Célébrer les fêtes loin du chaleureux cocon familial n’est jamais agréable. Pourtant, ils sont nombreux à choisir de rester loin des leurs en cette période, pour privilégier leurs études ou leur travail ou encore pour économiser leur argent afin de pouvoir se loger ou se nourrir. « Je reste ici pendant les vacances parce qu’il faut d’abord que je me prépare pour mes partiels prévus en janvier. Rentrer au pays durant les fêtes ne va pas m’aider », confie Charbel Nassar, étudiant en deuxième année de pharmacie à l’Université d’Angers. Originaire de Deir Dourit, dans le Chouf, le jeune homme, dont les parents financent jusqu’à présent les études, estime par ailleurs que le tarif des billets d’avion constitue un frein majeur à un retour au bercail. « Les vols sont devenus assez chers », estime-t-il, soulignant au passage que la décision de réveillonner au Liban dépend en partie du budget. Actuellement, Charbel Nassar ne s’accorde qu’une pause estivale et des vacances entre février et avril. Cependant, il garde espoir : « Dès l’année prochaine, je pourrai commencer à travailler dans une officine, la situation sera moins compliquée », espère cet étudiant de 19 ans. D’ici là, il se contentera de célébrer Noël aux côtés de sa sœur dans le Pays de la Loire. Installé depuis octobre 2022 en France, plus précisément dans l’Essonne, Jad Karam poursuit un MBA à l’École supérieure de commerce et de marketing-ISTEC à Paris. Résolu à parachever sa formation et à intégrer le marché de l’emploi le plus tôt possible, le jeune homme a, depuis son expatriation, enchaîné études et stage sans répit et sans pause ni vacances, y compris pour Noël et la fin de l’année.
« L’instabilité sécuritaire au Liban n’a en aucun cas influencé ma décision de rester en France lors des vacances. Le pays a été toujours instable, nous sommes habitués à la situation », affirme ce natif d’Amioun qui, avant de s’établir dans l’Hexagone, travaillait comme infirmier dans une unité de soins critiques. « Je refuse de rentrer tant que je n’aurai pas décroché mon diplôme et trouvé un poste solide dans une entreprise de renom, lance-t-il. Mon retour au Liban sera une affirmation, un cri de victoire, un « J’ai réussi ! » que je veux pouvoir proclamer avec fierté. » Mais comment célébrera-t-il le réveillon cette année ? « Noël loin de la famille, sans sapin, sans dîner en famille, sans les rires des cousins et des proches, n’est pas Noël. Je vais passer Noël en vaquant à mes occupations habituelles, comme lors de tous les week-ends », répond-il avec une pointe de regret dans la voix.
Christelle Melky s’est expatriée à Paris il y a plus de trois mois. Inscrite à Paris I Panthéon Sorbonne pour poursuivre un master en monnaie, banque, finance, assurance (MBFA), elle donne déjà des cours de flûte pour s’assurer un revenu, sachant que ses parents financent jusqu’à présent ses ambitions et ce, en dépit de la précarité de la situation au Liban. Si cette jeune femme de 21 ans célébrera Noël loin des siens, elle envisage néanmoins de rentrer pour une dizaine de jours, dès le 26 décembre. « Les billets de la MEA, d’Air France et de Transavia oscillaient entre 1 000 et 3 000 euros », précise-t-elle. « La plupart d’entre nous avons patienté avant de réserver en raison de l’instabilité sécuritaire, en attendant de voir de quel côté va pencher la balance. Certains ont même annulé leurs vols », ajoute-t-elle, soulignant que les tarifs des billets ont chuté avant de flamber de nouveau.
Retrouver d’autres expatriés pour se sentir moins seul
C’est loin de Zahlé, sa ville natale, que Nicolas Maalouf célébrera les fêtes. Installé à Paris depuis 2021, le jeune homme poursuit une formation en ingénieur BTP (bâtiment et travaux publics) en alternance à l’École d’ingénieurs de Nanterre. Il estime que les Libanais qui ont les moyens rentreront au pays pour les fêtes quelle que soit la situation. Contraint d’ajourner ses propres vacances jusqu’à l’été 2024, l’étudiant assure avoir consulté les tarifs. « Le billet aller-retour sur Transavia est de 1 400 euros. Franchement, c’est une somme non négligeable « qui fait mal » », dit-il. S’estimant mieux loti que les autres, il confie : « Je suis en alternance et je suis donc payé, mais je me demande ce que les autres jeunes Libanais vont faire. Et d’ajouter : Il nous est impossible de réserver à l’avance car on ne sait même pas quand nous aurons des vacances. » Même son de cloche pour Jana el-Amin qui retrouvera des cousins expatriés lors des fêtes, pour se sentir moins seule durant cette période festive.
En France depuis plus d’un an, cette étudiante en études doctorales de sciences politiques à l’Université catholique de Lille, avoue avoir hésité à rentrer dans son village natal à Lebaa-Jezzine par peur d’y être bloquée dans le cas d’une détérioration de la situation sécuritaire au Liban-Sud. « Ce n’est pas que j’ai peur de rentrer mais je viens d’entamer mes études et de régulariser mes papiers, et vu la situation, je ne souhaite pas prendre de risque et rater cette opportunité », indique-t-elle. « On ne sait jamais, s’ils décident de suspendre des vols ou de fermer l’aéroport. D’ailleurs, il y a quelques jours, ce dernier a été complètement inondé… » Contrainte d’annuler ses plans de vacances, elle ne cache pas sa colère quant à l’envolée des prix des billets à destination de la capitale libanaise. « Le billet pour Dubaï ou la Jordanie est moins cher que celui pour Beyrouth. Il est même possible de voler moins cher pour le Canada que pour Beyrouth. C’est inadmissible ! » déplore-t-elle. « Il faudrait que le transporteur national propose des tarifs spéciaux pour les étudiants. Je ne comprends pas d’ailleurs suivant quelle logique économique il opère », conclut-elle.
Courage a vous tous!
10 h 41, le 21 décembre 2023