Rechercher
Rechercher

Société - Education

Dans la crainte d'une guerre au Liban, certains élèves manquent à l’appel dans les écoles

Les bancs des écoles privées se vident petit à petit depuis que des Libanais et des binationaux ont décidé de partir à l’étranger, en attendant d’y voir plus clair sur l'évolution de la situation au Liban. Mais les départs ne sont pas massifs.

Dans la crainte d'une guerre au Liban, certains élèves manquent à l’appel dans les écoles

Un groupe de passagers à l'Aéroport international de Beyrouth. Photo AFP

En temps normal, Carla Souaïby Jalbout, qui doit se rendre au Canada pour des considérations professionnelles, aurait laissé sa benjamine chez ses grands-parents au Liban. L’adolescente aurait poursuivi sa scolarité normalement en classe de première dans un collège de Baabda qui suit le programme français, de même que le scoutisme qu’elle apprécie tant.

« Dans ce contexte de guerre, et alors que son père doit aussi se rendre à l’étranger, pas question de la laisser au Liban », déclare cette mère de famille. Vendredi, elle emmènera donc sa fille au Canada où elles bénéficient d'un séjour permanent, « pour deux semaines au moins, en attendant de voir l’évolution de la situation », affirme-t-elle.

« Je ferai de sorte qu’elle suive au mieux son programme scolaire à distance, même si pour ce faire, je dois prendre un professeur particulier », précise celle dont les deux aînés se trouvent déjà au Canada pour leurs études universitaires.

Lire aussi:

L'ambassade des États-Unis exhorte ses ressortissants au Liban à quitter le pays "dès que possible"

L'anxiété des parents  

Depuis que la guerre frappe aux portes, après l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, des élèves manquent déjà à l’appel dans nombre d’établissements scolaires privés au Liban. Parmi eux, des expatriés qui rentrent chez eux, des Libanais aisés dont les parents travaillent à l’étranger, des binationaux qui ont de la famille ou une résidence à l’étranger, des émigrants, telle la fille de Carla.

Ici, un élève français a pris l’avion, quelques jours avant le congé de la Toussaint. Là-bas, un élève libanais dont le père travaille en Arabie Saoudite s’est envolé en famille pour le rejoindre. Encouragées par les appels pressants des ambassades étrangères à leurs ressortissants de quitter le Liban le plus vite possible, tant que l’aéroport de Beyrouth est opérationnel, certaines familles n’ont pas hésité.

En cette période de mi-trimestre, une grande partie des établissements scolaires privés accordent à leurs élèves quelques jours, voire une semaine de congé. « Nous résidons à Mar Chaya (Broumana), une région supposée être à l’abri des bombardements. Mais les appels de l’ambassade du Canada étaient si insistants que j’ai décidé de faire nos valises pour deux semaines et de rejoindre mon époux au Qatar avec nos deux enfants de 4 et 6 ans », raconte Lina*.

Pour cette femme d’origine égyptienne épouse d’un Libanais, pas question de faire vivre à ses enfants un traumatisme qu’elle peut leur éviter. Elle a entendu tant d’histoires dramatiques sur le conflit de l'été 2006 entre Israël et le Hezbollah. Elle craint aussi que les écoles ne soient visées par les bombardements israéliens, comme l'a été l'école primaire publique de la localité frontalière de Aïta el-Chaab mardi, au Liban-Sud. « Je n’en dormais plus la nuit, tellement j’étais anxieuse, dit-elle. De toute façon, les enfants sont en congé jusqu’au 6 novembre et nous avions prévu quelques jours de vacances à l’étranger ».

Au Liban-Sud, 10 à 15 % des élèves s'en vont

Au Liban-Sud, le taux de départs semble important. Car l’inquiétude règne en raison des affrontements quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah dans la zone frontalière. « Nous estimons que le taux de départ des élèves a atteint 10 à 15 % », selon Lama Tawil, présidente de l’Union des parents d’élèves et des comités de parents dans les écoles privées du Liban.

« A Saïda, Tyr, Nabatiyé, les habitants qui ont la nationalité américaine ou canadienne partent. Une décision facilitée par le soutien financier proposé par ces deux ambassades, au besoin. De plus, les familles se regroupent, craignant le pire, dans les pays du Golfe notamment où travaillent beaucoup de Libanais », précise Mme Tawil.

