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Culture - Exposition

Qu’ont donc fait Matisse et Derain à Collioure pour soulever tant de controverse ?

« Vertigo of Color : Matisse, Derain et les origines du fauvisme », un accrochage phare au Met qui explore le mouvement influent de l’art moderne européen.

Qu’ont donc fait Matisse et Derain à Collioure pour soulever tant de controverse ?

Henri Matisse (1905) par André Derain et André Derain par Henri Matisse. Collection du Tate Londres

L’été 1905, Henri Matisse ((1869-1954) invite son jeune ami André Derain (1880-1954) à le rejoindre quelques part à Collioure, un village de pêcheurs au sud de la France, non loin de la frontière espagnole. L’exposition « Vertigo of Color : Matisse, Derain, et les origines du fauvisme », qui se tient au Met à New York jusqu’au 21 janvier 2024, dévoile pour la première fois aux États Unis plusieurs œuvres du fauvisme et l’héritage de cet été légendaire d’un partenariat créatif qui changera le cours de la peinture française. « Cette exposition captivante témoigne non seulement du partenariat transformateur entre Matisse et Derain, elle offre également une vision très ciblée et engageante de leurs pratiques artistiques révolutionnaires », relève Max Hollein, directeur du Met, lors de l’inauguration de l’événement.

André Derain, « Bateaux, Pêcheurs, Collioure », 1905. Crédit : Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris, via The Museum of Modern Art

Co-organisée par le Metropolitan Museum of Art (Met) et le Museum of Fine Arts de Houston, « Vertigo of Color » explore la créativité de ces deux artistes durant l’été (1905), ainsi que leurs recherches intenses sur la couleur, la lumière, la forme, et leur volonté d’expérimenter en dehors des canons établis qui ont conduit au fauvisme du siècle dernier. À travers 65 peintures, dessins et aquarelles, natures mortes, paysages, œuvres significatives sur papier, croquis, portraits et dessins intimes, ainsi que le catalogue original du Salon d’automne de 1905, cette exposition inédite permet de comprendre ce mouvement influent dans l’art moderne européen. Les œuvres exposées comprennent des prêts du Musée national d’art moderne, centre Pompidou ; des Galeries nationales d’Écosse ; des Galeries nationales d’art, Washington, DC ; du Musée d’art moderne de San Francisco ; et du Musée d’art moderne de New York (MoMA) ; ainsi que des collections privées.

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L’exposition débute par des galeries consacrées à Derain et Matisse et présente plusieurs tableaux non exposés aux États-Unis depuis plus d’un demi-siècle, dont le portrait d'Henri Matisse par Derain (Tate), et celui de Derain par Matisse (Tate). Une autre galerie est consacrée à Amélie Matisse, modèle indispensable de cet été 1905, qui a posé sans relâche pour son mari et pour Derain dans des œuvres vibrantes à l’huile et à l’aquarelle, comme l’éblouissante œuvre de Derain : Femme au châle : Madame Matisse en kimono (Collection privée).

« Femme au châle : Madame Matisse en kimono » (1905), André Derain. Collection privée. Courtoisie Nevill Keating Pictures, Londres. © 2023 Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris

Alors que ces deux artistes partageaient bon nombre des mêmes points de vue géographiques et des mêmes sujets, leur travail divergeait dans la structure, la composition, le traitement de l’espace et la palette des couleurs. Matisse préférait peindre à l’aquarelle tandis que Derain travaillait à l’huile.

Une nouvelle esthétique de couleur et lumière

« En neuf semaines, Matisse et Derain ont révolutionné la couleur et libéré le travail du pinceau, ouvrant la voie au modernisme », indique Dita Amory, conservatrice en charge de la Collection Robert Lehman. Au cours de leur séjour à Collioure, les deux artistes ont travaillé à une nouvelle esthétique de couleur et de lumière s’inspirant de l’environnement local et de leur expérience de la vie trépidante du port, des plages tranquilles et des paysages. Leur langage visuel évolutif est né de l’expérience sensorielle d’un moment donné plutôt que de la réalité observable. « Mon choix de couleurs ne repose sur aucune théorie scientifique ; il se fonde sur l’observation, sur le ressenti, sur l’expérience de ma sensibilité », expliquait Matisse.

