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Nos Lecteurs ont la Parole

La santé mentale au Liban : entre menaces de guerre et violations des droits humains

Comment les Libanais(es) sont-ils à même de célébrer la Journée mondiale de la santé mentale (qui coïncide le 10 octobre) ?

Sous l’emprise d’une guerre dévastatrice mortelle qui ravage le Proche-Orient, ils vivent sous la menace imminente de sombrer, de par l’alliance du Hezbollah avec le Hamas et contre la volonté d’une majeure partie d’entre eux, dans le cataclysme d’une guerre contre Israël que le Liban n’est pas en mesure d’endiguer.

Les handicaps et blessures physiques et psychiques engendrés déjà par des décennies de guerres civiles et d’occupations étrangères saignent toujours au sein de nombreux individus et familles affectés. Nous les retrouvons aujourd’hui aussi dans les réflexes que nous adoptons – avoir le passeport à portée de main, laisser les vitres entrouvertes de peur qu’elles n’explosent sous le souffle d’un obus, etc. – et qui racontent l’histoire de décennies d’apprentissage d’une vie scandée au rythme des urgences provoquées par les enjeux sécuritaires et le flirt inconditionnel avec la mort.

Si jamais Israël décide de frapper les bases du Hezbollah présentes au Liban, il ne s’agira ni plus ni moins que d’une guerre d’élimination pour nous tous(tes) !

Comme si l’explosion du 4 août 2020, ce crime de trop, n’avait pas déjà dévoilé les enjeux politiques des guerres régionales dans lesquelles le Liban est empêtré.

De fait, le pouvoir politique au Liban œuvre depuis longtemps déjà à asseoir son emprise politique au détriment de l’État de droit. En lisant la majorité des articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme signée et adoptée par le Liban en 1948, dont Charles Malek est l’un des rédacteurs, on réalise avec effroi qu’au Liban, depuis de nombreuses années déjà, ils sont à majorité bafoués portant atteinte aux droits fondamentaux des êtres humains.

De plus, de par mon expérience clinique, mon travail de psychothérapeute psychanalytique et de par mon engagement sur le terrain, je me rends de plus en plus compte de l’impact psychique dévastateur et des conséquences drastiques des atteintes continues aux droits de l’homme et donc aux droits inaliénables de tout un chacun à la liberté d’être, de penser et d’agir, sur la santé mentale des Libanais(es). J’entends par cela les menaces, les intimidations, les arrestations arbitraires d’activistes et de journalistes – déférés devant le tribunal militaire – les assassinats politiques, les atteintes à la communauté LGBTQ+, la torture physique et morale, la fabrication de dossiers juridiques, l’occupation politique du pays, la mainmise sur la justice et la paralysie de toute enquête d’établissement des faits qui implique des responsables/entités politiques libanais ou alliés, les agressions et incursions à l’encontre des réfugiés dont le nombre qui gonfle drastiquement réveille irréparablement un sentiment de menace, autant de violences et de violations que la psyché humaine n’est pas en mesure d’endiguer. Ces violences altèrent le rapport intime à soi et à l’autre, provoquent ruptures du lien social, de la confiance en la justice et en l’État.

Elles peuvent, selon les situations, engendrer angoisses de persécution, importantes dépressions, tentatives de suicide ou même de nouvelles violences.

Le crime politique est ainsi utilisé inlassablement, à l’usure, jusqu’à ce que les Libanaises et les Libanais, dépossédés de leur moi, se rendent comme une loque impuissante, inanimée, incapable désormais de lutter – en tout cas à quoi bon ? La confusion de langue se révèle affolante : la revendication des droits de l’homme, de la justice sociale, de mettre fin à l’impunité endémique d’un côté font face à la perversion, la manipulation, la corruption et le crime politique de l’autre. Le « dialogue » entretenu entre la société civile et le pouvoir s’est révélé ainsi tout bonnement impossible et non concluant.

Remplies de frustration, certaines personnes se réfugient par ailleurs dans l’idéologie religieuse/politique salvatrice pour elles et sombrent irrémédiablement en miroir, dans le tourbillon de la violence méchamment subie. Le pays se noie alors dans ce qu’il recèle de plus obscur, les capacités de pensée étant paralysées face à l’absence de repères structurants et de perspectives d’issues envisageables.

Nous relevons, du fait de la situation politico-sécuritaire, que l’État libanais ne réunit pratiquement aucune condition pour favoriser la santé mentale, qui est un droit humain fondamental. De ce fait, il est coupable…

Quant à nous, professionnels(les), intellectuels(les), citoyennes et citoyens, nous œuvrons dans la mesure de nos capacités à préserver des espaces de paroles, de pensées, d’analyses et d’actions qui servent à élaborer les événements traumatiques qui maculent nos quotidiens, à les transcender dans une tentative d’y survivre mais aussi pour des matins nouveaux…

Psychologue clinicienne, psychothérapeute psychanalytique

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Comment les Libanais(es) sont-ils à même de célébrer la Journée mondiale de la santé mentale (qui coïncide le 10 octobre) ?Sous l’emprise d’une guerre dévastatrice mortelle qui ravage le Proche-Orient, ils vivent sous la menace imminente de sombrer, de par l’alliance du Hezbollah avec le Hamas et contre la volonté d’une majeure partie d’entre eux, dans le cataclysme...

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