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Moyen-Orient - Repère

Gros doutes sur la « coalition » contre le Hamas voulue par Macron

Selon des experts, cette proposition s'annonce extrêmement complexe à mettre en œuvre.

Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 23 octobre 2023. Photo Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP

Emmanuel Macron a évoqué mardi, depuis Jérusalem, l'idée d'une coalition internationale contre le groupe islamiste palestinien Hamas, à l'origine des attaques sanglantes contre Israël, une proposition qui s'annonce extrêmement complexe à mettre en œuvre, selon des experts.

Des contours encore flous

Cette coalition serait-elle une extension ou une réplique de la coalition internationale créée en 2014 sous la houlette des Etats-Unis pour combattre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak ? Dans un premier temps, le président français a proposé que la coalition anti-Daech (le groupe jihadiste Etat islamique, NDLR) « puisse lutter aussi contre le Hamas ».

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L'Elysée a ensuite expliqué qu'il s'agissait « de s'inspirer de l'expérience de la Coalition internationale contre Daech et voir quels aspects sont réplicables contre le Hamas ». « Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d'actions pertinentes contre le Hamas », a-t-on expliqué à l'Elysée. « Ce sera ensuite aux partenaires et notamment à Israël d'exprimer leurs besoins ».

Des membres hostiles à Israël

Pour l'heure, les experts doutent de la possibilité d'étendre ou répliquer la coalition visant Daech. Car cette coalition globale regroupe à ce jour 86 membres dont l'OTAN, l'Union Européenne, la Ligue Arabe et il y a « au moins une unanimité diplomatique de façade » dans la lutte contre ce groupe jihadiste, souligne Elie Tenenbaum de l'Institut français des Relations Internationales (IFRI). En revanche, parmi ses membres, dont Israël ne fait pas partie, « de nombreux pays ne partagent absolument pas la position de la France sur le Hamas », poursuit-il, citant entre autres le Liban, le Qatar, la Jordanie, la Libye ou l'Irak.

Autre problème, certains membres sont ouvertement hostiles à Israël, notamment Bagdad, qui ne reconnaît pas l'existence-même du pays, ou Tripoli, qui n'entretient aucune relation avec son gouvernement. Malgré une normalisation des rapports bilatéraux entre Israël et plusieurs pays arabes via les accords d'Abraham de 2020, la « faisabilité » de l'extension du périmètre de la coalition globale contre l'EI à la lutte contre le Hamas paraît ainsi « hautement improbable », estime M. Tenenbaum.

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D'autant que le Hamas, contrairement à l'EI, qui était isolé, dispose d'alliés puissants dans la région, comme le Hezbollah, soutenu par l'Iran, ennemi intime d'Israël. Selon Renad Mansour, chercheur principal au centre de réflexion Chatham House, la tâche serait « beaucoup plus ardue » pour une telle coalition, qui apparaîtrait en outre comme une structure pro-israélienne, quand la rue et nombre de gouvernements arabes sont pro-palestiniens et bien plus favorables au Hamas.

Pas de soutien populaire

L'Etat islamique s'était emparé de certains territoires syriens et irakiens, notamment Mossoul ou Raqqa, qu'il gouvernait « de manière très brutale », des « atrocités » étant régulièrement « commises contre la population » locale, rappelle M. Mansour. La coalition internationale bénéficiait donc d' « un large soutien autochtone, local et régional pour éliminer » l'EI, poursuit-il.

Le mouvement islamiste palestinien a, lui, pris le pouvoir dans la bande de Gaza après sa victoire aux élections de 2006. Et si aujourd'hui la population manque de tout, elle ne défie pas ouvertement le Hamas.

Risque d'escalade en Irak et Syrie

Héloïse Fayet, chercheuse spécialiste du Moyen-Orient au Centre des études de sécurité de l'IFRI est elle aussi circonspecte quant à une telle initiative. « Depuis 10 jours, plusieurs bases de la coalition en Irak et en Syrie ont été attaquées à l'aide de drones et de roquettes » par des groupes chiites proches de l'Iran, note-t-elle sur le réseau X (ex-Twitter).

