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Moyen-Orient - Guerre à Gaza

Six figures-clés du Hamas dans le viseur d'Israël

Les assassinats pourraient amplifier le conflit armé à Gaza et au Liban, sans pour autant remettre en jeu l’existence du mouvement islamique, estiment deux experts interrogés par « L’Orient-Le Jour ».

Six figures-clés du Hamas dans le viseur d'Israël

Un portrait d’Abou Obeida, porte-parole des Brigades Ezzeddine el-Qassam, la branche armée du Hamas, le 22 novembre 2023 sur une route au Liban. Photo João Sousa

Depuis l’opération Déluge d’al-Aqsa (7 octobre), Israël n’a de cesse d’affirmer qu’il ne mettra un terme à la guerre que lorsqu’il aura éradiqué le Hamas, soulignant que cela passe par l’élimination des dirigeants du mouvement islamiste palestinien.

Dimanche, lors de la troisième journée de la trêve, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que l'offensive de l'État hébreu dans la bande de Gaza se poursuivra « jusqu'à la victoire » contre le mouvement palestinien Hamas. Avant la trêve, il avait ordonné au Mossad d’« agir contre les leaders du Hamas, où qu’ils se trouvent ».

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, avait exprimé des propos qui ont été interprétés par nombre d’observateurs comme une possibilité que le gouvernement israélien lance une campagne d'assassinats ciblés, sans distinction de localisation. « Tous les membres du Hamas, y compris ceux qui se trouvent en dehors de la bande de Gaza, sont des morts ambulants », avait-il menacé, jugeant qu’« il n' y a pas de différence entre un terroriste en uniforme avec une kalachnikov et un terroriste avec un costume ».

Des volutes de fumée s'élèvent après une frappe israélienne sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 23 novembre 2023, au milieu des combats persistants entre Israël et le groupe militant palestinien du Hamas. Said Khatib/AFP

Une semaine à peine après l’amorce du conflit armé, des informations sur la mort de plusieurs commandants du Hamas, tués dans des frappes aériennes, avaient successivement été annoncées par le gouvernement israélien. Parmi eux, le chef de l’armée de l’air du Hamas, Mrad Abi Mrad, le commandant du bataillon de Beit Lahia dans la division nord du Hamas, Nassim Abou Ajina, le chef adjoint des services de renseignements du Hamas, Chadi Baroud et le vice-président et président par intérim du Conseil législatif palestinien, Ahmad Bahar.

Quelles autres « têtes pensantes », qui façonnent la stratégie et la politique générale du Hamas, sont-elles considérées par le gouvernement israélien comme des cibles à abattre ? Six responsables figureraient parmi les plus recherchés, dont trois, Mohammad Daif, Yehya Sinouar et Marwan Issa se trouvent dans l'enclave de Gaza. Les trois autres, Ismaïl Haniyé, Khaled Mechaal et Saleh al-Arouri, résident à l’extérieur de la bande.

Le leader principal du groupe palestinien Hamas, Ismaïl Haniyé, s'exprime après une rencontre avec le président du Parlement libanais Nabih Berri à Beyrouth, au Liban, le 28 juin 2021. Aziz Taher/File Photo/Reuters

Ismaïl Haniyé, 61 ans, est largement considéré comme le leader du Hamas à l'étranger. Depuis qu’il a quitté l’enclave palestinienne en décembre 2019, il opère à partir du Qatar et vit en alternance en Turquie.

Diplômé de littérature arabe de l’Université islamique de Gaza, dont il est l’ancien doyen, il est le chef politique du Hamas depuis mai 2017, en remplacement de Khaled Mechaal. Né dans le camp de réfugiés de Chati dans la bande de Gaza, il est devenu membre du bureau politique du mouvement islamiste et secrétaire particulier de son fondateur, Ahmad Yassine (tué par une frappe israélienne en 2004). Il a ensuite gravi tous les échelons du parti, dont il a favorisé la victoire lors des législatives palestiniennes de 2006, avant de devenir Premier ministre d’un gouvernement d’union de l’Autorité palestinienne. Limogé un an plus tard par le président palestinien Mahmoud Abbas, il a rejeté cette mesure et présidé le gouvernement du Hamas de 2007 à 2014 dans Gaza.

Ismaïl Haniyé figure depuis 2018 sur la liste américaine des Terroristes mondiaux expressément désignés (SDGT). Washington l’accuse spécifiquement d’entretenir « des liens étroits avec l'aile militaire du Hamas ». Après l'opération Déluge d’al-Aqsa, Israël aurait visé une maison de Gaza appartenant à sa famille, selon le bureau de presse du Hamas.

