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Monde - ÉCLAIRAGE

Aux États-Unis, la hausse du racisme anti-Arabes sur fond de guerre à Gaza

Depuis le 7 octobre, le nombre d’actes islamophobes a bondi dans le pays, largement divisé sur le conflit israélo-palestinien.

Aux États-Unis, la hausse du racisme anti-Arabes sur fond de guerre à Gaza

Des supporters propalestiniens lors d’une manifestation organisée près du consulat général d’Israël à New York, le 9 octobre dernier. Adam Gray/AFP

« Je ne suis qu’une victime parmi d’autres dans ce conflit beaucoup plus vaste. » Depuis le département des soins intensifs de l’hôpital où il est soigné, Hicham Awartani a fait parvenir ces mots, lundi, à des associations propalestiniennes de l’Université Brown où il étudie. Ce jeune Américano-Palestinien de vingt ans a reçu deux jours plus tôt une balle dans la colonne vertébrale. Mais pas question d’en faire un incident isolé. Il rappelle, à travers son témoignage, les maux des Palestiniens de Gaza et des territoires occupés : « Lorsque vous prononcerez vos vœux et allumerez vos bougies aujourd’hui (en marge d’une veillée organisée à l’Université Brown lundi, NDLR), vous ne devrez pas vous concentrer sur moi en tant qu’individu, mais plutôt en tant que membre fier d’un peuple opprimé. »

Samedi soir, dans le Vermont (Nord-Est américain), son agression, suspectée d’être un crime de haine lié au contexte du conflit israélo-palestinien, a secoué la toile. Pour Hicham Awartani, Kinnan Abdalhamid et Tahseen Ali Ahmad, trois amis et étudiants d’origine palestinienne – les deux premiers sont des citoyens américains, le troisième un résident légal –, la nuit devait s’annoncer festive. Les trois jeunes hommes revenaient du bowling et s’apprêtaient à passer les fêtes du Thanksgiving chez l’un de leurs parents dans la ville de Burlington, à proximité de la frontière canadienne. Dans la cour de la maison, « un homme blanc armé d’un pistolet », qui, « sans leur parler, a tiré au moins quatre balles avant de s’enfuir, a priori, à pied », selon la police locale citée par l’AFP, en décide autrement. Lors de l’attaque, deux d’entre eux portaient un keffieh, tandis que les trois échangeaient notamment en arabe. Placées en soins intensifs, les trois victimes devraient se rétablir, selon les services médicaux, Hicham Awartani étant confronté pour sa part « à une longue convalescence ».

Actes islamophobes

L’agression suscite un tollé auprès d’une partie de l’opinion publique, pour qui les jeunes hommes ont été ciblés en raison de leur appartenance communautaire. Arrêté dimanche, le suspect, âgé de 48 ans, a plaidé le lendemain non coupable de tentative de meurtre avant d’être placé en détention sans caution. « À l’heure actuelle, nous ne savons pas s’il s’agit d’un incident motivé par la haine. Il y a certainement des indices en ce sens, mais nous attendons que la police le confirme », indique Corey Saylor, directeur de la recherche et du plaidoyer au Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), une organisation de défense des droits civils basée à Washington. Si le chef de la police de Burlington a précisé ne pas encore disposer d’éléments suggérant un mobile, ce dernier a affirmé dimanche que « personne ne (peut) regarder cet acte sans suspecter que cela ait pu être un crime motivé par la haine », en référence au contexte actuel de la guerre menée par l’État hébreu à Gaza en riposte à la triple incursion du Hamas en territoire israélien le 7 octobre. Le lendemain, le président américain Joe Biden a déclaré dans un communiqué : « Nous nous joignons aux Américains de tout le pays pour prier en faveur de leur rétablissement complet et nous adressons nos plus sincères condoléances à leurs familles. En attendant d’en savoir plus, nous savons que la violence et la haine n’ont absolument pas leur place en Amérique. »

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Cette attaque s’inscrit dans le contexte d’une montée en flèche des actes islamophobes aux États-Unis depuis plus d’un mois et demi. « Les chiffres sont choquants et sans précédent, souligne Corey Saylor. Depuis le 7 octobre, nous avons reçu 1 283 demandes d’aide et signalements d’incidents discriminatoires (de la part de musulmans) en l’espace d’un mois, soit près de 25 % des plaintes que nous avons reçues pendant toute l’année 2022. » Comme ailleurs en Occident, la guerre entre Israël et le Hamas s’est exportée sur le sol américain. Près d’une semaine plus tard, le 15 octobre, le meurtre d’un petit garçon américano-palestinien qui venait de fêter son sixième anniversaire a choqué le pays. Avant de lui asséner 26 coups de couteau et de blesser grièvement sa mère, l’agresseur de 71 ans et propriétaire de la maison louée par ces derniers aurait crié avant son passage à l’acte : « Vous, les musulmans, vous devez mourir ! »

Muslim Ban

Une haine qui ne se cache plus : les répercussions de la guerre n’ont pas manqué d’alimenter un terreau fertile dans les pays occidentaux et ont tôt fait de creuser les fractures au sein de la classe politique et des campus universitaires américains. Loin de se résumer à une division entre pro-israéliens et propalestiniens, ces clivages ont donné lieu à une résurgence d’actes antisémites, islamophobes et antiarabes aux États-Unis, faisant craindre à ces populations d’être prises pour cibles en raison de leur religion ou de leur origine.

