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Moyen-Orient - Interview express

Le passage de Rafah est « l'unique bouée de sauvetage » pour les Gazaouis

Naël Shama, chercheur en relations internationales, notamment sur la politique étrangère de l'Égypte, nous explique l'importance du passage de Rafah. 

Le passage de Rafah est « l'unique bouée de sauvetage » pour les Gazaouis

Des agents de sécurité palestiniens au niveau du passage frontalier de Rafah avec l'Égypte, le 23 août 2021 à Gaza. Photo Saïd KHATIB/AFP

Au onzième jour de la guerre entre le Hamas et Israël, des centaines de Palestiniens dans la bande de Gaza attendent à la frontière avec le Sinaï égyptien l'ouverture de leur seule porte de sortie : le point de passage de Rafah. Une issue pour eux, qui subissent les bombardements israéliens incessants depuis le déclenchement de l'opération « Déluge d'al-Aqsa » par le Hamas à partir de leur territoire contre Israël le 7 octobre dernier, mais une porte d'entrée également pour l'aide humanitaire internationale qui s'accumule dans la ville d'Arish, dans le Sinaï. Plus les heures passent, plus l'attente de l'ouverture de Rafah se fait critique. Pourquoi ce point de passage est-il si important ? Naël Shama, chercheur en relations internationales, notamment sur la politique étrangère de l'Égypte, répond à L'OLJ en trois questions.

Qu'est-ce que le passage de Rafah et comment est-il normalement utilisé ?

Le passage de Rafah est l'unique point de liaison entre la bande de Gaza et le territoire égyptien, plus précisément la péninsule du Sinaï. Il est actuellement sous le contrôle des autorités égyptiennes, en particulier de leurs services de renseignement. Il est important de noter que ce point de passage est strictement réservé au transit de personnes, et ne permet donc pas le transport de marchandises. Cette décision avait été prise après le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza en 2005 dans l'objectif de garantir que les Palestiniens ne deviennent pas dépendants de l'aide humanitaire provenant d'Égypte. Cela permettait aussi d'éviter que les Israéliens, qui en parallèle continuaient d'occuper des territoires palestiniens, ne cessent définitivement leur assistance à la bande de Gaza et prennent leurs responsabilités en tant que force d'occupation (par l'approvisionnement en eau, électricité, etc., NDLR). Il est toutefois à noter que ce transit de personnes est soumis à des restrictions strictes : seul un nombre limité de voyageurs est autorisé à le traverser, principalement pour des raisons éducatives et d'autres besoins spécifiques.

Pourquoi est-il actuellement bloqué ?

Avant que le Hamas ne soit élu au pouvoir dans la bande de Gaza, début 2006, ce passage était géré par une convention regroupant les forces palestiniennes, le gouvernement égyptien et l'État d'Israël. Mais depuis le retrait israélien en 2005, le passage de Rafah est généralement fermé, ne s'ouvrant que pour des périodes limitées à une journée ou deux par semaine, voire tous les dix jours.

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Aujourd'hui, l'Égypte refuse d'ouvrir le passage de Rafah pour que les Palestiniens puissent fuir Gaza pour plusieurs raisons. Entre autres, et selon la version officielle de son gouvernement, l'Égypte ne souhaite pas faire face à une crise de réfugiés qui pourrait durer indéfiniment. De plus, un groupe de ressortissants égyptiens a récemment formé une organisation appelée « Wilayat Sinaï » (le district de Sinaï, en français) et a prêté allégeance au groupe terroriste État islamique. Ce groupe a commis plusieurs attaques terroristes contre l'État égyptien dans la région du Sinaï. L'entrée de groupes palestiniens et du Hamas dans cette région pourrait donc entraîner des problèmes de « sécurité nationale », comme l'a récemment souligné le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, à la lumière des événements.

Pour autant, n'est-ce pas la seule issue pour les Gazaouis ? 

Si. Il s'agit-là de la seule et unique bouée de sauvetage pour les Palestiniens vivant dans la bande de Gaza, alors que l'eau, le gaz, l'électricité et l'aide humanitaire ont été coupés du territoire en raison du blocus complet imposé par les Israéliens depuis le début de la guerre. En plus de l'aide humanitaire qui attend derrière ce point de passage côté Sinaï, l'Égypte se prépare également à construire des hôpitaux temporaires dans le désert pour soigner temporairement, et en petits nombres, les Palestiniens blessés par la guerre une fois que le passage sera ouvert.

L'importance de Rafah réside aujourd'hui dans plusieurs aspects. Tout d'abord, il est crucial en raison de son importance géopolitique. Gaza est une région densément peuplée, tandis que le désert du Sinaï est très peu peuplé. Cela a conduit à des suggestions de la part de dirigeants israéliens, à plusieurs reprises, de déplacer les habitants de Gaza vers ce désert, dans le but de mieux contrôler les armes et les organisations terroristes dans la bande de Gaza. Des enregistrements audio avaient même été divulgués à l'époque du président égyptien Hosni Moubarak, dans lesquels l'actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, proposait cette option que le président égyptien avait catégoriquement refusée.

Éclairage

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Ensuite, en cas d'une éventuelle invasion terrestre par Israël, il est probable que des milliers de Gazaouis cherchent à forcer l'ouverture du passage pour fuir vers l'Égypte. Pour éviter une telle situation, le gouvernement égyptien est prêt à l'ouvrir en amont pour permettre à l'aide humanitaire d'entrer dans la bande de Gaza. Actuellement, plus de 100 camions d'aide humanitaire en provenance de divers pays, dont l'Égypte, la Jordanie et plusieurs organisations internationales, attendent de passer mais cela est pour l'instant impossible en raison des bombardements israéliens à proximité de ce passage.

Enfin, Rafah est au coeur de discussions diplomatiques entre les États-Unis et le gouvernement égyptien. Les Américains ont proposé d'évacuer leurs ressortissants de Gaza via ce passage, ce que l'Égypte a accepté en posant comme condition que cette sortie soit accompagnée de l'acheminement de l'aide humanitaire vers les Gazaouis. Rien de concret à ce propos n'a été jusqu'à présent décrété et les discussions sont toujours en cours.

Au onzième jour de la guerre entre le Hamas et Israël, des centaines de Palestiniens dans la bande de Gaza attendent à la frontière avec le Sinaï égyptien l'ouverture de leur seule porte de sortie : le point de passage de Rafah. Une issue pour eux, qui subissent les bombardements israéliens incessants depuis le déclenchement de l'opération « Déluge d'al-Aqsa » par le Hamas à...

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