Mohammad Daif. Photo AFP

Mohammad Daif, de son vrai nom Mohammad Masri, est l’ennemi public n° 1 d’Israël. Son surnom signifie « hôte » en arabe, en référence à sa tendance à changer constamment de logement pour ne pas être retrouvé. Selon des rapports publiés dans les médias israéliens et palestiniens, il a 58 ans. Il commande depuis 2002 les Brigades Ezzeddine al-Qassam, branche armée du Hamas créée en 1991. C’est lui qui, dans un enregistrement audio, avait revendiqué l'opération Déluge al-Aqsa. Né dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, il est responsable d’une série d’attaques contre les Israéliens.

C’est sous son impulsion que le réseau des tunnels souterrains de Gaza aurait été construit, et que la production de roquettes y aurait été industrialisée. Israël l’a accusé d’avoir orchestré de nombreux attentats-suicides contre des civils israéliens, au milieu des années 1990, et de 2000 à 2006. Il a lui-même survécu à plusieurs tentatives d'assassinat. Sa femme et deux de ses enfants ont été tués en 2014, dans le bombardement de leur maison dans le nord-ouest de Gaza. En 2002, après avoir été visé alors qu’il se trouvait dans sa voiture, il aurait perdu un œil. En 2006, au cours d’une autre tentative de meurtre, il aurait été amputé d’un bras et d’une jambe. Il se déplacerait depuis en fauteuil roulant. Lors d’un dernier bombardement israélien survenu peu de temps après l’opération Déluge d’al-Aqsa, la maison paternelle aurait été atteinte, et plusieurs de ses proches auraient été tués.

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Yehya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, prend la parole lors d'une réunion à Gaza City le 30 avril 2022. Mahmoud Hamas/AFP

Yehya Sinouar, ou Abou Ibrahim, figure aussi parmi les principales cibles d’Israël. Agé de 61 ans, il est né dans le camp de réfugiés de Khan Younès. Il est l’un des fondateurs des Brigades Ezzedine al-Qassam et de la section « Majd », l'unité de renseignements de la branche armée du Hamas. Membre du bureau politique du mouvement depuis 2010, il en est, depuis 2017, le chef à l’intérieur de la bande de Gaza, et fait le lien entre les branches politique et armée. Selon la BBC, il été arrêté pour la première fois par Israël en 1982, à l'âge de 19 ans, pour « activités islamiques », puis à nouveau en 1985. C'est à cette époque qu'il avait gagné la confiance du fondateur du Hamas, Ahmad Yassine. En 1988, il a été arrêté par Israël pour le meurtre de 12 Palestiniens (qu’il avait accusés de « collaboration »), et condamné à quatre peines de prison à perpétuité. Il est libéré en octobre 2011 dans le cadre de l’accord d'échange de plus de mille prisonniers palestiniens contre le soldat israélien Gilad Shalit, détenu pendant cinq ans par le Hamas. Le nom de Yehya Sinouar figure depuis septembre 2015 sur une liste des « terroristes internationaux » établie par les États-Unis. Le 7 novembre, Israël avait affirmé que Yehya Sinwar avait été acculé dans son bunker.

Marwan Issa, 58 ans, est également l’une des cibles les plus recherchées. Chef adjoint de la branche militaire du Hamas, il représente les Brigades Ezzeddine al-Qassam auprès du bureau politique du Hamas à Gaza. Il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, dont une en 2006, lors d’une réunion à laquelle assistait également Mohammad Daif. Sa maison aurait été bombardée à deux reprises, en 2014 et 2021, et dans l’une de ces frappes, son frère aurait été tué.

Khaled Mechaal. Né en 1956 en Cisjordanie, il fait également partie des cibles prioritaires. Basé actuellement au Qatar, il est responsable depuis 2021 des activités du Hamas à l’étranger. Membre du bureau politique depuis 1992, il était chef du Hamas de 1996 à 2017. En septembre 1997, cet ancien professeur de physique avait échappé à une tentative d'assassinat du Mossad par injection de poison, alors qu’il marchait dans une rue de Amman (Jordanie).

Saleh al-Arouri, 57 ans, est, lui aussi, tout en haut de la liste des cibles d’Israël. Résidant actuellement au Liban, il est vice-président du bureau politique du Hamas depuis 2017. Responsable des activités militaires du Hamas en Cisjordanie, où il est né, il est expressément désigné comme terroriste par les autorités américaines, qui ont mis sa tête à prix pour plusieurs millions de dollars, à travers le programme Rewards for Justice (récompenses pour la justice).

