Une question banale qu’un grand nombre de Libanais se posent sans même envisager une réponse, une action ou un changement : jusqu’à quand les camps palestiniens resteront-ils ainsi cristallisés dans une faille de l’histoire et du territoire ? Nous avons au Liban une douzaine de camps de réfugiés qui accueillent un peu plus de 200 mille Palestiniens venus entre 1947 et 1973, pour la plupart expulsés de leurs maisons, spoliés de leurs biens, faire une halte avec l’espoir de rentrer un jour dans leur pays. C’est en grande partie face à cette migration forcée que les législateurs ont décidé qu’une femme libanaise n’aurait pas le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants. Dans leur esprit, pour ce pays encore très jeune au moment des premières vagues et qui tentait de trouver son difficile équilibre confessionnel, ce droit élémentaire présentait le risque d’augmenter de manière cryptée le nombre de petits Libanais issus de père palestinien. Les habitants de ces camps entourés d’enceintes, désormais construits en dur et forcément surpeuplés, n’ont jamais changé de statut. Ils ne se sont jamais mêlés aux Libanais, occupant ainsi des territoires exogènes au sein du territoire national. Dans ces zones s’entassent des humains invisibles. Qui sont-ils ? Que font-ils ? De quoi vivent-ils ? Quelle est leur culture ? Leur niveau d’éducation ? Ils sont à la charge des offices onusiens en attendant que leur destin soit scellé. Nul ne leur est hostile, certes, mais nul ne semble tenir compte de leur existence. Encore une fois, jusqu’à quand ?
Les temps ont changé depuis la guerre dite civile imputée à Arafat, et pourtant, nous autres Libanais continuons à vivre avec ce problème refoulé dans un placard que nous n’osons pas ouvrir, envisageant la naturalisation, ou « al-taoutine », des Palestiniens comme un complot universel qui signifierait pour nous un fardeau beaucoup trop lourd et pour eux la fin du droit au retour.
Si, au niveau du petit Liban incapable de prendre des décisions existentielles, la situation des Palestiniens demeure douloureuse, que dire de la population palestinienne des territoires occupés ? Ignorance et déni au Liban, peut-être, mais haine déclarée et entretenue là-bas envers ces natifs arabes systématiquement spoliés avec la bénédiction de l’État israélien. « Tondre la pelouse » est le nom de code des opérations de bombardements intensifs de Tsahal sur ces régions palestiniennes qui respirent à peine. Cette haine justifie toutes les horreurs et montre le peuple israélien sous son jour le plus mesquin, le plus insatiable. Certains Israéliens lèvent déjà des fonds et mènent campagne avec des panneaux « On revient à Gaza ». L’occupation territoriale et la colonisation deviennent obsessionnelles. Ôter les Palestiniens de là pour s’y mettre ? Les plages de Gaza sont les plus belles, disent-ils. Certains parodient sur les réseaux sociaux la douleur des mères portant leurs enfants morts. Un autre nargue cette population sous blocus permanent, privée de tout, en se désaltérant à l’eau d’un robinet qui coule en abondance, voire en chargeant son téléphone. Si le monde n’y voit pas un malaise, la peste soit du monde.
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Certains libanais ont la mémoire courte
Sissi zayyat
13 h 45, le 26 octobre 2023