Étendre la coalition à la lutte contre le Hamas « risque d'accroître ce risque », poursuit l'experte, qui appelle Emmanuel Macron, à « clarifier ces propos afin de ne pas susciter de faux espoirs ou une escalade ».

Reconstruction

Les coalitions contre les groupes terroristes ne se limitent pas à des opérations sur le terrain : dans le cas de la coalition contre l'EI, des forces irakiennes étaient formées, les partenaires partageaient des information, notamment sur la lutte contre le financement du terrorisme, souligne Elie Tenenbaum.

Certaines de ces missions, qui englobent « la stabilisation et la reconstruction de zones libérées », peuvent avoir « leur place dans la lutte contre le Hamas », observe le chercheur. Mais plutôt qu'une coalition anti-Hamas, construire une coalition pour une résolution du conflit israélo-palestinien rallierait sans aucun doute un soutien bien plus large, affirme-t-il.

Le numéro deux du Trésor US veut une « coalition internationale » contre le « réseau financier du Hamas »

Le numéro deux du ministère américain de l'Economie et des Finances, Wally Adeyemo, a dit mardi à l'AFP vouloir mettre en place une « coalition internationale » pour s'attaquer au « réseau financier du Hamas ». « Je voyage en Europe (à partir de) vendredi, je vais rencontrer nos alliés et partenaires et parler de ce que nous pouvons faire de manière coordonnée pour nous attaquer au réseau financier du Hamas », a indiqué le secrétaire adjoint au Trésor, en marge d'une visite à Washington. « Notre objectif est de construire une coalition avec des pays de la région mais aussi du monde entier pour lutter contre leur financement », a-t-il ajouté. Wally Adeyemo a également précisé que les Etats-Unis ont, au cours des dernières années, « pris un certain nombre de sanctions contre le Hamas », qui, « comme tout autre acteur, a innové et essayé de trouver des moyens de contourner nos sanctions », notamment via les cryptomonnaies.

Le président français Emmanuel Macron, mardi en Israël, a également proposé une « coalition » internationale, pas uniquement sur le volet financier, mais, plus largement, pour « lutter » contre le mouvement islamiste palestinien. Cela signifie, selon son entourage, créer une nouvelle coalition, ou étendre au combat contre le Hamas celle qui existe depuis 2014 pour lutter contre le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak. Sans commenter les propos précis du président français, Wally Adeyemo a souligné que « la stratégie qui a été utilisée pour contrer l'État islamique et d'autres groupes terroristes est celle que nous devons utiliser ici ». « Notre objectif doit être d'utiliser tous les outils à notre disposition pour leur interdire l'accès à ces fonds afin de faire en sorte qu'il leur soit plus difficile de poursuivre leurs activités qui pourraient déstabiliser la région et le monde », a-t-il souligné.

Des sanctions économiques supplémentaires devraient être prises, et que « certains » autres « outils » utilisés contre le Hamas, a encore indiqué le secrétaire adjoint au Trésor. Le sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme et de l'intelligence financière, Brian Nelson, est en déplacement mardi au Qatar, après s'être rendu en Arabie Saoudite lundi. Il « a eu une réunion avec un certain nombre de pays du Golfe où ils ont discuté de ce qu'ils peuvent faire pour se concentrer également davantage sur le terrorisme », a détaillé Wally Adeyemo.

Emmanuel Macron a évoqué mardi, depuis Jérusalem, l'idée d'une coalition internationale contre le groupe islamiste palestinien Hamas, à l'origine des attaques sanglantes contre Israël, une proposition qui s'annonce extrêmement complexe à mettre en œuvre, selon des experts.Des contours encore flousCette coalition serait-elle une extension ou une réplique de la...
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