« Fenêtre ouverte, Collioure » (1905), Henri Matisse. National Gallery of Art, Washington. © 2023 Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris

Naissance du fauvisme

Les nouvelles peintures qui ont été présentées au Salon d’automne de Paris en novembre 1905 ont suscité l’indignation et la controverse. Le critique français Louis Vauxcelles a qualifié les deux artistes de « fauves » littéralement « bêtes sauvages ». Bien que de courte durée, le fauvisme a donné naissance à une palette ravissante d’un dialogue moderniste en évolution.

Qu’ont donc fait Matisse et Derain à Collioure pour soulever tant de controverse ? « Ils ont redéfini la couleur dans le monde naturel. Plutôt que de peindre perpétuellement, fidèles aux teintes de la nature, ils se sont appuyés sur leurs propres sensations, traitant la couleur à travers leur expérience. Expérimenter avec les roses et les lavandes dans une forêt de chênes lièges était audacieux. Il en va de même des couleurs primaires directement issues de la peinture « chauffée » en tube du port de Collioure. Avec le fauvisme, la couleur a pris son ampleur et le travail du pinceau variait de traits mélangés à des marques en blocs. En fin de compte, les expériences de Collioure n’étaient pas un discours cohérent dans la peinture, mais plutôt un réalignement libérateur de la couleur, une étape importante sur la voie du modernisme tel que nous le connaissons aujourd’hui », souligne Dita Amory.

Différence d’approches

« Ce que Matisse et Derain ont accompli à Collioure, c’est d’abord de peindre dans des couleurs très fortes et arbitraires et non descriptives. La mer pour eux n’est pas bleue et les arbres sont lavande ou rose. Ce qui les intéresse, c’est de peindre ce qu’ils observent mais, plus important, c’est de peindre ce qu’ils ressentent intérieurement. Cela devient une expressivité subjective, explique à L’Orient Le Jour Anne Dumas, la conservatrice de l’exposition. Et d’ajouter : « Tout de suite après le fauvisme, il y a eu l’expressionnisme allemand. Les artistes allemands ont aussi peint dans des couleurs très fortes et pas toujours naturelles, puis le cheminement de ce développement, c’est l’expressionnisme abstrait des années 50. »

« Oliviers à Collioure » (1906), Henri Matisse. Metropolitan Museum of Art, New York. © 2023 Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris

Si l’exposition met en avant le merveilleux partenariat des deux artistes, elle retrace également les différences entre leurs approches de la peinture et du dessin. Derain était déterminé à terminer ses toiles à Collioure, tandis que Matisse a choisi de rassembler son inspiration et ses sources pour ensuite travailler dans son atelier parisien.

« Vertigo of Color » démontre l’immense influence de Matisse sur le modernisme des premières années du XXe siècle. L’exposition se termine par une sélection de tableaux datant de 1906. C’est dans les années suivantes que Matisse et Derain réalisent certains de leurs tableaux les plus importants de l’époque, tableaux qui doivent beaucoup aux expériences de Collioure, expliquent Dita Amory et Anne Dumas, les deux conservatrices qui ont fait le voyage d’une semaine à Collioure pour les préparatifs de cette exposition.

L’été 1905, Henri Matisse ((1869-1954) invite son jeune ami André Derain (1880-1954) à le rejoindre quelques part à Collioure, un village de pêcheurs au sud de la France, non loin de la frontière espagnole. L’exposition « Vertigo of Color : Matisse, Derain, et les origines du fauvisme », qui se tient au Met à New York jusqu’au 21 janvier 2024, dévoile pour la première fois aux...

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