Les bancs se vident petit à petit ailleurs dans le pays

Sur les bancs des classes, les absences ne semblent « pas massives » pour autant. Elles ne sont surtout « pas significatives en période de congé scolaire », car les familles qui ont prévu un voyage ont l’habitude de grignoter quelques jours de plus, selon les chefs d’établissements. « Au Collège Louise Wegmann, nous relevons une quinzaine d’absents sur le site de Beyrouth qui scolarise 550 élèves, et autant à Jouret el-Ballout (Metn) qui compte 750 élèves », affirme à L’Orient-Le Jour la directrice de l’institution, Tiba Geha. « Il n’y a ni exode, ni départs massifs, mais juste des familles soucieuses de se regrouper et de protéger leurs enfants, dès lors qu’un de leurs membres travaille et vit à l’étranger, alors que d’autres familles prolongent juste leurs vacances à l’étranger, dans l’attente d’y voir plus clair », souligne-t-elle, soucieuse d’apaiser les esprits.

Même constat dans les établissements de la Mission laïque française qui scolarisent 9 500 élèves. « Il n’y a pas de départs en masse. Juste quelques départs anticipés en vacances, principalement au Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth », commente Patrick Joseph, responsable de la MLF. « Dans cet établissement, 84 élèves sur 2 700, dont deux tiers d’étrangers, sont partis en vacances une semaine avant la date. Ce qui arrive souvent, même en temps normal », observe le responsable. Au Lycée Montaigne qui scolarise un millier d’élèves, les chiffres se comptent sur les doigts. « Trois ou quatre familles seulement ont annoncé leur volonté de prolonger les vacances scolaires », révèle la directrice de l’institution, Rachel Atallah.

Dans l’un des établissements de l’association philanthropique des Makassed, l’école Khaled Ben al-Walid dans le quartier de Kaskas à Beyrouth, 25 élèves sont partis pour l’étranger. « Ceux qui disposent d’une autre option ne manquent pas de la saisir, même lorsqu’ils n’ont pas de passeport étranger », confie la directrice des affaires éducatives des Makassed, Ghina Badaoui.

Lire aussi

Les écoles du Liban se préparent à la guerre

Pas d’enseignement hybride pour l’instant

Depuis 2019, les élèves du Liban subissent une crise multiforme, sans oublier la pandémie de Covid-19. Le niveau de l’enseignement s’en est fortement ressenti. Quelle qualité d’enseignement à présent, dans ce cadre, pour les élèves depuis l’étranger ? « Les établissements scolaires n’ont pas pris la décision de lancer l’enseignement en ligne, car les écoles du pays sont ouvertes », souligne Maya Geara, présidente d’un comité de parents d’élèves de l’école privée. « Ils se contentent alors de poster quelques cours et exercices sur une plateforme en ligne, car ils refusent d’encourager les familles à quitter le pays », ajoute-t-elle. Sur la page web du Collège Notre Dame de Jamhour, le père recteur Marek Cieslik rappelle que l’enseignement est à ce jour dispensé en présentiel, et invite les quelques élèves qui ont quitté le pays à consulter les documents postés par les enseignants sur une plateforme en ligne, car « l’établissement n’est pas en mesure pour l’instant d’assurer un enseignement hybride ».

De même, l’International College (IC)  a organisé des cours en ligne et en direct mercredi 25 octobre au vendredi 27 octobre, pour aider des élèves qui avaient des difficultés à revenir à temps, après les nombreuses annulations de vols. Nous n’avons pas réussi à joindre les dirigeants de ces deux établissements pour davantage de précisions.

Une chose est sûre. Au cas où le risque de guerre se confirme au Liban, nul ne sait quelle forme prendra l’enseignement.

*Le prénom a été modifié

En temps normal, Carla Souaïby Jalbout, qui doit se rendre au Canada pour des considérations professionnelles, aurait laissé sa benjamine chez ses grands-parents au Liban. L’adolescente aurait poursuivi sa scolarité normalement en classe de première dans un collège de Baabda qui suit le programme français, de même que le scoutisme qu’elle apprécie tant. « Dans ce contexte de guerre,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut