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Idées - Point de vue

Les Libanais du Sud, une clé pour éviter la guerre

Les Libanais du Sud, une clé pour éviter la guerre

Photo d'illustration : le village de Cana, au Sud Liban. Photo: D.R

La question que se posent tous les Libanais aujourd’hui porte sur les intentions du Hezbollah dans le contexte de la guerre opposant les Palestiniens et les Israéliens. En effet, le temps est suspendu pour les Libanais depuis le 7 octobre 2023, surtout pour les habitants du Sud. Les résidents des villages frontaliers ont quitté leurs maisons pour aller vers des localités plus grandes et relativement sûres comme Tyr ou Nabatiyé. Certains font des allers-retours vers Beyrouth au gré des nouvelles et des opérations militaires menées depuis le Liban-Sud. Un fatalisme s’installe parmi un grand nombre d’entre eux. Ils ne veulent pas d’une nouvelle guerre mais s’y résignent, plient sous le poids du parti de Dieu.

Mais que veulent ces Libanais du Sud qui avaient, dans leur grande majorité, refait allégeance au Hezbollah lors des élections législatives de 2022 ?

Les habitants du Sud ont les qualités et les travers de l’ensemble des Libanais. Ils veulent une bonne éducation pour leurs enfants. Leurs familles sont éclatées à travers les continents à la poursuite d’une vie décente. Ils sont tout autant dépendants que les autres Libanais des réseaux clientélistes et de la solidarité confessionnelle. Ils reviennent au village pour y construire une maison, souvent fastueuse. Ils sont fiers de leur identité libanaise, et c’est une relation pragmatique qu’ils entretiennent avec le Hezbollah. De leur point de vue, ce dernier garantit leur sécurité depuis 2006 et leur a offert une période de sécurité et de stabilité sans précédent depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Plus encore, sa force de dissuasion leur ouvre des perspectives de prospérité économique avec l’accord de délimitation des frontières maritimes en 2022. Dans cette équation à une variable, le Hezbollah semble être, malgré toutes leurs réserves sur son rôle interne, la garantie d’une certaine normalité dans le Liban-Sud. Dans cette optique, « l’arsenal de dissuasion » du Hezbollah continue à avoir leur soutien et leur bénédiction. Bien que le Hezbollah soit aujourd’hui le premier responsable (sans être le seul) de la faillite de l’État libanais, le pragmatisme semble l’emporter.

Les Libanais du Sud, bien que solidaires globalement de la cause palestinienne, ne sont pas aujourd’hui disposés à sacrifier leur sécurité, si chèrement payée, pour venir en aide aux Palestiniens. En d’autres termes, le soutien aux « armes de dissuasion » n’est pas automatiquement transformable en un soutien à une implication du Hezbollah dans la guerre entre Israéliens et Palestiniens ; à la transformation de ces armes de dissuasion en un arsenal d’attaque.

Le Hezbollah pris en tenailles

Plus que quiconque, le Hezbollah est conscient de cette réalité et semble scruter la réaction de l’opinion publique du Liban-Sud. Même la machine de propagande ne s’est mise en place que progressivement. Le silence du secrétaire général du parti, Hassan Nassrallah, une semaine après le début de la guerre, est éloquent pour exprimer la prudence qui est de mise aujourd’hui. Il attendra certainement, pour être rompu, un niveau de maturation de l’opinion publique. Les manifestations du Hezbollah organisées à Cana vendredi 13 octobre portent une symbolique particulière et sont destinées à réveiller les blessures des massacres abominables commis par Israël en 1996 et en 2006, qui ont fait des centaines de victimes. L’assassinat par l’armée israélienne du journaliste Issam Abdallah à la frontière sud du Liban, le 14 octobre, semble avoir marqué un tournant au sein de l’opinion publique. En miroir de cette évolution, l’intensité des attaques menée par le Hezbollah ou ses auxiliaires s’est accélérée pendant le week-end.

D’un côté, le parti de Dieu est soumis aux exigences iraniennes, à la pression de ses partenaires palestiniens et de l’opinion publique arabe questionnant son attentisme alors qu’il n’a cessé de répéter son intention déclarée de « libérer Jérusalem ». L’opportunité est trop belle pour lui de redorer son blason terni par des années d’implication en Syrie. Le ministre iranien des Affaires étrangères parade dans la région, brandissant la menace d’une intervention directe du Hezbollah au cas où Israël ne cesserait l’escalade à Gaza, alors que ce dernier s’apprête à lancer une offensive terrestre. Plus important encore, les événements à Gaza sont perçus comme étant de nature à renverser le rapport de force dans la région, ouvrant la voie à de nouveaux acteurs internationaux en quête d’influence. Pour les belligérants, la guerre en cours est un jeu à somme nulle. Pour les Israéliens, toute issue qui n’inclue pas la destruction totale du Hamas à Gaza serait perçue comme une défaite politique et militaire historique. Du point de vue de « l’axe de la résistance», une occupation israélienne de Gaza ne peut être possible puisqu’elle risque de saper les gains politiques générés par l’opération « Déluge d’al-Aqsa » du 7 octobre et entraînerait une extension du conflit vers le Liban.

