Demain la France

Entre la France et le Liban l’histoire s’emballe. Il est de coutume de dire que les relations entre les pays sont régies par les seuls intérêts nationaux, celles entre ces deux pays ne dérogent pas à la règle.

Toutefois, il est impossible de les réduire à cette seule disposition tant interviennent en ligne de compte des facteurs et interactions multiples.

Les relations remontent aux temps immémoriaux marquant l’intérêt que très tôt la France porta à cette région du monde, d’abord au nom des affinités catholiques, puis pour la protection de ces populations définissant déjà les contours de sa politique de puissance. Avec la proclamation du Grand Liban, ces relations se transformèrent en relations d’amitié avec la nouvelle entité étatique. Au-delà des termes de la géopolitique, affinités, protection, mandat, l’amitié se consacra entre les deux peuples et il est peu de régions en France qui ne se sentent concernées par le Liban tout comme la majorité des Libanais « vibrent » à la cause française. C’est une situation bilatérale, biunivoque, en ce que chaque citoyen des deux côtés l’associe à son histoire avec l’autre, phénomène très rare sur la scène internationale.

Aujourd’hui, la France se trouve être la seule puissance nucléaire de l’Union européenne, membre permanent du Conseil de sécurité.

Cela implique qu’elle justifie d’une politique de puissance qui se traduit essentiellement par le triptyque : différenciation par rapport à la politique américaine au sein du camp occidental, politique africaine et politique arabe marquant des zones d’influence que lui reconnaît la communauté internationale.

De ce qui précède et au vu des développements des dernières années, le Liban représente encore un élément important de la politique arabe de la France qui y jouit d’une présence primordiale.

De la même façon, si la position géopolitique du Liban attise les intérêts des puissances tant régionales que mondiales, il est peu de pays, comme la France, concernés aussi par les intérêts intrinsèques du peuple libanais ami. Toute puissance privilégiera légitimement ses intérêts nationaux, mais, en ce qui nous concerne, nous pouvons toujours nous prévaloir de nos relations particulières pour envisager un bénéfice mutuel.

C’est au vu de cet état qu’il faut lire les derniers événements ayant émaillé les relations politiques bilatérales. Les tergiversations libanaises avaient de quoi exaspérer les bonnes volontés cherchant à aider la classe politique à sortir de l’impasse qui, de son côté, n’hésitait pas à envoyer des fins de non-recevoir à l’envoyé personnel du président français. On peut ajouter le fait que l’option réaliste de discuter avec toutes les parties pour pouvoir peser a pu être mal défendue ou en tout cas mal interprétée par ceux qui se considèrent comme les « premiers » amis de la France créant pour la première fois un sentiment de méfiance à l’égard de la « tendre mère ».

Cette position est contre-productive de distanciation vis-à-vis de la grande puissance encore impliquée, voire dangereuse quand on sait le peu d’intérêt que le dossier libanais suscite sur la scène internationale. Il faut une réaction rapide pour ne pas laisser se développer ce sentiment incohérent antifrançais et retrouver le discours apaisé qui permet de souligner dans le dialogue discret des divergences de parcours entre amis au service d’une même cause. En termes d’efficacité, c’est la position optimale souhaitée. La relève ne se fera qu’avec nos frères arabes et nos amis.

Demain ne peut se concevoir loin de la France, de sa culture humaniste, de sa politique arabe, de ses principes fondateurs des libertés et des droits de l’homme, ce qui signifierait une perte d’une partie de notre patrimoine historique et culturel entravant notre potentiel de renaissance.

Ancien ministre

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