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Lifestyle - PATRIMOINE

Notre-Dame de Paris, à un an de la réouverture

Derrière les échafaudages, la flèche se devine au sommet, grande aiguille du temps qui défile : le 8 décembre 2024, la cathédrale ravagée par un incendie en 2019 doit rouvrir.

Notre-Dame de Paris, à un an de la réouverture

Les échafaudages et la charpente de la nouvelle flèche de la cathédrale Notre-Dame se dressent, alors que les travaux de restauration se poursuivent. Stéphanie Lecocq/Reuters

Parisiens et touristes – 12 millions de visiteurs en moyenne chaque année avant le sinistre – ont les yeux dans les cieux en passant devant ce chef-d’œuvre de l’art gothique édifié entre les XIIe et XIVe siècles. L’année prochaine sera capitale.

Au-delà du 5e anniversaire de l’incendie le 15 avril, la flèche et la silhouette de la cathédrale – enserrées par des échafaudages et veillées par des grues – sont espérées dans le paysage des JO de Paris (26 juillet-11 août). Et la date du 8 décembre 2024 est fixée pour la réouverture de ce monument, associé dans le monde entier à Paris, au même titre que la tour Eiffel. Le calendrier a été posé par Emmanuel Macron, promettant au lendemain du sinistre dans une allocution télévisée de rebâtir « la cathédrale plus belle encore (...) d’ici à cinq années ». Le président fera une visite de chantier vendredi, à J -365, la première sans « son général », a confié son entourage, en référence à l’ancien chef d’état-major des armées Jean-Louis Georgelin, responsable de la reconstruction, décédé accidentellement cet été. « Nous sommes dans les temps, nous sommes confiants et déterminés, mais ça reste une bataille de tous les jours, comme aurait dit le général Georgelin », a indiqué récemment sur BFM Business Philippe Jost, haut fonctionnaire et bras droit M. Georgelin pour Notre-Dame, qui lui a succédé.

Des ouvriers travaillant sur des échafaudages autour de la structure en bois de la nouvelle flèche, sur l’île de la Cité. Julien De Rosa/AFP

Dons de 848 millions d’euros

La flèche, identique à la précédente, conçue par l’architecte du XIXe siècle Eugène Viollet-le-Duc et qui s’était effondrée dans l’incendie, devient le marqueur des progrès de la reconstruction. Depuis la semaine passée, sa forme se distingue derrière le corset de métal où les charpentiers travaillent. « Cette flèche aura atteint ses 96 mètres dans le ciel de Paris à la fin de l’année 2023, ce qui a été vu (récemment), c’est la montée de la partie sommitale en bois de chêne de la flèche », a détaillé Philippe Jost sur BFM Business. Après « quelques étapes dans les jours qui suivront pour atteindre 96 mètres », viendra « la couverture en plomb pour que l’échafaudage, qui masque en bonne partie la flèche, puisse redescendre ». Après le temps des couvreurs, viendra « un temps moins spectaculaire mais essentiel à l’utilisation de la cathédrale, celui de l’équipement électrique qui a commencé l’été dernier et va beaucoup nous occuper jusqu’à l’été prochain ». L’installation du mobilier liturgique est prévue « dans le courant de l’automne 2024, juste à temps pour la réouverture ». Cette restauration, qui « a un caractère exceptionnel », a été « entièrement financée » par des dons de France et de l’étranger à hauteur de 848 millions d’euros, insiste Philippe Jost. À l’heure des réseaux sociaux, la planète avait pu voir en direct la flèche se briser dans les flammes le 15 avril 2019. Et a pu suivre les aléas, polémiques et avancées de sa renaissance.

Chemin de croix

La reconstruction fut un chemin de croix dès le début : chantier retardé à l’été 2019 par des mesures contre la contamination au plomb, intempéries en fin d’année bloquant les travaux, puis mise en sommeil infligée par la combinaison Covid-19/crise sanitaire/confinement au printemps 2020. Sans oublier des debats houleux. Le plus emblématique :

fallait-il reconstituer la flèche à l’identique, vœu de l’architecte chargé de Notre-Dame, ou s’offrir une audace architecturale, souhait de l’exécutif ? La première option, privilégiée par une majorité de Français, l’emportera. Chaque région française, ou presque, a porté sa pierre à l’édifice. En juillet, une répétition générale du montage du premier étage de la flèche s’est déroulée à Briey (Meurthe-et-Moselle), base de l’atelier où sont conçues les pièces de bois de la charpente. À Hagetmau, petit bourg des Landes, une menuiserie familiale fêtera ses 60 ans l’an prochain en livrant la commande la plus prestigieuse de son histoire : les 1 500 chaises destinées à la cathédrale. De quoi renouer avec 2 500 offices et 150 concerts par an. Quatre ans après l’incendie, les investigations menées par trois juges d’instruction se poursuivent pour déterminer l’origine du sinistre. Au terme de l’enquête préliminaire, la piste accidentelle était privilégiée.

