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La French correction


Moins qu’un hardi virage en épingle à cheveux, mais davantage tout de même qu’une banale correction de tir. Pour tardive qu’elle fût, l’initiative française relative à la terrible affaire de Gaza mérite d’être saluée, en ce sens qu’elle apporte un élément nouveau à la cascade de témoignages de sympathie dont est littéralement inondé l’État hébreu depuis l’opération Déluge d’al-Aqsa. Mais cette entreprise a-t-elle vraiment quelque chance de percer le mur d’intransigeance derrière lequel se barricade un Benjamin Netanyahu qui s’est lui-même condamné à une sanglante fuite en avant ?


À la table des serments d’amitié, c’est avec largesse qu’Emmanuel Macron s’est acquitté de son écot, durant sa brève visite en Israël hier : solidarité totale avec ce dernier ; appel à la mise sur pied d’une coalition internationale contre le Hamas, sur le modèle de celle qui eut raison de Daech, sévère mise en garde à l’Iran et à ses protégés contre tout élargissement du conflit. Comme l’avait déjà fait Joe Biden et sans plus de résultat, le président français a souligné la nécessité d’une juste riposte à l’attaque du 7 octobre ; il a néanmoins accordé la priorité absolue à la libération des otages et à l’instauration d’une trêve humanitaire susceptible de conduire à son tour à un cessez-le-feu. À la différence des divers dirigeants occidentaux qui se sont succédé ces derniers jours en Israël, le patron de l’Élysée a toutefois assorti son discours d’une vision politique déclinée avec force, à savoir la recherche active, immédiate, urgente d’une solution à la question palestinienne nécessairement fondée sur la formule des deux États. Une telle issue, l’Américain l’avait soutenue, mais seulement du bout des lèvres, presque pour la forme, un peu comme il l’eût fait pour divulguer sa marque de ketchup préférée. En se rendant hier auprès du chef de l’Autorité palestinienne à Ramallah, puis à Amman chez le roi de Jordanie, Macron peut-il dès lors escompter se poser en honnête courtier dans notre turbulente région du globe, rôle laissé vacant par une Amérique outrancièrement engagée aux côtés d’Israël ?


Le temps est loin ou un De Gaulle, un Mitterrand, un Chirac étaient capables de s’opposer efficacement aux volontés de la première superpuissance mondiale, de voir plus loin que celle-ci sur des dossiers aussi brûlants que les droits du peuple palestinien et la lutte contre le terrorisme. Plus d’une fois durant les dernières années, Paris a paru se placer à la remorque de Washington. Ce que l’on peut regretter toutefois dans le salutaire, le très bienvenu rééquilibrage qui vient d’être opéré, c’est qu’il n’est pas le fruit des seuls idéaux de liberté et de justice cultivés par la France ; c’est qu’il a été commandé, en partie du moins, par de graves déchirures inévitablement apparues hélas dans le tissu national d’un pays abritant la plus nombreuse communauté juive d’Europe et dont la population compte près de 10 % de musulmans. Illuminer la tour Eiffel aux couleurs d’Israël, autoriser les rassemblements pro-israéliens et prétendre interdire ceux favorables aux Palestiniens étaient aussi vains que dangereusement maladroits. La visite en Israël jugée scandaleusement biaisée de la présidente de l’Assemblée, la virulente réaction de la gauche Mélenchon taxée d’antisémitisme et la dangereuse prolifération des actes de haine ont fait le reste.


On retrouve un peu, depuis hier, cette France ancrée dans sa vieille tradition de droit et de justice. On lui souhaite ardemment de se reconnaître elle-même dans sa quête d’un règlement honorable et définitif d’un conflit de Palestine déjà plus que centenaire. Mais fallait-il absolument que pour y venir elle soit arrivée au bord de la fracture…


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Moins qu’un hardi virage en épingle à cheveux, mais davantage tout de même qu’une banale correction de tir. Pour tardive qu’elle fût, l’initiative française relative à la terrible affaire de Gaza mérite d’être saluée, en ce sens qu’elle apporte un élément nouveau à la cascade de témoignages de sympathie dont est littéralement inondé l’État hébreu depuis...