'Orient-Le Jour, le ministre de la Justice se serait interrogé, durant la réunion, sur l’opportunité de la grève, d’autant que « le gouvernement n’a pas pris de décision quant aux salaires des auxiliaires ». M. Khoury n’a pas répondu à nos sollicitations.
Pour sa part, le juge Tamer a affirmé à L'OLJ que « les pourparlers ont abouti à une promesse faite par le ministre de la Justice de trouver des ressources pour la caisse mutuelle ». « Cela fait deux ans que les montants provenant d’une partie des taxes financières consacrée à l’alimentation de la caisse ne sont plus versés par le ministère des Finances », déplore M. Tamer, constatant que « celle-ci est près de se vider ».
Joint par notre journal, un greffier au Palais de justice de Baabda, qui souhaite garder l'anonymat, indique que son salaire est de 18 millions de livres (environ 200 dollars) ». « La caisse mutuelle me verse aussi 3 millions de livres (35 dollars) par mois, mais cela est loin de me suffire ainsi qu’à ma famille », se plaint-il. Selon une source informée, certains de ses collègues perçoivent des salaires encore plus bas, soit 15 millions de livres (environ 168 dollars), tandis que le traitement d’un greffier en chef atteint au maximum 24,6 millions (environ 275 dollars).
Renflouer la Caisse mutuelle
Un autre auxiliaire de justice assure à L’OLJ que la grève a été observée jeudi par 90 % de ses 1200 collègues à travers toutes les régions. « Les tribunaux, les cours, et les parquets ont cessé de fonctionner. De manière inédite, les audiences de remise en liberté de personnes arrêtées ne se sont pas tenues », affirme-t-il. Il souhaite que les revendications soient satisfaites pour un redémarrage au début de la semaine prochaine, d’autant qu’ « un service public ne doit pas être paralysé ». « Nous espérons que le ministre de la Justice nous fera part vendredi d’assurances sur un prochain renflouement de la caisse mutuelle. Le cas échéant, nous reprendrons le travail en attendant que le gouvernement décide d’augmenter nos salaires ».
Sans représentation officielle et unique, il n’est pas dit que tous décideront de regagner leurs postes lundi. Nombre d’entre eux préfèrent en effet poursuivre leur mouvement pour pousser l'État à ajuster leurs « salaires dérisoires », afin de « faire face aux taxes prévues par la loi du budget », selon la source précitée. Un des représentants des commissions de coordination des auxiliaires estime qu’« un non-respect par certains collègues d’une décision de reprise qui serait adoptée après la réunion avec le ministre n’aura pas un impact significatif sur la marche des tribunaux ».
Selon un avocat habitué des greffes, d'autres auxilliaires de justice sont, au contraire, réticents à observer la grève, d'autant, affirme-t-il sous anonymat, qu'« ils peuvent davantage profiter de cette opportunité et encaisser encore plus de pots-de-vin lorsque leurs collègues suspendent leur travail ». « Depuis le début de la crise économique, même les fonctionnaires parmi les plus honnêtes acceptent d'être payés pour leurs services rendus, leurs salaires étant loin de leur suffire pour tout le mois », ajoute l'avocat.