Le 1er octobre, des milliers de téléspectateurs au Canada suivront la 7e saison de l'émission The Great Canadian Baking Show sur CBC, une adaptation du célèbre format britannique The Great British Bake Off qui met en compétition dix pâtissiers amateurs au talent exceptionnel. Et, pour la toute première fois, un candidat originaire du Liban et du Moyen-Orient.
Rainier Maksoud, 29 ans, est né et a vécu à Zahlé. Benjamin d’une fratrie de cinq enfants, sa mère est femme au foyer et son père mécanicien. Il découvre la pâtisserie alors qu’il a cinq ans et qu’il observe l’une de ses sœurs préparer un cheesecake. « La gélatine et sa transformation au contact de l’eau m’ont fasciné », confie-t-il. Pour lui, c’est cette expérience qui a éveillé sa curiosité pour « la pâtisserie et la science derrière ».
Cette même année, Rainier et sa famille émigrent au Canada. Dès l'âge de sept ans, il prépare lui-même ses repas à emporter pour l’école. Dès huit ans, il se porte volontaire pour surveiller le barbecue des repas de famille et trouve son bonheur en cuisine. Mais lorsqu’il doit choisir les études dans lesquelles il souhaite se lancer, il opte pour la finance à l’Université Concordia. Pourquoi ? Rainier plaisante un peu : « Parce que je suis libanais », répond-il en allusion aux attentes culturelles qui poussent souvent les jeunes à embrasser des carrières traditionnelles. Il fait sa licence de 2017 à 2022 à temps partiel et travaille en même temps en tant qu’analyste commercial dans une entreprise spécialisée dans la vente de miel. La cuisine garde sa place de passe-temps dans la vie de Rainier.
Un millier de cookies
Pour lui, « tout a commencé » avec le « Cookie Bake Sale » qu'il a initié en réponse à la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Dans le but de collecter des fonds pour soutenir son pays natal, Rainier Maksoud annonce sur son compte Instagram, suivi à l'époque par 300 abonnés, qu'il mettait en vente des douzaines de cookies au prix de 20 dollars pièce. « Je pensais que j'aurais seulement huit commandes, raconte-t-il, mais au final j'en ai reçu 133. » Depuis sa maison de la banlieue de Laval, où il vit avec sa mère, il prépare plus de 1 500 cookies en une semaine. « Mon four finira par se briser », dit-il en québécois. Il réussit à livrer ses 133 commandes avec l’aide de ses amis et récolte 2 660 dollars, un montant qui a été doublé par le gouvernement canadien. Résultat : grâce à son initiative, un total de 5 320 dollars a été envoyé au Liban pour venir en aide aux victimes des explosions au port.
« Après ça, les commandes ne se sont pas arrêtées », confie Rainier. Toujours depuis chez lui, il commence à proposer des cookies aux saveurs variées : pistaches, macadamia, lavande, chocolat blanc, spéculoos. Il gère en moyenne 20 commandes de cookies par semaine, et s’aventure aussi dans la création de tables de desserts pour de petits mariages, baptêmes et d'autres événements.
En janvier 2023, il apprend que The Great Canadian Baking Show a lancé les auditions pour sa prochaine saison. Sans grandes attentes, il s'y rend avec un gâteau à la pistache inspiré d'une robe de Nancy Ajram, l'une de ses chanteuses préférées. Sa création a du succès, l’amenant à passer une deuxième audition où il doit suivre une recette de tarte à la crème. « Je pensais que c’était impossible qu’on me choisisse », assure-t-il. Mais quelques semaines plus tard, il apprend qu'il a été sélectionné pour participer à l'émission. « Je ne savais pas du tout dans quoi je m’embarquais. »
Saveurs libanaises
L’émission est tournée en mai, à Toronto, sur une période de six semaines durant lesquelles Rainier est assez coupé du monde extérieur. Sa participation à l'émission devait rester secrète jusqu’à il y a quelques jours. Seules quelques personnes sont dans la confidence. Ses collègues et proches pensent qu’il s’est inscrit à une formation de cuisine. Avant l’émission, Rainier se prépare : il s'entraîne à cuisiner vite et efficacement, teste ses recettes, s’inspire d’autres chefs. Il passe aussi beaucoup de temps en cuisine avec sa mère qui lui apprendra à faire de la kebbé, de la mouhammara, de la osmalliyé, de la knefé et de la halewet el-jeben. « Étant le premier Arabe à participer à l'émission, je souhaitais introduire les saveurs libanaises que les juges n'avaient jamais goûtées », explique-t-il. Bien qu'il ne puisse pas révéler les plats spécifiques qu'il a cuisinés, il souligne avoir eu la volonté de « mettre en avant le Liban et ses saveurs à chaque occasion qui se présentait ».
« Je veux mettre en valeur la richesse culinaire de notre pays », affirme Rainier. Même s'il a quitté le Liban à un très jeune âge, il reste profondément attaché à son pays natal. « J'adore le Liban et sa culture », dit-il, tout en révélant être un grand fan des séries télévisées, des chanteurs et chanteuses libanais.
En ce qui concerne son avenir, Rainier demeure discret. Depuis la fin de l'émission, sa vie a repris son cours normal. Tenu au secret, il ne laisse aucun indice sur le résultat de la compétition, mais confie qu’il espère aujourd’hui obtenir un diplôme en pâtisserie pour « se légitimer ». « Je sais que cela peut sembler cliché, dit-il, mais j'espère sincèrement que mon histoire encouragera ceux qui la liront à suivre leur passion. C'est tout ce qui compte. »
« The Great Canadian Backing Show » sur CBC dimanche 1er octobre à 20h, heure locale.