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Culture - Long-métrage

Après la fin du monde, à Beyrouth

Le Beirut Art Film Festival (BAFF) démarre sa saison hiver-printemps hors festival avec la projection de « After the End of the World » où le réalisateur Nadim Mishlawi met en scène deux architectes et un photographe qui fouillent dans les décombres et la mémoire de la capitale libanaise.

Après la fin du monde, à Beyrouth

L'affiche du film

Le titre en dit déjà long sur le film projeté lundi soir à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) dans le cadre du Beirut Art Film Festival (BAFF). After the End of the World est produit par Abbout Productions et financé par AFAC (The Arab Foundation for Arts and Culture) avec le soutien du « Centre national du cinéma et de l’image animée-fonds d’urgence pour le Liban ». Le film, réalisé par le compositeur et cinéaste Nadim Mishlawi, est construit en 5 chapitres distincts mais qui tous planchent sur l’âme d’une ville, son effacement, sa destruction récurrente et l’attachement qu’on lui voue, sorte de lien inextricable dont découlent un exil tout comme un retour cycliques.

Dans ce docufiction, Beyrouth se raconte à travers des architectes tels que Bernard Khoury et George Arbid, ainsi que le photographe Ziad Antar.

Bernard Khoury entame le récit filmique en décrivant une ville truffée de gens qui se tournent le dos, telle une société qui ne porte pas de projet commun pas plus qu’elle ne vit en communauté. Petit clin d’œil du cinéaste au repli identitaire dont souffre le monde d’aujourd’hui ?

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Khoury dépeint ensuite ce Beyrouth dont l’architecture est totalement chaotique, où tout sens de l’harmonie perd son souffle, Beyrouth à l’architecture fracturée, en déséquilibre perpétuel à l’image de cette ville tellement en mutation qu’elle en perd sa mémoire. Une mémoire qu’il ne faut pas nourrir en tentant de conserver les stigmates de la guerre qu’elle continue de traîner.

« Non, cette mémoire-là perdure en nous », affirme pour sa part George Arbid pour qui s’accrocher à ces carcasses de bâtiments beyrouthins s’apparente plutôt au fétichisme. Arbid, qui est directeur du Centre arabe pour l'architecture, évoque alors dans ATEOTW (After the End of the World) la difficulté de préserver le patrimoine alors que lui s’attelle à rassembler les documents qui lui sont relatifs, afin de pouvoir rénover les bâtisses et perpétuer la mémoire collective menacée par la disparition du tissu urbain au profit de la reconstruction sauvage. Et quand le photographe Ziad Antar fouille dans les plans de la ville, il se frotte à des immeubles abandonnés qui sont là sans vraiment exister.

George Arbid, directeur du Centre arabe pour l'architecture. Photo Farah Kassab

Le film qui a connu une gestation de 8 ans, en partie pour des raisons de financement, a permis à son réalisateur de mûrir le regard qu’il porte sur Beyrouth. Nadim Mishlawi propose une déambulation à travers une ville agitée, hideuse, qui recèle les souvenirs d’une guerre inachevée, un livre dont les chapitres continuent de se construire et où l’anxiété règne en maître. Un film où l’histoire qu’on efface refait surface avec ses fantômes, où l’architecture du pays reflète les divisions de la société. After the End of the World  aborde inévitablement dans son épilogue le cataclysme du 4-Août qui annihile la ville, sorte de cycle infernal qui « annule le futur ». D’ailleurs le film s’achèvera sur ces mots.

Nadim Mishlawi en est le narrateur et fait des allers-retours entre son histoire personnelle et son rapport à cette ville qu’il a dû quitter tout jeune et qu’il compare à Gaza, Bagdad, la Syrie tout en lui conférant une dimension refuge et une sérieuse dose d’amour.

Le réalisateur Nadim Mishlaoui. Photo DR

« L’idée à la base était de faire un faux documentaire mais, avec la production, nous avons décidé de garder la partie fictive parce qu’elle cadrait avec le concept de la mémoire, de l’imaginaire, du réel et du fil ténu qui les sépare », raconte le réalisateur. « Je pense qu’en dépit de cette subtilité, le procédé a été bien intégré », ajoute Mishlawi dont c’est le second long-métrage. Il explique que pour Sector Zero, son premier opus, il avait déjà enregistré de nombreuses séquences avec Bernard Khoury dont le propos n’était pas pertinent pour le film, d’où l’idée d’en faire un autre sur la ville. « J’avais, comme de nombreuses personnes, un rapport très précaire à la ville qui se devait d’être exploré », indique-t-il. « Je pose de nombreuses questions dans le film sur la façon dont nous appréhendons notre chez-nous, et je crois que c’est pourquoi d’autres publics dans le monde parviennent à s’identifier avec le film surtout ceux qui viennent de pays connaissant une trajectoire mouvementée. En fait, je cherche moins à trouver des réponses que lancer le débat », relève le jeune cinéaste libanais.

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« Quand vous venez d’un pays comme le nôtre, la mémoire joue peut-être un autre rôle. Nous n’avons pas d’histoire consensuelle et nos clivages font que chacun d’entre nous a sa propre vision de la ville, alors quand il s’agit de se souvenir d’événements particuliers, nous n’essayons pas seulement de revenir sur la relation que nous entretenons avec ces souvenirs, mais nous suscitons un doute qui peut être aussi intéressant qu’inquiétant. Pour moi, il est plutôt préoccupant, je tente à travers le film de sublimer ce sentiment pour l’exorciser », détaille-t-il.

Le film a permis à Nadim Mishlawi , qui avoue ne rien comprendre à l’architecture, de se familiariser avec quelques notions d’urbanisme, d’où la présence des architectes dont le rôle est de fournir des éléments essentiels à la composition du long métrage.

« Le film, qui est plutôt sombre, reflète l’état du monde où l’exil est de plus en plus fréquent, la conception qu’on peut avoir du conflit et les souvenirs qu’on garde quand on a grandi avec la guerre », affirme l'artiste pour lequel ces souvenirs, justement, ne sont pas tous mauvais : « Toutes les questions qui interrogent ce qui fait qu’un souvenir est bon ou mauvais se sont imposées à moi », conclut Nadim Meshlawi.

After the End of the World ou comment gérer une situation après sa survenue, voire une catastrophe qui pourrait ressembler à la fin du monde alors qu’il continue d’exister, comment apprivoiser les souvenirs qu’elle engendre et qu’on essaie de dépasser, a reçu la mention spéciale du jury de Sheffield DocFest en 2022. Il est projeté lundi 22 janvier au Bathish Auditorium du West Hall à l’AUB à 17h. Le film est en langue arabe et sous-titré en anglais.

Entrée libre. Réservation obligatoire sur le site beirutartfilmfestival.org

Le titre en dit déjà long sur le film projeté lundi soir à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) dans le cadre du Beirut Art Film Festival (BAFF). After the End of the World est produit par Abbout Productions et financé par AFAC (The Arab Foundation for Arts and Culture) avec le soutien du « Centre national du cinéma et de l’image animée-fonds d’urgence pour le Liban ». Le...

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Superbe

Abdallah Barakat

14 h 50, le 22 janvier 2024

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  • Superbe

    Abdallah Barakat

    14 h 50, le 22 janvier 2024

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