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Idées - Point de vue

L’ouverture d’un deuxième front au Liban paraît peu probable

L’ouverture d’un deuxième front au Liban paraît peu probable

Photo d'illustration : Un combattant du Hezbollah avec un lance-missile anti-aérien portable, lors d'une démonstration à la presse, en avril 2017. Photo d'archives AFP.

La subite, surprenante, et meurtrière attaque lancée par le Hamas hors de Gaza dans la nuit du 7 au 8 octobre aura peut-être fait basculer le Moyen-Orient dans son ensemble dans une dynamique dont il semblait, à bien des égards, s’éloigner dernièrement. Depuis plus de deux ans, la région oscillait certes entre tensions - anciennes pour certaines, nouvelles ou renouvelées pour d’autres- et rapprochements - transactionnels et cyniques pour la plupart, mais avec une nette tendance à la désescalade, de la Syrie jusqu’au Yémen, en passant par le dégel irano-saoudien.

De ce point de vue, ce qui se passe en ce moment à Gaza peut être décrit comme un « phénomène de rupture ». De rupture et de bascule aussi, peut-être, et sans doute de recentrage sur une question lancinante mais qui dérivait vers l’oubli, celle de Palestine.

Pari hasardeux

Comme souvent dans ces situations, les mêmes interrogations reviennent :  à quel point ce conflit restera-t-il confiné ou contenu  ? À quel moment, et où, la fameuse « unicité des théatres »,  dont on entend de plus en plus parler au sein de l' « axe de la Résistance » ? Et parmi ces fronts, c’est bien sûr le Liban, qui émerge comme candidat principal. Compte tenu de la vitesse à laquelle la situation évolue à Gaza, et en dépit de la montée des tensions dans la région, se risquer à parier sur l'ouverture au Liban d'un second front à la guerre Hamas-Israël parait néanmoins hasardeux. Il y a eu, et il y aura, quelques escarmouches à la frontière sud du Liban. Toutefois, ces escarmouches semblent relever d’’un langage qu'Israël et le Hezbollah connaissent et utilisent bien, mais qui reste contenu. On pourrait donc rester « optimiste » quant au fait que le Liban se tiendra à distance, et ce pour au moins trois raisons.

La première est d'ordre technique. Le conflit entre le Hamas et Israël survient à un moment où le Liban est en plein effondrement socio-économique et politique, dérivant vers un état de chaos à long terme, une sorte d'ingouvernabilité durable avec des institutions de sécurité qui s’érodent lentement. Le système a explosé et personne ne sait combien de temps il faudra pour que le pays s'en remette.

Le Hezbollah sait qu'étant donné la situation au Liban, il serait extrêmement risqué et coûteux de se lancer dans une escalade totale. La situation actuelle est très différente de celle de 2006, lors de la « guerre de juillet » entre le Hezbollah et Israël. Sur le plan interne, le Hezbollah n'a plus le soutien qu'il avait auparavant. La situation économique est désastreuse et le Hezbollah ne pourrait pas assumer la responsabilité de la destruction complète du pays si une guerre devait éclater. Dans le même temps, Israël se trouverait également dans une situation très difficile s'il ouvrait deux ou trois fronts, sachant que le front libanais est loin d'être un front facile. Les deux parties ont donc intérêt à ce que la situation reste limitée aux échanges que nous avons connus jusqu'à présent.

Équations énergétique et géopolitique

La deuxième raison est liée à l'équation énergétique en Méditerranée orientale. Indépendamment de notre opinion sur la délimitation maritime et l'exploration gazière dans le sud, cette situation a un effet dissuasif important sur les conflits. Les deux parties ne veulent pas mettre en danger ce qui est en train de devenir une infrastructure physique (y compris les plates-formes de Cana et de Karish) et personne n'est prêt à prendre le risque de la faire exploser. Le Hezbollah a été très clair ces derniers mois, affirmant que tout conflit impliquerait les installations maritimes d'Israël dans le sud. Il serait surprenant que l’une des parties mette cela en danger aussi facilement.

Enfin, la troisième raison est d'ordre géopolitique. Si les actions du Hamas à Gaza visent à torpiller ou à faire dérailler le rapprochement entre Israël et les États du Golfe en remettant la question palestinienne sur la table - en disant que si cette question n'est pas réglée, rien d'autre ne peut être fait - alors il est dans l'intérêt des alliés du Hamas, le Hezbollah en tête, de ne pas s'engager dans la guerre. En d'autres termes, il faut laisser le Hamas et la Palestine au centre de la scène et ne pas intervenir.

Pour toutes ces raisons, il est raisonnable de penser que le Liban restera un théâtre secondaire, malgré quelques échanges mineurs de tirs et de roquettes qui resteront limitées dans l'ensemble. Ce ne serait que dans l'éventualité où Israël s'engagerait dans une offensive totale sur Gaza, avec la possibilité de voir le Hamas éradiqué en conséquence, que le Hezbollah et l'Iran réévalueraient alors leur implication. Et là encore, l’automatisme de l’ouverture d‘un front libanais pourrait bien rester relative : réchauffement de la tension en Cisjordanie ; utilisation bien plus nébuleuse d’une plateforme d’opérations dans le sud syrien ;  actions émanant de groupes irakiens contre la présence américaine… Les choix sont aujourd’hui bien plus ouverts que l’on n’en avait l’habitude. Pour une fois peut-être à l’avantage du Liban, c’est cette même « unicité des théâtres », mais aussi leur multiplicité , qui, paradoxalement pourrait épargner cette fois au pays du Cèdre d’être la  boîte aux lettres quasi-unique des conflits qui l’entourent.

Par Joseph BAHOUT, directeur de l’Institut Issam Farès pour les politiques publiques et les questions internationales (IFI) de l’Université américaine de Beyrouth.

La subite, surprenante, et meurtrière attaque lancée par le Hamas hors de Gaza dans la nuit du 7 au 8 octobre aura peut-être fait basculer le Moyen-Orient dans son ensemble dans une dynamique dont il semblait, à bien des égards, s’éloigner dernièrement. Depuis plus de deux ans, la région oscillait certes entre tensions - anciennes pour certaines, nouvelles ou renouvelées pour...

commentaires (6)

Discutons comment remédier à la cause palestinienne et tout sera résolu.

Mohamed Melhem

07 h 22, le 15 octobre 2023

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Commentaires (6)

  • Discutons comment remédier à la cause palestinienne et tout sera résolu.

    Mohamed Melhem

    07 h 22, le 15 octobre 2023

  • Probable ou non?? On a déjà des victimes

    Wlek Sanferlou

    03 h 52, le 15 octobre 2023

  • L'auteur de l'article semble avoir changé d'avis sur Twitter ce soir. Il semble considérer que la probabilité de la guerre a augmenté avec les dernières menaces iraniennes rapportées par Axios.

    Nagi Nahas

    03 h 20, le 15 octobre 2023

  • PEU PROBABLE. NON IMPROBABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 40, le 14 octobre 2023

  • La raison, aussi, est que le Hezbollah en cas de conflit y laisserait des plumes et risquerait de se mettre à dos bon nombre de ses partisans, les régions chrétiennes, notamment seraient peu enclines à recevoir des milliers de réfugiés « chez » eux.

    C…

    23 h 56, le 13 octobre 2023

  • Peu probable à cause de quoi du porte avion ou de la menace US?

    Bery tus

    19 h 45, le 13 octobre 2023

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