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Culture - PORTRAIT

Quand Ziad Najjar se réveille… sur les planches beyrouthines

Il présente depuis vendredi 19 janvier « We3itéh ? » au District 7. Une pièce qu’il a lui-même écrite, mise en scène, et dont il interprète les divers personnages. Coup de projecteur sur un (pas tout à fait) nouveau venu dans l’univers du théâtre libanais.


Quand Ziad Najjar se réveille… sur les planches beyrouthines

Ziad Najjar, un producteur-réalisateur désormais aussi auteur et comédien. Photo DR

C’est un enfant de la balle. Un artiste qui a hérité de son père la passion de la scène et du septième art. Des domaines artistiques dans lesquels Ziad Marwan Najjar se lance aujourd’hui, à l’aube de la quarantaine, avec l’enthousiasme de celui qui entame une deuxième vie.

On l’a découvert il y a quelques mois dans Un ennemi du peuple, la pièce de l’auteur norvégien Henrik Ibsen adaptée en arabe et mise en scène avec succès par Lucien Bourjeily. Il y campait le personnage principal : un médecin idéaliste révolté contre la corruption et l’affairisme des élites politiques, promoteurs malintentionnés d’une pseudo-station thermale. Silhouette nerveuse, cheveux sel et poivre, regard noir frontal, Ziad Najjar s’était si bien glissé dans les bottes de ce Dr Thomas Stockmann qui se bat en solitaire contre le pouvoir établi que l’on s’était dit qu’il ne pouvait s’agir d’un rôle de totale composition. Et que cet utopiste intransigeant qu’il incarnait n’était sans doute pas très éloigné de sa propre personnalité. Une présomption qui, sans mettre en doute son talent d’acteur, se confirmera au fil d’une discussion avec lui dans les coulisses du filage de We3itéh ? (Tu t’es réveillée ?) la pièce qu’il a écrite, mise en scène et qu’il joue au District 7 durant trois semaines depuis le vendredi 19 janvier*.

Ziad Najjar dans le rôle du Dr Thomas Stockmann dans la pièce "Un ennemi du peuple". Photo Zahraa Almasri

Un « seul-en-scène » de 50 minutes dans lequel il « marie le pessimisme et l’optimisme à travers les messages portés par les différents personnages, aux profils et âges divers mais aux vies toutes traversées par les aléas de la guerre, des crises ou de l’explosion au port de Beyrouth », dit-il sans vouloir en révéler plus. Des personnages qu’il a imaginés à partir d’histoires glanées de la réalité et qu’il incarne en solo, passant de l’un à l’autre avec une habilité de transformiste et une interprétation convaincante.

Lui-même a eu un parcours impacté par les contingences libanaises. Une carrière de producteur et réalisateur en dents de scie entre le Liban et l’Arabie saoudite. Sauf que lui s’est réveillé un beau matin avec l’envie de renouer avec sa nature profonde avant qu’il ne soit trop tard.

 Le tournant d'une nouvelle vie

Né en 1982, ce diplômé en master d'études cinématographiques de l’ALBA débute sa carrière auprès de son père Marwan Najjar, célèbre scénariste, metteur en scène et réalisateur de pièces et sitcoms libanais. Il commence par être régisseur et producteur de théâtre avant de passer à la réalisation de téléfilms (parmi lesquels il cite Sabet We Nabet sur la chaîne al-Jadeed, 3ayléh mat3oub A3laya sur la MTV ou encore Wassiyat Ab sur la chaîne al-Manar). Alors que tout roule pour lui,  mû par une certaine exigence envers lui-même, Ziad Najjar décide de sortir de sa zone de confort pour collaborer avec d’autres producteurs. « Cela a été une mauvaise expérience. Tous ceux avec qui j’ai travaillé n’avaient pas le professionnalisme et l’amour du métier de Marwan Najjar », avance-t-il sans langue de bois, mais sans vouloir pour autant citer de noms. En 2009, il s’envole pour l’Arabie saoudite où il repart de zéro, travaillant en tant que cameraman, avant de récupérer graduellement ses casquettes de producteur et de réalisateur de films publicitaires et d’entreprise.

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En 2018, alors qu’il vient juste de fonder avec un associé une boîte de production, des « accusations politiques » de financement occulte du Hezbollah les obligeront à mettre la clé sous la porte. Qu’à cela ne tienne, Ziad Najjar fait front à l’adversité et ouvre un an plus tard sa propre agence de films dont l’activité sera, elle aussi, stoppée au bout de quelques mois… Pour cause d’irruption du Covid cette fois.