Philippe GRELARD/AFP

Cinq faits à redécouvrir

Entrepôt de vin

À la Révolution française, la cathédrale devient propriété de l’État qui n’hésite pas à s’en servir. Un Te Deum y est entonné le 25 septembre 1792 pour célébrer l’avènement de la République. Avec l’abolition du culte catholique en 1793, Notre-Dame devient un « temple de la Raison », avec son autel dédié à la déesse Raison. Les statues des rois et des saints de la façade sont décapitées. Des cultes laïques y sont célébrés. Robespierre fait voter en 1794 l’existence d’un « Être suprême » dont le culte se passe des édifices religieux. Les fêtes sont célébrées dehors. Décatie, la cathédrale devient un dépôt de vin pour l’armée.

Sauvée par un roman

Lorsque le roman Notre-Dame de Paris paraît en 1831, l’opinion réalise la décrépitude du joyau gothique. Révolution, pillages, incendies... le vaisseau de pierre n’est plus que l’ombre de lui-même. Les autorités songent à abattre le bâtiment en ruine. « Si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant des dégradations, des mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument (...) », écrit Victor Hugo. Sous sa plume, une émotion collective naît pour cette église personnifiée en une femme avec un corps de chair et de pierre. Le succès du livre est à l’origine de la création en 1834 du service des monuments historiques qui nommera Eugène Viollet-le-Duc comme architecte chargé de sa rénovation. Le chantier durera plus de 20 ans et conférera à la cathédrale l’aspect qu’on lui connaissait avant le drame de 2019.

Des chimères pas si médiévales

Si les gargouilles qui ornent les gouttières de Notre-Dame datent du Moyen Âge, les chimères, elles, ont été ajoutées par Viollet-le-Duc. Singe, homme sauvage, dragon, pélican... Ces créatures fantastiques inspirées des caricatures d’Honoré Daumier observent Paris de leur œil mauvais depuis la balustrade supérieure. L’une d’elles, le Stryge, sorte de vampire ailé, cornu et tirant la langue, figure parmi les symboles de la ville. Ces chimères sont aussi le reflet du regain d’intérêt pour le Moyen Âge. Le pays est en pleine révolution industrielle, mais l’architecte reprend des techniques de construction médiévales et crée de nouveaux éléments, comme ces chimères et la flèche qui a disparu dans l’incendie du 15 avril 2019.

La flèche deux fois conquise

Constituée de 500 tonnes de bois, recouverte de 250 tonnes de plomb et culminant à 96 mètres de haut, la flèche de Notre-Dame est un défi architectural. Mais aussi un sommet par deux fois conquis.

Le 19 janvier 1969, des militants communistes suisses hissent un drapeau nord-vietnamien à son sommet et en sabotent l’accès. L’image est publiée dans le New York Times et Life Magazine. Il faut un pompier hélitreuillé pour parvenir à l’enlever. Les activistes ont révélé leur forfait 54 ans après dans un livre, Le Vietcong au sommet de Notre-Dame. Même scénario le 3 octobre 1972 : lors d’un rassemblement de soutien aux militants du Front de libération de la Bretagne, des autonomistes parviennent à accrocher un drapeau au même endroit, nécessitant à nouveau l’envoi d’un hélicoptère pour le décrocher.

2 000 chênes

Après de longs débats, le gouvernement s’est engagé à reconstruire à l’identique la charpente médiévale de Notre-Dame, surnommée la « forêt ». En février 2023, le dernier des quelque 2 000 chênes nécessaires au chantier est abattu dans l’Orne (nord-ouest de la France). Identifiés parfois par drone, les troncs ont été coupés, mis à sécher 12 à 19 mois puis transportés vers les charpentiers qui suivent les plans de Viollet-le-Duc.

Raphaëlle PICARD, Émilie BICKERTON/AFP

Parisiens et touristes – 12 millions de visiteurs en moyenne chaque année avant le sinistre – ont les yeux dans les cieux en passant devant ce chef-d’œuvre de l’art gothique édifié entre les XIIe et XIVe siècles. L’année prochaine sera capitale. Au-delà du 5e anniversaire de l’incendie le 15 avril, la flèche et la silhouette de la cathédrale – enserrées par des...

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