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Culture - Entretien

Jonathan Fournel : Beyrouth, c’est revenir à ce pour quoi on fait de la musique

Le 21 décembre, le pianiste français donnera un concert à l’Assembly Hall de l’AUB dans le cadre de la 16e  édition du festival Beirut Chants.

Jonathan Fournel : Beyrouth, c’est revenir à ce pour quoi on fait de la musique

Jonathan Fournel. Photo tirée de son site internet

« Moi, à 7 ans, je voulais faire du trombone. » Le 21 décembre, Jonathan Fournel, pianiste français et lauréat du prestigieux prix Reine Élisabeth de Belgique en 2021, donnera un concert à l’Assembly Hall de l’AUB dans le cadre de la 16e édition du festival Beirut Chants. Un an presque jour pour jour après sa première venue à Beyrouth, celui qui réside désormais à Bruxelles l’admet. « La situation était meilleure la dernière fois ; mais c’est peut-être aussi cela qui pousse à vouloir venir. » Le chemin qu’a emprunté Jonathan Fournel il y a désormais 23 ans ne le prédestinait pas naturellement à atterrir au Liban.

Le piano, un peu par hasard

Originaire de l’Est français, formé entre Strasbourg et l’Allemagne, à Saarbrücken, il intègre quelques années plus tard le Conservatoire national supérieur de Paris, après avoir commencé le piano un peu par hasard, parce qu’« il y en avait un à la maison » : « comme un enfant un peu curieux, j’ai posé mes doigts sur le clavier. » Des années plus tard, Jonathan Fournel participe au prestigieux concours de la Reine Élisabeth de Belgique. Nous sommes en 2021, alors que la pandémie impose des restrictions sévères, notamment l’absence de public lors d’événements. « Tout était filmé et retransmis en direct, ça n’était pas très drôle », se souvient-il. Le moment de l’annonce des résultats, des mots de l’artiste, reste unique, trois à cinq minutes durant lesquelles le passage d’une vie à l’autre semble se faire. Le reste « était déjà une autre vie, et je savais que je n’allais pas retourner à celle d’avant ».

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Comme « happé par une vague », le pianiste enchaîne les concerts et événements, prépare des programmes en seulement quelques jours, répond aux demandes d’interviews qui n’arrêtent pas. « Je suis passé d’une période où il n’y avait rien, à “il faut répondre avant demain” », lâche-t-il dans un rire. Avec la notoriété, arrive un agent, qui aidera à se ménager aussi, ça et là, des moments de pause, « dont on a tous évidemment besoin ». Préparer une œuvre, c’est s’y consacrer durant deux mois ; elle sera ensuite jouée au gré des engagements, pendant parfois deux ans. Le plaisir et l’envie sont essentiels, notamment dans l’élaboration d’un programme présenté en public plusieurs événements durant.

Un programme classique et romantique

Celui qui sera joué à Beyrouth relève assez peu du hasard. Fils d’un organiste et improvisateur, Jonathan Fournel jouera durant un peu plus d’une heure des œuvres parfois initialement composées pour l’orgue et non pas pour le piano. D’autres, les variations, constituent l’essence même de l’improvisation. Classique et romantique, de prime abord. La pièce centrale du programme, les variations sur un thème polonais op.10 de Szymanovski, proposant des atmosphères avec une écriture parfois organique, parfois orchestrale, se rapproche ainsi de celle de Franck, dont le prélude, la fugue et la variation étaient initialement composés pour l’orgue. Improvisateur par excellence, il semblait également naturel d’inclure Beethoven avec ses 32 variations en ut mineur WoO80, ainsi qu’une sonate, la numéro 22 en fa majeur op.54, une des moins connues : un condensé « des Beethoven dramatique, romantique, religieux et orchestral ». Le programme prend fin avec la fantaisie du marcheur D760 de Schubert, un Schubert plus classique que romantique, davantage virtuose, bien loin des impromptus qu’on peut lui connaître. Un programme peut-être simplement influencé par « ce que j’ai pu entendre étant plus jeune », confie l’artiste.

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La simplicité d’abord, c’est ce qui semblait notamment avoir touché Jonathan Fournel lors de sa dernière venue à Beyrouth : le public libanais, de ses propres mots, prenait cet événement musical « de la façon la plus simple possible », écoutant avec plaisir, sans a priori, « ouvrant son cœur » uniquement pour « prendre ce qu’il souhaite du concert. » Connaisseurs ou pas, « j’avais adoré cette sensation entre la musique, les auditeurs et moi ». Et c’est l’idée même de la revivre qui lui plaît. La curiosité ensuite, d’un public qui cherche « à voir à quoi ressemble un tel événement », « ce qu’il peut y ressentir », ces sensations qu’un artiste parvient à toucher par un intense silence qui traverse l’audience, une attention alors palpable. Un réel paradoxe dans un pays où tout n’est que bruit. Ce qui émeut Jonathan Fournel chez le public libanais semble finalement être ce qui l’a poussé à devenir le pianiste qu’il est aujourd’hui : commencer un instrument par curiosité, continuer la musique simplement pour toucher.

« Un retour à pourquoi la musique a été créée »

En attendant un potentiel troisième passage au Liban, qu’il souhaite plus long pour pouvoir « visiter les alentours et s’imprégner du lieu », Jonathan Fournel est d’ores et déjà heureux d’y revenir. « C’est un retour au pourquoi la musique a été créée, pourquoi on a envie d’en écouter » : pas seulement pour des salles de concert, pour un certain public, mais simplement pour « faire plaisir aux gens ».  L’objectif sera, une heure durant et grâce à la musique, « de penser à autre chose, de sortir du quotidien. » En 2024, Jonathan Fournel débutera l’année par une tournée au Japon. Deux albums verront le jour, et suivront de nombreux événements dans des salles de concert où il admet n’avoir jamais pensé qu’il jouerait. Et le trombone, dans tout cela ? « Je n’y aurais jamais touché ! »

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