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Karim el-Mufti, expert international pour les affaires de justice et de sécurité, ne doute pas que le gouvernement israélien veuille mettre ses menaces à exécution. Pour lui, Israël a encore fait « chou blanc » dans son offensive militaire sur Gaza puisque, indique-t- il, « il ne réussit pas à en finir avec le Hamas ».

« Un moyen de restaurer son capital politique aux yeux du peuple israélien serait de se fixer comme objectif militaire de se débarrasser de ceux qui attentent à son insécurité », suggère l’expert.

Un commentateur politique palestinien, Hamada Jaber, affirme à ce sujet que l’élimination des leaders du Hamas figure « au sommet de la pyramide » des desseins d’Israël. La question qu’il se pose est toutefois de « savoir si l’État israélien pourrait arriver à les liquider ». Dans le même esprit, M. Jaber estime que « si Israël ne réalise pas une victoire décisive sur le terrain, il pourrait recourir à l’assassinat de hauts responsables, d’autant qu’il est dans une impasse face à son peuple ».

« Tel-Aviv pourrait ainsi considérer qu’un ciblage de chefs palestiniens serait un exploit appréciable par les Israéliens », poursuit-il, précisant toutefois « que c’est la libération des otages (conclue par l’intermédiaire des États-Unis et du Qatar) qui représente « une demande primordiale » pour les Israéliens.

Dans cette logique, M. Mufti pense que « les assassinats ciblés à l’étranger pourraient bien survenir après la libération des otages ». Bien que de telles visées s’avèrent difficiles. « Israël entretient des contacts avec des pays dans lesquels résident des chefs du Hamas (Ismaïl Haniyé et Khaled Mechaal), notamment le Qatar. Il ne voudrait pas gâcher ces relations en perpétrant sur place des meurtres de chefs du Hamas », nuance toutefois Hamada Jaber. Pour le commentateur politique palestinien, les assassinats perpétrés en temps de guerre « ne produiraient pas un grand effet sur le terrain ». Il en veut pour preuve que plusieurs responsables ont déjà été tués dans la bande de Gaza après l’opération Déluge d’al-Aqsa, sans que cela ne génère de résultats. « L’assassinat de chefs locaux n’a été déterminante ni pour une poursuite ou une amplification de la guerre ni pour une reddition du Hamas », observe-t-il. Quant à la survie du Hamas, une liquidation de ses dirigeants actuels, aussi haut placés soient-ils, ne l’impacterait pas. « Ils seront remplacés, comme l’ont été Ahmad Yassine et Abdel Aziz al-Rantissi, ex-chefs du Hamas », suppute Karim el-Mufti.

Depuis l’opération Déluge d’al-Aqsa (7 octobre), Israël n’a de cesse d’affirmer qu’il ne mettra un terme à la guerre que lorsqu’il aura éradiqué le Hamas, soulignant que cela passe par l’élimination des dirigeants du mouvement islamiste palestinien. Dimanche, lors de la troisième journée de la trêve, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que...

commentaires (2)

Parce que chez les israéliens la notion PAIX n’existe pas, utilisons le même vocabulaire, le même principe : œil pour œil dent pour dent. Pour chaque citoyen palestinien tué ; un juif / sioniste à éliminer n’importe où dans le monde – NOUS , LES ENFANTS ON NE TOUCHE PAS -

aliosha

10 h 24, le 28 novembre 2023

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Commentaires (2)

  • Parce que chez les israéliens la notion PAIX n’existe pas, utilisons le même vocabulaire, le même principe : œil pour œil dent pour dent. Pour chaque citoyen palestinien tué ; un juif / sioniste à éliminer n’importe où dans le monde – NOUS , LES ENFANTS ON NE TOUCHE PAS -

    aliosha

    10 h 24, le 28 novembre 2023

  • C'est beau la comédie. Toute la mise en scène de l'armée israélienne à Gaza, dans et sous l'hopital AL.Shifa. Que quelques misérabes kalashnikov, quelques chargeurs, deux ou trois pistolets, toutes ces "armes" dont les nombres ont évolué à la hausse entre deux prises de vue. Quelle misértable récolte pour un soi-disant Centre de Commandement. Quand on sait que l'armée israéelienne avait tous les plans des tunnels en 3D...

    Joseph ADJADJ

    00 h 28, le 28 novembre 2023

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