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Culture - Concert

Jonathan Fournel au piano, une perfection sans faille

L'un des moments phares du Festival Beirut Chants a été offert par le pianiste français à l'Assembly Hall (AUB). 

Jonathan Fournel au piano, une perfection sans faille

Le prince du clavier Jonathan Fournel en concert pour Beirut Chants. Photo Hasan Assal

« Ô Beethoven, Beethoven, quelle âne tu fais ! »

C’est en allant faire une visite au facteur d’instrument Streicher que Beethoven trouva sa fille Nanette qui s'appliquait à jouer ses trente-deux Variations. Ne se souvenant pas qui les avait composées ou écrites, il lui demanda de qui était cette musique. « Mais de vous, cher maître. » « De moi, s'écria-t-il tout atterré, de moi cette infâme stupidité ? » Et il eut cette réflexion.

Ces 32 Variations sur un thème original, W.o.O.80, Werke ohne Opuszahl (en français œuvre sans numéro d'opus), datent de 1806.

Pour mémoire

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Œuvre absolument charmante, très diversifiée, et Jonathan Fournel, dès les premiers accords de son concert à l'Assembly Hall dans le cadre du Festival Beirut Chants, a su retenir notre attention avec sa grâce discrète, ainsi que la tendresse et le piquant qui entourent ses variations, de la sonorité haendélienne qui en émane à l'ample lyrisme et à la grandeur qui découlent de ce thème original en ut mineur. Partout se déploie le simple phrasé, le même élan toujours renouvelé, la même finesse, la même profondeur de sentiment et d'une recherche constante de la couleur sonore. Pauvre petite sonate sans un troisième mouvement, surtout qu'elle est coincée entre la Waldstein et l’Appassionata.

Cette sonate inconnue de l'opus 54 ne fait pas le poids. Deux mouvements seulement et à peine dix minutes. Un journal de l'époque l'avait qualifié de « chant de grillon ». Vif et spirituel, le style est d'une perfection sans faille, en s'appuyant sur une autorité et une puissance sans recours à la dureté. Jeu éblouissant dans le final, limpide et contrasté, dynamique aussi, qui fait merveille dans cette gentillette petite sonate. Ne connaissant que la version de Krystian Zimerman, j'ai tout de suite été envoûté et séduit par cet épigraphe poétique Andante doloroso rubato qui précède le thème Andantino semplice et les dix variations qui suivront.

Miracle d'interprétation, morceau hérissé d'embûches que notre pianiste fait ressortir dans une magnifique coulée de lave où l'on croirait entendre Chopin, Liszt ou encore Scriabin. Constamment, le discours est renouvelé, mais écoutez donc les basses à la fin de la septième variation et, mon Dieu, le début de la septième Marche funèbre, avec aussi ces basses rugissantes et gonflantes d'une noirceur hallucinée. Un Karol Szymanowski hallucinant.

Pause. Ouf ... On le sait, le Prélude, fugue et variations de César Franck fut écrit pour orgue. Ici, Jonathan Fournel met tour à tour en lumière la prière et l'exaltation, sans jamais se laisser aller au pathos ou à la virtuosité ostentatoire.

Sa sobriété nous émeut, et même sa rigueur lui font rejeter l'exhibition personnelle à laquelle tant d'autres artistes ne peuvent s'empêcher de sacrifier dans cette partition si passionnée. Et voici la Fantaisie du voyageur, Wanderer Fantasy de Franz Schubert. Quel beau titre, qui vient d'une partie de son Lied der Wanderer, que Schubert a inséré dans l'adagio. Splendeur du son, modèle de maîtrise expressive et sonore, la clarté des plans et de diction est stupéfiante, son fini pianistique prodigieux. Œuvre géniale, forte et grandiose qui a besoin d'un pianiste en pleine possession de ses moyens techniques, galvanisé par une énergie bouleversante, c'est Jonathan Fournel dans cette fantaisie. D'entrée de jeu, il s'affirme dans un autre style que les œuvres précédentes. L'expression est plus fortement accusée et plus intense. Cela ne nuit nullement dans l'épisode lent et à la force d'une émotion concentrée. C'est dans cette alliance d'une énergie farouchement beethovenienne et d'une sensibilité où se fondent tous les élans et les courants les plus profondément créateurs du romantisme que résident la beauté et la grandeur inséparables dans cette œuvre gigantesque.

À preuve, la fugue finale d'un aplomb, d'une vaillance et d'un souffle admirables. Admirable récital, et merci, monsieur, d'avoir terminé avec ce divin Prélude en si mineur de Bach, Siloti, qui nous a permis de partir dans la sérénité, la paix et le recueillement. 

« Ô Beethoven, Beethoven, quelle âne tu fais ! »C’est en allant faire une visite au facteur d’instrument Streicher que Beethoven trouva sa fille Nanette qui s'appliquait à jouer ses trente-deux Variations. Ne se souvenant pas qui les avait composées ou écrites, il lui demanda de qui était cette musique. « Mais de vous, cher maître. » « De moi, s'écria-t-il tout atterré, de moi...

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