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Culture - Beyrouth Livres/ Rencontre

Olivier Ka : « Durant 54 ans j’ignorais que j’étais Libanais »

L’auteur-illustrateur français d’origine libanaise a donné hier soir, sur la scène du théâtre Monnot, une émouvante lecture accompagnée de projection d’images de son livre « Beyrouth (Liban)», fruit de ses retrouvailles avec la ville où il est né.

Olivier Ka : « Durant 54 ans j’ignorais que j’étais Libanais »

Le désormais Franco-Libanais auteur et illustrateur Olivier KA. DR

Il a renoué avec sa « libanité » il y a moins de deux ans. À la faveur d’une invitation à participer à un Salon de bande dessinée organisé par l’Institut français du Liban. Jusque-là, Olivier Karali, alias Olivier KA, né à Beyrouth en 1967, parti avec sa famille en 1971, n’était jamais retourné au Liban. L’envie était pourtant là depuis plusieurs années. « Mais quelque chose me retenait. J’avais peur d’être déçu, bouleversé ou encore déstabilisé, confie à L’OLJ ce quinquagénaire à l’allure incroyablement juvénile. Je m’étais construit une image de ce pays, de sa capitale, en particulier, un peu romantique, d’après les photos en noir et blanc et les récits de mes parents qui y ont vécu les belles années de leur jeunesse au cours des années 1960. »

Ses retrouvailles avec le pays de ses premières années, cet auteur-illustrateur français les raconte avec la même simplicité, la même sincérité, aussi bien dans son livre sobrement intitulé Beyrouth (Liban) que sur scène – celle du théâtre Monnot, où il présente une lecture illustrée – ou encore en interview, dans le lobby de son hôtel beyrouthin.

« C’est en venant ici à la recherche de mes racines, à la découverte de toute cette famille qui y était restée, que je ne connaissais pas et qui m’a accueillie chaleureusement, que j’ai réalisé que j’avais toujours ressenti un manque, comme quelque chose au fond qui m’échappait, une sorte de déracinement de l’endroit d’où je viens », révèle celui qui a aussi découvert que l’un des traits de sa personnalité le plus caractéristique, son « humour du désespoir », est largement cultivé par l’ensemble des Libanais.

 Émouvantes retrouvailles

Pour situer sa relation au Liban, Olivier KA revient sur le parcours de ses parents, le bédéiste Paul Carali et l’auteure de livres de jeunesse Anne Liger-Belair, dite Gudule. « Mon père, égyptien, de lointaine ascendance libanaise – “remontant à 1697” –, était lui-même revenu au Liban en 1960 à l’âge de 15 ans avec sa famille. C’est là qu’il a rencontré ma mère, qui, elle, était venue en 1965 de Belgique pour rejoindre ses deux frères (dont l’un n’est autre que le fameux architecte Jacques Liger-Belair) qui s’y étaient installés. Ils se sont mariés, se sont installés à Beyrouth, y ont fondé une famille – d’où la mention “Beyrouth-Liban” qui m’a toujours accompagné, puisque c’était ce que j’écrivais depuis toujours sur mes papiers d’identité – avant de décider de s’envoler pour la France au tout début des années 1970. Mon père, qui était alors dessinateur satirique dans des magazines libanais, voulait faire de la bande dessinée. Et, pour pouvoir en vivre, il projetait d’aller en France ou en Belgique. Il a accéléré son départ le jour où, à la suite d’un petit gag qu’il avait publié dans un magazine libanais, le pouvoir en place de l’époque l’avait convoqué et menacé, considérant qu’il avait critiqué le régime. C’est ainsi que je me suis retrouvé, à l’âge de 4 ans, propulsé hors de ma terre natale », raconte, le regard à la fois grave et malicieux, l’auteur et illustrateur de Beyrouth (Liban).


Olivier KA a livré des extraits de son livre de retrouvailles avec Beyrouth sur la scène du Monnot. Photo Ghassan Aflak.


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Un bel ouvrage, en format carré, qu’il vient de sortir en autoédition – « parce qu’il est tellement personnel que j’avais envie de le maîtriser de A à Z » –, dans lequel Olivier KA met donc en récit illustré son voyage de retour aux sources de son enfance, sa quête de ses origines et de son « orientalité ».

La tendresse de son regard sur ce Liban, retrouvé 50 ans plus tard au cours de l’une de ses pires périodes de crise, est éminemment perceptible dans chaque paragraphe, chaque dessin de ce livre. Elle l’est tout autant dans les propos de cet homme d’une franchise désarmante qui reconnaît avoir été « un peu désorienté, un peu effrayé », à son arrivée à Beyrouth. « Mais, très rapidement, j’ai succombé au charme de ce pays qui reste magnifique malgré tout », déclare celui qui raconte l’émotion qu’il a ressentie en découvrant l’inscription de son nom dans le registre de la famille à Aïn Saadé.

De la tendresse pour « Beyrouth » à « Pourquoi j’ai tué Pierre »

« J’étais libanais depuis 54 ans et je l’ignorais ! s’exclame-t-il. Et aujourd’hui, après avoir récupéré ma nationalité libanaise, je suis en train de faire les formalités d’obtention du passeport libanais. » Une démarche que le désormais franco-Libanais Olivier Karali reconnaît être à valeur purement « symbolique ». Une symbolique de solidarité et de conformité de ses actes à ses idées qu’Olivier KA a toujours défendues dans ses nombreux ouvrages pour la jeunesse aux thématiques souvent pédagogiques sous leur traitement plein d’humour ainsi que dans ses quelques romans graphiques « plus grinçants » pour adultes, dont le poignant Pourquoi j’ai tué Pierre (Delcourt). L’un de ses livres phares, une autofiction cosignée avec le dessinateur français Alfred, qui traite de l’impact de la pédophilie sur les jeunes victimes, et qui lui a valu le prix du Public et celui de l’Album essentiel au festival de BD d’Angoulême en 2006. Un auteur à découvrir assurément !


Il a renoué avec sa « libanité » il y a moins de deux ans. À la faveur d’une invitation à participer à un Salon de bande dessinée organisé par l’Institut français du Liban. Jusque-là, Olivier Karali, alias Olivier KA, né à Beyrouth en 1967, parti avec sa famille en 1971, n’était jamais retourné au Liban. L’envie était pourtant là depuis plusieurs années....

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