Mais si les actes antisémites ont été largement médiatisés dans le pays, les Américains d’origine arabe ou de confession musulmane insistent sur le caractère tout autant systémique que systématique des agressions à leur encontre. « L’islamophobie est assez latente dans le public américain. Il suffit d’un événement pour que l’interrupteur se rallume, note Corey Saylor. Nous avons vu un certain nombre de tropismes islamophobes se déployer au cours du mois dernier, qui se recoupent eux-mêmes souvent avec des tropismes antiarabes. » Au cours des semaines passées, un sentiment a refait surface chez ces derniers : l’angoisse de subir le même niveau de haine qu’après le 11-Septembre ou la guerre en Irak. Et la peur d’être constamment classés comme un citoyen de seconde zone. « L’Amérique m’a trahi. Elle nous a tous trahis, en fait, a dénoncé sur son compte Instagram Radi Tamimi, l’oncle de Kinnan Abdalhamid. Chaque citoyen américain, quelle que soit sa race ou son appartenance ethnique, devrait être absolument indigné par le climat de division créé par le langage au vitriol, les représentations déshumanisantes, et les mensonges purs et simples sur les Palestiniens et d’autres groupes par les dirigeants américains et les médias au cours des derniers mois, des dernières années et des dernières décennies. »

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Car ces propos discriminatoires se retrouvent aussi dans le discours politique américain. Le 28 octobre dernier, l’ancien locataire de la Maison-Blanche et candidat à l’élection présidentielle de 2024 Donald Trump a déclaré, lors d’un discours devant une convention juive républicaine, qu’il promettait de réimposer, en cas de réélection, le Muslim Ban – un décret ayant fermé, à quelques exceptions près, les frontières américaines aux citoyens venant de Syrie, d’Irak, d’Iran, du Yémen, de Libye, du Soudan et de Somalie. Moins d’un mois après, le 22 novembre courant, Stuart Seldowitz, un ancien haut fonctionnaire américain dans le gouvernement de Barack Obama, a été arrêté par la police new-yorkaise pour harcèlement à caractère raciste après avoir été filmé en train de proférer à plusieurs reprises des agressions verbales contre un jeune homme d’origine égyptienne tenant un food-truck de produits halal. « Les moukhabarate en Égypte vont chercher vos parents, a notamment lancé l’ex-fonctionnaire au vendeur. Votre père aime-t-il ses ongles ? Ils les lui arracheront un par un. » Et d’ajouter sur la guerre à Gaza : « Si 4 000 enfants palestiniens ont été tués, vous savez quoi, ce n’est pas assez ! » « Cela nous ramène malheureusement en arrière et nous rappelle que le racisme et le sectarisme sont ancrés dans la société américaine, résume Corey Saylor. Et que nous avons encore un long chemin à parcourir pour les surmonter. » Un mal que l’on retrouve ailleurs, alors que Geert Wilders, un populiste néerlandais ayant bâti sa carrière politique sur l’islamophobie, est en bonne voie de devenir le Premier ministre des Pays-Bas après la victoire de son parti d’extrême droite aux élections législatives le 22 novembre. 

« Je ne suis qu’une victime parmi d’autres dans ce conflit beaucoup plus vaste. » Depuis le département des soins intensifs de l’hôpital où il est soigné, Hicham Awartani a fait parvenir ces mots, lundi, à des associations propalestiniennes de l’Université Brown où il étudie. Ce jeune Américano-Palestinien de vingt ans a reçu deux jours plus tôt une balle dans la...

commentaires (1)

Il serait vain de croire qu'avec les valeurs que véhiculent certaines communautés, il n'y ait pas un phénomène de rejet de la part des Américains et de plus en plus des Européens. Certains de nos mammifères du Moyen-Orient, une fois installés à l'étranger, ne font aucun effort d'intégration et tentent même de faire prévaloir les spécificités de leurs communautés, d'où en partie la raison de ce rejet. En outre, quel accueil réservons nous aux Occidentaux ?

C…

11 h 28, le 29 novembre 2023

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Commentaires (1)

  • Il serait vain de croire qu'avec les valeurs que véhiculent certaines communautés, il n'y ait pas un phénomène de rejet de la part des Américains et de plus en plus des Européens. Certains de nos mammifères du Moyen-Orient, une fois installés à l'étranger, ne font aucun effort d'intégration et tentent même de faire prévaloir les spécificités de leurs communautés, d'où en partie la raison de ce rejet. En outre, quel accueil réservons nous aux Occidentaux ?

    C…

    11 h 28, le 29 novembre 2023

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