Non à la guerre : le message en demi-teinte du gouvernement au Hezbollah

Non à la guerre. Voilà le message que le gouvernement a adressé jeudi au Hezbollah, qui semble jusqu’ici gérer avec prudence sa participation au conflit déclenché par l’opération « Déluge d’al-Aqsa » menée par le Hamas contre Israël samedi dernier. Un message cependant enrobé d’une littérature bien dosée de la part du Premier ministre sortant, Nagib Mikati, soucieux de ne pas mécontenter ses principaux parrains, le tandem chiite Amal-Hezbollah. Sans condamner clairement les tentatives d’entraîner le pays dans le conflit en cours à partir du Liban-Sud, le gouvernement a simplement appelé « tous les protagonistes libanais à la retenue », insistant sur « le rôle de l’armée dans la préservation de la sécurité et la stabilité ». Un appel subtil au parti de Dieu de rester à l’écart d’une guerre dont le pays ne peut à l’évidence pas supporter les conséquences. 

Lire aussi

Le tandem Hezbollah-Amal peut-il gérer une vague de déplacement au Liban ?

Ce n’est qu’au sixième jour de l’opération « Déluge d’al-Aqsa » qui bat son plein à Gaza, et à la veille de la mobilisation générale décrétée par le Hamas, que le Conseil des ministres est enfin sorti de sa léthargie et s’est réuni pour examiner la question. Une source ministérielle confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que les ministres Mohammad Mortada (Culture), Ali Hamiyé (Travaux publics) et Moustapha Bayram (Travail), relevant du tandem chiite, se sont livrés à des interventions virulentes lors de la réunion. Ils ont estimé que ce qui se passe à Gaza n’est rien moins que « des génocides » et « des crimes de guerre » commis sous le silence assourdissant et complice de la communauté internationale. En face, plusieurs membres du cabinet, moins déchaînés, ont rappelé que le Liban soutient la cause palestinienne, tout en soulignant que ce soutien ne devrait pas se faire aux dépens de la stabilité du pays. D’où le communiqué bien dosé dont a donné lecture le Premier ministre personnellement.

« Le Conseil des ministres condamne fermement les crimes commis par l’ennemi israélien sous le silence de la communauté internationale », a déclaré le chef du gouvernement. Évoquant la situation au Liban-Sud où des roquettes sont lancées au quotidien, Nagib Mikati s’est montré très prudent. « Ce qu’il se passe actuellement au Liban-Sud est la conséquence des provocations israéliennes et des violations répétées par Israël de la résolution 1701 », a-t-il estimé, annonçant que Beyrouth entend déposer une plainte contre Israël sur ce plan. Voilà pour la partie destinée à plaire au Hezb. Pour le reste, M. Mikati s’est empressé d’insister sur « le rôle de l’armée dans la préservation de la stabilité et de la sécurité ». Le message est clair : en cas de conflit, c’est à l’institution militaire, et non au Hezbollah, de jouer son rôle en matière de protection du pays. «Nous n’avons aucun problème avec cette prise de position », commente pour L’OLJ le ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada.

Lire aussi

« Déluge d'al-Aqsa » : le Hezbollah sait-il exactement ce qu’il va faire ?

M. Mikati a d’autre part rendu compte de ses contacts ces jours derniers avec des responsables internationaux. « Ils nous ont demandé de calmer la situation, a-t-il dit. Je suis également en contact avec tous les protagonistes dotés d’un poids politique au Liban, pour les exhorter à la retenue et à ne pas se laisser prendre au jeu d’Israël. » Encore un avertissement à l’adresse du Hezbollah.

Bou Habib en Syrie
Sur un autre registre, les ministres réunis jeudi au Sérail ont discuté de la question désormais un peu moins brûlante de la crise suscitée par la présence massive de réfugiés et de migrants syriens au Liban. Un dossier abordé en l’absence du ministre des Affaires sociales, Hector Hajjar, premier concerné par l’affaire, mais qui boycotte toujours le cabinet par décision du courant aouniste. Ironiquement, le CPL fait pourtant de la question des réfugiés son cheval de bataille.  Quoi qu’il en soit, le Conseil des ministres a discuté du dossier en présence des chefs des appareils de sécurité. L’occasion pour le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, de fournir des données chiffrées sur le nombre de Syriens que la troupe empêche quotidiennement d’entrer au Liban de façon illégale. De son côté, le chef des Forces de sécurité intérieure, Imad Osman, a exposé le nombre de Syriens détenus dans les prisons libanaises. Pour régler le problème, le gouvernement a décidé de se tourner officiellement vers la Syrie. Le chef de la diplomatie, Abdallah Bou Habib (lui aussi absent de la réunion de jeudi), devrait se rendre à Damas le 23 octobre, à la tête d’une délégation essentiellement sécuritaire, qui comprendra également un juge représentant le ministère de la Justice.