De l’autre côté, le parti de Dieu cherche à gagner l’adhésion d’au moins une partie des habitants du Sud en amont d’une possible implication dans le conflit. Il lui importe de se présenter dans une posture défensive. Les communiqués de la « Résistance islamique » du dimanche 15 octobre qualifient les opérations menées depuis le Liban-Sud comme des « représailles aux agressions israéliennes ». Il convient de rappeler ici que c’est le Hezbollah qui a enclenché le dernier cycle de violence à la frontière sud, à la suite d’une opération menée contre les postes israéliens dans les fermes de Chebaa le 8 octobre.

Toute précipitation du Hezbollah pourrait en effet le remettre au cœur du monde arabe, mais entraverait son inébranlable ascension pour asseoir sa domination sur le Liban. Sans le soutien du million d’habitants du Sud, le règne du Hezbollah au Liban ne serait que brutalité et serait dépourvu de toute légitimité politique et populaire.

Droit à la sécurité

Cette réalité impose au reste des Libanais une approche prudente et intelligente. Dans le contexte actuel d’une confrontation potentielle avec Israël, le discours ne peut porter uniquement sur la question des armes, au risque de renforcer le récit qui fonde leur légitimité sur la dissuasion et de jeter les habitants du Sud réticents à la guerre dans les bras du Hezbollah. Il devrait porter globalement le souci de la sécurité de la frontière sud. Si légitime que soit la question des armes du Hezbollah et la nécessité pour l’État d’avoir le monopole des armes, dans le contexte du conflit en cours, le débat actuel devrait plutôt porter sur la sécurité des Libanais et du Sud.

Face à cette machine de propagande qui se met en marche, il convient d’avoir un message politique qui puisse clairement identifier son but : éviter tout entraînement du Liban dans la guerre et refuser la mise en danger de la sécurité des Libanais. Il convient également de faire porter la responsabilité de toute détérioration de la situation côté libanais au parti de Dieu, tant qu’il est en contrôle de la zone frontalière.

Les partis opposés au Hezbollah au Liban, et tout particulièrement réformistes et non confessionnels, portent une responsabilité première. C’est peut-être aussi une opportunité d’entamer une relation de confiance avec les habitants du Sud, qui étaient jusque-là en dehors de leurs calculs politiques.

Par Naji ABOU KHALIL

Membre du comité exécutif du Bloc national

La question que se posent tous les Libanais aujourd’hui porte sur les intentions du Hezbollah dans le contexte de la guerre opposant les Palestiniens et les Israéliens. En effet, le temps est suspendu pour les Libanais depuis le 7 octobre 2023, surtout pour les habitants du Sud. Les résidents des villages frontaliers ont quitté leurs maisons pour aller vers des localités plus...

commentaires (3)

Il ne faut oublier que HN nourrit les habitants du sud et leur édifient des mausolées à leurs enfants morts aux combats qu’il a toujours provoqués ici et là. On sait bien qu’on ne mord pas main de celui qui donne la becquée. Le jour où l’état prendrait soin de ces laissés pour compte nos compatriotes du sud qui ont tout donné pour vivre en paix ils oublieront jusqu’à le prénom de celui qui les a humilié, menacé et anéanti pendant des décennies et leur a enlevé leurs enfants pour des sordides guerres contre le pain trempé de sang qu’il leur a fourni et fournit encore.

Sissi zayyat

18 h 41, le 21 octobre 2023

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Commentaires (3)

  • Il ne faut oublier que HN nourrit les habitants du sud et leur édifient des mausolées à leurs enfants morts aux combats qu’il a toujours provoqués ici et là. On sait bien qu’on ne mord pas main de celui qui donne la becquée. Le jour où l’état prendrait soin de ces laissés pour compte nos compatriotes du sud qui ont tout donné pour vivre en paix ils oublieront jusqu’à le prénom de celui qui les a humilié, menacé et anéanti pendant des décennies et leur a enlevé leurs enfants pour des sordides guerres contre le pain trempé de sang qu’il leur a fourni et fournit encore.

    Sissi zayyat

    18 h 41, le 21 octobre 2023

  • Sauf que, et j'insiste, si nos concitoyens du Sud veulent vraiment la paix et la prospérité, il faut que le Hezbollah remettent ses armes a l’armée, aujourd'hui avant demain. Croyez moi Israël préfère avoir le Hezbollah en face que l’armée car n'importe qu'elle action sera de facto légitime alors que si le Hezbollah bouge le petit doigt son action est illégale même s'il répond a une agression. Du coup HN a une occasion en or pour s'entendre avec l'opposition sur une marche a suivre, unir et consolider le front interne et procéder, discrètement, avec la passation de la sécurité aux mains de l’état. Le plus tôt serait le mieux. Pour le reste l’état peut s'engager a lui laisser le champ libre en Syrie et lui fournir tout ce dont il a besoin pour son intervention la bas. Plus les ennemis du pays s’entre tuent plus nous auront la paix. Triste déclaration mais O combien réelle. Le Liban officiel pourra alors intervenir aussi dans la solution finale au conflit.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    12 h 29, le 18 octobre 2023

  • Je suis encore une fois impressionnée par la justesse des propos et analyse de vos journalistes ou contributeurs !!! J adhère à chaque mot de cette analyse et de ses vœux pour les jours qui viennent ✊✊✊Leila Shahid ??????

    Chahid Leila

    17 h 22, le 16 octobre 2023

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