Plutôt que de désespérer, il profite de ce temps mort pour retourner au pays du Cèdre où il s’immerge dans la lecture assidue d’ouvrages sur le théâtre et le cinéma. Une manière de nourrir son esprit, sa créativité et sa culture.


Ziad Najjar dans l'une des scènes de We3itéh? . DR

Une fois la pandémie mondiale résorbée, Ziad Najjar reprend les rênes de sa boîte en Arabie saoudite, mais sur un mode moins intensif. Car s’il tient à poursuivre cette activité professionnelle pour les revenus qu’elle lui procure, le quarantenaire a déjà entamé le tournant de sa nouvelle vie. « Cette parenthèse du Covid m’a fait réaliser qu’il fallait que je change de cap », confie-t-il à L’Orient-Le Jour. « Je désirais me consacrer désormais en priorité à mon fils de 7 ans et à mon accomplissement personnel. J’ai donc choisi de rester au Liban pour me dédier pleinement à mes passions. A commencer par la trilogie : écriture dramaturgique et scénaristique, actorat et réalisation de films/téléfilms », dit-il…

Dans les pas de Marwan Najjar ?

En somme, Ziad Najjar veut mettre ses pas dans ceux son père, décédé il y a tout juste un an et dont il voudrait, entre autres, revivifier le répertoire. Une filiation dont il tire fierté même si elle s’avère parfois difficile à assumer dans les castings. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’étiquette de « fils de... » n’est pas toujours un sésame. Être le fils du fameux Marwan Najjar a même souvent joué en ma défaveur, jusqu’à ce que je tombe sur Lucien Bourjeili qui n’a pas ce genre d’a priori. Il m’a donné ma chance comme à n’importe quel autre comédien. Et je lui en suis extrêmement reconnaissant. »

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Pour celui qui a tenu durant sa jeunesse quelques petits rôles dans les productions de son père, il s’agissait là d’une première expérience de jeu en tant qu’adulte. « J’appréhendais l’accueil du public, mais son enthousiasme m’a conforté dans mon désir de me produire sur les planches. » Au point de l’inciter à se lancer aussitôt dans l’écriture de son seul-en-scène ? « En réalité, c’est une amie, Randa Farah, avec qui j’écume les pièces de théâtre, qui m’a poussé à le faire. Le 6 décembre, elle est venue me dire qu’elle m’avait réservé à partir du 19 janvier et pour 3 semaines la salle de District 7 pour que j’y présente un spectacle. J’ai relevé le défi. Je me suis attelé à mon bureau durant 4 jours et 4 nuits pour écrire We3itéh ? dont la trame, je l’avoue, me trottait en tête depuis un certain temps. Depuis, je répète sans arrêt. Je ne veux pas décevoir les spectateurs, que j’invite d’ailleurs à partager leurs ressentis au cours du débat qui aura lieu après chaque séance », déclare-t-il.

Désormais auteur, acteur, metteur en scène, mais aussi fondateur-animateur du très actif ciné-club Monday Movie Mania à Hamra**, cet homme très tourné vers les échanges et les interactions avec les gens ne craint visiblement pas d’aller trop vite en formulant le souhait de jouer dans un film de Nadine Labaki. Dans cette nouvelle vie qui s’offre à lui, Ziad Najjar entame les virages sur les chapeaux de roues. Normal pour ce fan de formule 1, une autre de ses passions qui l’a conduit à lancer également son propre canal de commentaires de courses automobiles sur YouTube baptisé 3af1…

*« W3itéh » de Ziad Najjar au District 7, du vendredi 19 janvier au 11 février, de jeudi à dimanche, à 20h. Billets en vente chez Antoine.

**Les séances de ciné-club Monday Movie Mania ont lieu chaque lundi à 18h au café On Board à Hamra, rue Bliss.

C’est un enfant de la balle. Un artiste qui a hérité de son père la passion de la scène et du septième art. Des domaines artistiques dans lesquels Ziad Marwan Najjar se lance aujourd’hui, à l’aube de la quarantaine, avec l’enthousiasme de celui qui entame une deuxième vie. On l’a découvert il y a quelques mois dans Un ennemi du peuple, la pièce de l’auteur norvégien Henrik...

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