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Culture - Beyrouth Livres/ Portrait

Joseph Safieddine, son père, son héros… de BD

Né en France, de mère française et de père libanais, l’auteur scénariste trentenaire livre souvent dans ses romans graphiques ses interrogations de fils d'immigré à la double nationalité.

Joseph Safieddine, son père, son héros… de BD

Joseph Safieddine, bédéiste franco-libanais taraudé par les thèmes de l'identité et de la transmission. Photo Gautier Zaregradsky

S’il s’était agi de sa mère, on aurait dit de Joseph Safieddine qu’il n’a toujours pas coupé le cordon ombilical. Mais c’est son père que l’auteur de bédés et autres récits graphiques ramène à (presque) toutes les sauces. Autant en entretien journalistique que dans ses albums. Le scénariste de 37 ans avoue d’ailleurs sans ambages que c’est la personnalité mystérieuse de son géniteur qui est à l’origine de son attrait pour la création. « C’est l’envie de rencontrer mon père qui m’a amené vers l’écriture. J’avais envie de mieux le connaître, d’aller explorer nos racines communes et de saisir pourquoi il a tourné le dos au Liban, qu’il a quitté en 1975 au début de la guerre civile. »

Originaire de Tyr, ville côtière du Liban-Sud, ce père qui « parle arabe, sans jamais nous parler, à nous ses enfants, en arabe ; qui n’évoque jamais ce qui s’est passé au Liban avant son départ ; qui a choisi de s’appeler Stéphane alors qu’à la base il s’appelait Moustapha », fascine son fils autant qu’il l’émeut. Au point de hanter de manière plus ou moins frontale nombre de ses albums, dont : Les Lumières de Tyr publié en 2012 chez Steinkis (dessin de Xavier Jimenez) ; Je n'ai jamais connu la guerre, sorti l’année suivante chez Casterman (dessin de Maud Begon) ; Yallah Bye (Le Lombard, dessin de Kyung Eun Park) qui a décroché une avalanche de prix dont celui du Scénario d'or en 2015 et Monsieur Coucou (Le Lombard en 2018, dessin de Kyungeun Park). Sans oublier, le dernier opus Les Fusibles (Dupuis, 2023) cosigné avec le dessinateur Cyril Doisneau. Un roman graphique qui, à travers une histoire universelle d’expatriation, de déracinement, de transmission de culture et d’identité, reste largement inspiré de cette figure paternelle qui est loin de lui avoir livré tous ses secrets…


« Les fusibles », un roman graphique signé Joseph Safieddine et Cyril Doisneau (Dupuis, 2023).

Famille(s) je vous aime

Ne le cataloguez pas pour autant dans un registre purement identitaire. S’il reconnaît puiser souvent dans son histoire et ses origines libanaises, Joseph Safieddine, fan absolu de Gotlib, a beaucoup collaboré entre 2016 et 2019 au magazine Fluide Glacial. Il a aussi signé d’autres scénarios de bédés sur des thématiques aussi diverses et variées que les histoires de couples (Été, un feuilleton en bande dessinée coproduit par Arte et diffusé sur Instagram ou encore Fluide, une web série en dix épisodes, coscénarisée avec Thomas Cadène pour Arte), d’amitié toxique (BFF, co-écrit avec Thomas Cadène, dessiné par Clément Fabre et paru aux éditions Delcourt), de personnages historiques… dont une biographie de Roger Henrard, L’Enragé du ciel (Sarbacane), « une légende de l’aviation et de l’espionnage en France » qui n’est autre que son arrière-grand-père maternel. Une bédé sortie en 2015 simultanément avec Yallah Bye, le récit des mésaventures de son père, sa sœur et son jeune frère partis en vacances au Liban l’été 2006 où ils se retrouvent piégés par la guerre de juillet. Comme quoi, le « Famille(s) je vous aime » pourrait être le slogan de Joseph Safieddine !

Paris-Beyrouth-Tyr

Pour ce trentenaire qui affirme se sentir « à cent pour cent Français et à cent pour cent Libanais », l’invitation à participer à la seconde édition de Beyrouth Livres était l’occasion idéale pour se reconnecter avec son pays du Cèdre, où depuis la tragédie du port il n’avait plus mis les pieds. « J’avais des réticences à y revenir, comme chaque été en vacances, juste pour profiter de la plage, faire du ski nautique et y fumer le narguilé. J’espérais retrouver le Liban avec un projet. J’ai sauté de joie quand Matthieu Diez m’a proposé de monter une exposition* autour des planches du livre Les Fusibles (au dessin signé par Cyril Doisneau**) à la Maison Mamelouk de Tyr (Sud-Liban) avec des archives photographiques qui éclairent mon parcours familial. Celui de mon père en fait, qui s’est toujours vanté d'avoir été ce fusible entre deux générations, deux mondes ; à savoir entre le Liban de son passé, détruit et ensanglanté par les guerres, et nous ses enfants qu’il a toujours voulu préserver des stigmates de sa dramatique histoire. »

L’ami Gotlib

Son prochain projet ? « Un album, avec le dessinateur Cyril Doisneau, dans lequel je raconte ma rencontre avec Marcel Gottlieb, dit Gotlib. Il se trouve que cet auteur-dessinateur iconique habitait à Paris à 500 mètres de chez moi, qui, à 7 ans déjà, avait fait de ma chambre un temple à sa gloire. J’ai tout fait pour devenir son pote, j’ai réussi à le rencontrer et alors que j’étais, tout petit, je suis devenu son ami, je traînais chez lui dans son énorme bureau », évoque, des étoiles dans les yeux, le jeune homme. Toujours cette fascination pour les figures tutélaires et paternelles…


*L’exposition « Les fusibles » se tient jusqu’au 21 octobre.

**Le duo Joseph Safieddine et Cyril Doisneau a également participé à « L’Orient des Écrivains », le numéro exceptionnel de « L’Orient-Le jour » avec une bédé sur une pleine page intitulée « Réunion de famille », parue dans l’édition du 6 octobre 2023.


S’il s’était agi de sa mère, on aurait dit de Joseph Safieddine qu’il n’a toujours pas coupé le cordon ombilical. Mais c’est son père que l’auteur de bédés et autres récits graphiques ramène à (presque) toutes les sauces. Autant en entretien journalistique que dans ses albums. Le scénariste de 37 ans avoue d’ailleurs sans ambages que c’est la personnalité...

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